Opacité

Ce dont on est conscient est entouré de parois opaques, et c’est de cette opacité que la conscience naît et tente de se survivre sinon de progresser. Cette opacité est une nécessité de la conscience comme la conscience est le fantasme de toute opacité. Opacité et conscience sont ainsi liées comme des jumeaux. Il est déraisonnable de vouloir que l’une prenne le dessus sur l’autre. Plus la conscience progresse, plus l’opacité devient opaque, ainsi sont les choses. S’il existe un Dieu il est certainement constitué ainsi : opaque et conscient à la fois depuis toujours et à jamais. Peut-être est-il seulement ce souhait de l’esprit humain, le souhait d’un espace, d’un lieu sans aucune frontière. Cet endroit qui nous installe dans son envers à notre échelle et où ce qui nous apparaît absurde et contraire est rêvé, transmuté, pour ne plus faire qu’un. En attendant la réponse définitive à cette question nous n’avons que notre conscience pour tenter de résoudre du mieux que nous le pouvons, et à condition que nous en ayons le désir, des opacités à notre mesure. Comme par exemple finir le mois alors qu’il vient à peine de commencer.

Je me suis branché sur James Ellroy toute la journée d’hier pendant que je peignais. Lui aussi considérais l’opacité, de l’histoire américaine et plus particulièrement celle de sa ville, Los Angeles. Il réécrivait celle-ci à l’appui de nombreux documents qu’il ne cessait jamais d’étudier de ruminer, jusqu’à ce qu’il puisse les faire entrer par un moyen ou un autre dans ses histoires. Il serait absurde de considérer les romans d’Ellroy comme des livres historiques, ce sont vraiment des romans c’est à dire que tout y est inventé, mais si bien que l’on peut parfois éprouver un doute, et l’on serait tenté croire que c’est la réalité. Notamment quand il met en scène de vraies personnes comme les Kennedy. Il les peint de façon si crédible à l’appui de la documentation étudiée qu’ils peuvent être réels ou faire douter de ce que nous croyons être réel. Un bel exercice où il joue avec l’opacité et la transparence, la lucidité ou la conscience, tout en les renvoyant au bout du compte dos à dos. Par contre son leitmotiv sur la redemption confère à l’ensemble de son travail un aspect naïf inattendu quand on se souvient de la lucidité avec quoi ses personnages, l’histoire comme cadre à l’histoire, sont décrits. Une autre manie est à la,fois de se tenir à des phrases simples sujet verbe complément et en même temps cette profusion de vocabulaire incroyable qu’il va pêcher dans de nombreux domaines y compris son affection prononcée pour les abréviations, les sigles. En fin de compte Ellroy est un sale petit morveux d’une intelligence insupportable. Probablement insupportable au point qu’il veuille la ruiner avec sa connerie de rédemption. Encore ce double effet opacité conscience, ou intelligence – connerie. Pourquoi aurais-je l’obligation de dire que je m’y reconnais.

2 réflexions sur “Opacité

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