
Lyon est une ville tellement mystérieuse. La première chose qui me surpris lorsque je voulu prendre ma voiture pour me rendre à ce nouveau job, c’est l’incroyable nombre de rues à sens unique. Notamment à partir du quartier de la Guillotière pour se rendre à Montplaisir. J’ai dû m’y reprendre plusieurs fois avant de découvrir l’itinéraire alambiqué qui fut le seul d’ailleurs que j’empruntais par la suite malgré mes différentes tentatives d’évasion ou d’exploration. Le seul qui reponde à la fois à quelques critères importants : un trajet court, efficace, sans bavure. D’autant que les places de parking sur le lieu du travail étaient rarement disponibles. Il fallait arriver tôt au moment où d’autres qui vivaient là se rendaient dans d’autres lieux par d’autres itinéraires laissant enfin une place libre. Lyon est à l’image de sa circulation complexe. On ne rencontre pas ici les gens de but en blanc, il est nécessaire de passer par la cérémonie des réseaux, être soudain invité, rencontrer d’autres convives, échanger quelques mots généralement prudents, réitérer l’opération parfois plusieurs fois, jusqu’à ce que l’on sorte à un moment ou un autre le fameux agenda pour prendre une date Ce qui m’a évidemment fait drôle, car j’ai une sainte horreur des agendas, de l’emploi du temps en général. Sauf en situation professionnelle bien sûr, car on ne peut pas y couper. Les lyonnais sont méfiants de nature, ils ne se lient pas facilement, il faut du temps, de la patience, un peu d’obstination à vouloir aller vers les gens, tout ce dont je ne dispose pas naturellement. De plus en tant qu’ancienne capitale des Gaules, la ville ainsi que ses habitants, du moins ceux que j’ai rencontrés, ont à peu près le même genre de sentiment envers la véritable capitale que les vaudois pour la France voisine.Ils aimeraient en être mais ils n’en sont pas vraiment. Ils sont tiraillés par des contraires. C’est pour cette raison sans doute que l’on trouve dans la ville des ponts qui portent le même noms que ceux de Paris, et même une tour Eiffel un peu ridicule sur la colline de Fourvière, dont la Basilique n’a rien elle à envier en mocheté au fichu Sacré-Coeur. J’ai mis du temps à m’habituer à la ville comme à ses habitants. De là à les aimer vraiment il me faudra encore du temps probablement. Disons aussi qu’effectuer une telle gymnastique pour approcher l’amour ou l’amitié est en contradiction avec ma paresse naturelle, pour résumer. Paresse qui n’est pas un défaut, ou du moins pour être franc qui ne l’est plus. Déchiffrer la paresse, s’approcher d’elle suffisamment et l’écouter aura été je crois l’une des aventures les plus précieuses de ma vie. C’est même à partir de ce jour béni que j’ai décidé de ne plus trop m’attarder dans le sens commun, comme dans les voies sans issues, et de m’équiper d’un GPS pour éviter les sens uniques.