l’horrible et le merveilleux

Le merveilleux, sa fonction, sa nature, me fit douter très tôt. Bien que je n’ai pu poser des mots sur mes doutes à l’époque. Les contes de fée m’attiraient. J’ai du en lire des dizaines en boucles dans l’enfance. Ils me faisaient pénétrer dans un univers simple, la magie n’était rien d’autre qu’un outil pour aider à construire cette simplicité. Mais je n’aurais pu avoir un tel élan vers le merveilleux sans l’horrible que je traversais au quotidien. Un père colérique et violent, une mère inconsistante, un chien qui ne faisait la fête que pour obtenir des croquettes, une institutrice mal baisée qui déversait sa frustration sur nos charmantes têtes blondes, un instituteur qui prenait plaisir à nous taper sur les doigts avec une règle en fer, j’ai baigné dans cette violence toute mon enfance et les rares moment d’apaisement que je trouvais c’était dans ces livres, ces contes de fée que je lisais à la lampe de poche au fond de mon lit. Le héros finissait toujours par s’en sortir, et par un phénomène mystérieux de capillarité l’espoir que je puisse aussi m’en sortir renaissait régulièrement du plus profond de mon désespoir. Je crois que sans ces lectures j’aurais pu encore plus mal tourner que je ne l’ai fait. J’aurais même pu me pendre ou me jeter du haut du pont qui relie La Grâce ce quartier où nous habitions du bourg de Vallon en sully. mais la morale ou une certaine forme de sagesse populaire, ancestrale que j’avalais comme une pilule contre les parasites émiettée dans une assiette d’épinards me sauva, du moins provisoirement. Peut-être qu’à la fin je me suis réfugié à ce point dans les contes que je finis par adopter leur point de vue totalement. Que quelques soient les écueils les épreuves rencontrées et à cette époque elles étaient légion, tout finirait bien. Happy end comme on dit désormais. Ce que je ne savais pas c’est que l’on développe cette capacité à s’évader dans le merveilleux qu’à fortiori on baigne dans l’horreur. C’est très équilibré, au scrupule ou soupçon près. Ainsi ceux qui vivent des vies normales n’ont pas cette propension à vouloir s’en inventer d’autres. Ils sont normaux et ils ne songent pas un seul instant à s’écarter de cette norme. J’en ai souvent été étonné, mais plus souvent encore meurtri. Je découvrais la différence provenant de l’éducation, de la situation sociale, d’une chaîne interminable de conséquences à la fois historiques économiques’ et sociales, ensemble de paramètres qu’un gamin ne peut qu’ignoré par définition. Mais qui constitue néanmoins un obstacle parfaitement réel, solide, suffisant pour se casser le nez. Walt Disney n’était pas encore ce pourri qui fricotait avec les nazis, on pouvait pénétrer dans ses films en toute innocence. Cette innocence qui nourrit les perversions les plus crasses de ce type d’individus et toute la clique de ses semblables. Le merveilleux de Walt Disney m’est devenu insupportable à voir et je ne dis rien quand je vois mes petits enfants regarder un de ses films à la télévision,. Ils ne seraient pas en mesure de le comprendre bien sûr. Sans oublier que mon épouse me tomberait dessus en déclarant que je vois tout en noir. La notion de l’horrible et du merveilleux sépare les êtres suivant leurs relations à ces deux mots, à l’histoire qu’ils auront bâtie grâce ou à cause d’eux. Parfois il n’est pas rare que l’on me dise que j’ai trop d’imagination, on me l’a toujours dit d’ailleurs, et au bout du bout le doute m’est venu, j’ai aussi fini par l’accepter ou le croire aussi. C’est que cette solitude dans laquelle m’aura placé ma propre expérience ne peut se dire directement et à voix haute et j’ai passé ma vie entière à tenter de trouver des subterfuges pour tenter de dire cette expérience tout simplement parce qu’elle est insupportable. C’est cependant un poids beaucoup trop lourd pour d’autres épaules que les miennes je l’ai compris aussi désormais. On ne peut pas transmettre ainsi les choses ; qu’elles appartiennent au domaine de l’horrible comme du merveilleux, il faut passer par des médiations.

2 réflexions sur “l’horrible et le merveilleux

  1. J’ai la chance (ou la déviance) d’avoir été accompagnée toute ma vie par des amis imaginaires. A nous tous nous avons construit un monde que j’ai autrefois essayé d’étayer à force de vulgarisations scientifiques dont je faisais ma petite cuisine. Alors qu’il faut juste prendre les choses comme elles sont. Ma solitude interieure est pluriel, je suis née avec, je partirai avec. Il y a sans doute eu de l’horrible dans mon merveilleux mais il n’a plus droit de cité.

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