Ambiguïté entre ordre et désordre.

Mario Vargas Llosa, écrivain péruvien naturalisé espagnol est devenu immortel le 9 février, et ça ne plait pas à tout le monde. Surtout en raison de ses positions politiques, disons conservatrices, mais aussi parce qu’il fait partie des nombreux transfuges passés du communisme au libéralisme. Que l’on change de veste comme d’opinion est bien évidemment un élément souvent rédhibitoire. La confiance s’en trouve régulièrement meurtrie. Mais pas la littérature en tous cas aux derniers nouvelles ce n’est pas certain. L’ambiguïté caractérise l’homme en général, mais elle semble particulièrement insupportable lorsqu’il s’agit des hommes de lettres. Louis-Ferdinand Céline se serait abstenu d’écrire des pamphlets anti juifs, sa carrière littéraire s’en serait-elle amoindrie ou améliorée ? Et si Borges avait protesté ouvertement contre l’arrivée de Videla au pouvoir en Argentine dans les années 70, serait-il plus lu encore qu’il ne l’est ? Pour ne citer que ces deux auteurs sud-américains pointés du doigt par une bien pensance qui ne se rend pas compte qu’elle l’est devenue à peu de chose semblable à celle contre laquelle elle protestait hier, ou aujourd’hui. En France aussi nous avons nos ambiguïtés. Dans de nombreux domaines d’ailleurs. Je pense encore à ma propre indignation envers Gabriel Matzneff qui décrit dans ses ouvrages autobiographies ses relations intimes avec des enfants des jeunes filles… On se souviendra aussi de Robert Brasillach, de Drieu La Rochelle, de Morand, Biraud, et leur collaboration avec le régime nazi. La plupart condamnés à mort à la libération. Mais leurs ouvrages sont toujours disponibles dans les bibliothèques voire en librairie. Dernier exemple en date dont je me souviens la réédition du livre d’Hitler Mein Kampf, soi-disant à des fins universitaires.Et régulièrement les mêmes tolés. Ce que cela peut vouloir dire, n’est-ce pas tout autant ambiguë qu’ humain, c’est que la littérature se situe à un degré supérieur à celui sur lequel se trouvent ceux qui la fabriquent. On peut juger les hommes suivant les époques, les morales de celles-ci certes mais il y a tout de même une entité mystérieuse qui rassemble leurs ouvrages en fin de compte. Est-la culture , le mot me parait court. Je parlerais plutôt d’une compassion, d’une bienveillance, qui est sans doute un reliquat d’un vieil enseignement humaniste. Car imaginons que l’on condamne à disparaître tous ces ouvrages, qu’on ressente soudain l’envie pressante d’un autodafé gigantesque, je crois que nous aurions perdu alors vraiment tout humanisme. Nous serions exactement cette bien pensance nouvelle qui mélange tout à sa guise pour fabriquer une culture lamentable, une culture exsangue, une culture qui ne nourrit plus son homme.

Une réflexion sur “Ambiguïté entre ordre et désordre.

Votre commentaire

Choisissez une méthode de connexion pour poster votre commentaire:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.