
note autobiographique d’Alonso Quichano, Paris, août 1996,
… Aujourd’hui je me lance , je vais décrire le meurtre de SL. Bien sûr les choses ne sont pas passées tout à fait comme je vais le raconter. La réalité est toujours plus mate que l’ imagination. J’ai aussi pensé que ce serait judicieux de mélanger un peu de sexe avec cet aveu arrangé. Juste ce qu’il faut pour ne pas sombrer dans la vulgarité. UN MEURTRE ne peut-il pas atteindre à la même émotion qu’un geste artistique. Mais restons vigilant et surtout modeste. Sans doute n’est-ce qu’un premier jet et il faudra que je le réécrive de nombreuses fois pour le rendre à la fois élégant et fluide. Est-ce encore inaccessible de caresser l’idée d’intéresser un éditeur… pourquoi le serait-ce ?
Chapitre x ( premier jet)
Susy Livrao grouinait. Alonso la besognait sans piper mot. Il attendait patiemment le point ultime où son dégoût parvenu à son apogée se transformerait en envie de meurtre. Il observait la masse de chair adipeuse qui s’ étalait comme une gelée vivante devant lui et le mot immondice surgit dans son esprit en même temps accompagné d’une citation de Robertson Davies dans le monde des merveilles ( trilogie de Deptford) :
Une énorme masse remplie de connaissances et de citations de la Bible qui suintait d’elle comme du jus de groseille d’une chausse à filtrer la gelée.
Au bout de ce corps immense il aperçu la nuque blanchâtre, un duvet roux assombri par la sueur collait à la peau près d’une envie et semblait attirer quelques mèches de cheveux d’une couleur (qui n’était pas celle d’origine ) pour créer un caton de cooker. Il avait pu vérifier la vraie couleur du système pileux de la cinquantenaire quand celle-ci totalement azimutée avait ôté sa culotte dans un numéro de striptease affligeant. Pour conclure elle lui avait jetée la pièce de dentelle minuscule au visage pour l’ émoustiller. Il avait eu un haut le cœur et avait failli l’étrangler. Puis son regard était tombée sur un triangle approximatif de poils poivre et sel qui avait manqué le faire gerber.
Le grouinement se déplaçait sur plusieurs octaves, de la plus basse à la plus aigue ; frôlant parfois le ricanement de la hyène puis s’envolant vers le hennissement d’une vieille carne , mais ça jouait faux, horriblement faux. Il avait envie de lui claquer la gueule en lui intimant l’ordre d’arrêter de simuler, puis il se souvint que la simulation était la plupart du temps totalement inconsciente. C’était une sorte de réflexe pavlovien, la bave en moins, et cette pensée un instant calma un peu Alonso Quichano.
Il arriva enfin à ce moment où la ramoner n’avait plus d’intérêt. Ou limer n’est plus qu’un automatisme dénué d’amusement voire même de sensation, il la tringlait à vide. Comme une mouche s’obstine bêtement à vouloir traverser une vitre. Mais Quichano n’avait rien d’une mouche. Il lança ses mains en avant pour atteindre le cou de la femme, ses doigts ripèrent car la peau était grasse et humide . Puis il parvint à affirmer sa prise. Susy Livrao exhultait, elle s’attendait à de l’inédit . Grand coquin hoquetait-elle pour l’exciter encore plus. Quand elle comprit qu’elle était en train de suffoquer, qu’elle allait mourir, elle eut un sursaut comme un hippopotame s’ébroue avant de rejoindre la rive. Son anus se relâcha lâchant un pet sonore et malodorant , et enfin la masse gélatineuse qui avait été Susy Livrao se figea définitivement.
Alonso Quichano se retira. Puis il se rendit dans le cabinet de toilette, aperçu son visage dans la glace en passant, il ne se reconnu pas. Puis il écarta le rideau de douche fit couler l’eau brûlante et sifflota les premières mesures du pont de la rivière Kwai tout en se savonnant énergiquement.
***
Frances resta de marbre. Elle referma le carnet en se disant qu’elle y verrait sans doute plus clair un peu plus tard ou demain. En fait elle venait de buter contre une aporie. Alonso Quichano voulait t’il vraiment devenir écrivain ou bien n’était-ce pas une couverture un prétexte en un mot une raison majeure pour commettre tous ces meurtres. Tuer pour lui n’était peut-être pas différent de ce qu’effectue un étudiant , un journaliste, elle-même , en se rendant à la bibliothèque à la recherche de documentation.
Je grouine, donc je suis
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on dit bien il bruine pour parler du temps 🙂
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