
Imagine que toutes les voyelles soient illisibles, pour résumer mon propos:
mgnquttlsvllssntllsbls, pour rsmr n n mt mn prps
ou encore que toutes les consonnes disparaissent
ou eoe ue oues es ooe iaaie
Alors un effort sera requis pour lire, un autre type d’effort
Exercice relever l’idée principale de chaque paragraphe et la mettre en relief comme titre
Lire pour réapprendre à douter du sens des mots
On s’arrêterait plus longtemps sur chaque mot, sur chaque unité syntaxique, on construirait des hypothèses, supputerait, échangerait des avis, commenterions sans doute à la lettre près ce qui est écrit. De plus nul ne serait assuré d’avoir raison, impossible de découvrir de déterminer un sens définitif. Il y aurait une démultiplication de la signification, une progression par annulations, espoirs et renoncements successifs , choix et décisions que le temps finalement balaierait, on ne pourrait plus assurer une position stable, définitive à l’idée même de signification. Autrement dit l’un dirait blanc un autre aussitôt dirait noir, puis encore un autre découvrirait le gris, et la foule de tous ceux qui suivent toutes ces variations infimes d’un gris à l’autre. Une échelle de gris s’étendant à l’infini dans deux directions que l’on supposerait opposées. Mais qui ne le sont que par convention. Noir et blanc ne sont-ils pas des mots proches de simples convention, des raccourcis ? On ne serait plus certain de rien, nous ne serions que doute et questionnement. Est-ce mieux ou pire que la certitude, ce n’est pas la question.
une autre dynamique de la pensée nous rapprocherait de la notion d’infini
Lire, commenter, rencontre avec l’infini et le fini
c’est à dire un infini ne se créant que par le commentaire du commentaire, chacun annulant le précédent pour pouvoir exister un bref instant avant d’être, lui aussi, irrémédiablement effacé par un qui suivra. Ainsi lire un livre écrit en langue inconnue, mais traduit, interprété devrait être abordé dans toutes ses différentes versions successives. Et ne pas oublier de songer que même si l’on parvient à tout lire, à se faire la moindre idée sur l’ensemble. celle-ci la notre ne sera qu’un commentaire de plus, une traduction personnelle s’ajoutant à toutes les autres.
La peinture c’est aussi de l’hébreu
Concernant la peinture telle que tu la pratiques cela commence toujours par de l’hébreu. Et bien sûr on ne peux pas dire que tu parles vraiment cette langue. Admettons tout de même que les premiers coups de pinceau soient de l’hébreu ou toute autre langue étrangère, n’importe quelle langage finalement, ou tous mélangés c’est à dire l’inconscient au stade où il ne peut être déchiffrer. Tu réalises ton tableau ainsi en toute inconscience du moins en premier lieu. Quelque chose, une pulsion, un mouvement, une volonté de déposer quelque chose sur la surface de la toile parce que tu penses à tort ou à raison que tu ne peux le déposer nulle part ailleurs. Quand tu emploies le verbe réaliser tu peux être partiellement conscient que ce terme possède un lien, si ténu soit-il, avec la Réalité . Peut-on scinder cette réalité en divers lieux et temps ? La nature de la Réalité est-elle divisible, sécable comme cela nous arrange ?
un lieu, un endroit pour déposer l’envers.
Ne le déposes- tu pas ce que tu installes dans ta peinture, dans ce que tu écris – partout- et sans même en prendre conscience ? Peut-être parce que partout est soudain proche de nulle-part. Que nulle part crée un vertige. Alors il faut un quelque part. Un endroit pour déposer l’envers. Mais entre partout-nulle part et ici sur la toile ou la page tu sens un petit écart, une distance, un espace. Quelle est la nature de cet étrange espace ?
La nature du feu ignore le dedans et le dehors.
Il est cet espace entre la toile et ce que tu fais tous les jours en dehors de celle-ci. Le crois-tu vraiment ou bien ce cloisonnement est-il utilisé comme excuse ou raison pour tenter de t’expliquer à toi-même un malentendu ? Peut-être même cet espace est-il nécessaire pour réactualiser ce malentendu, surtout afin que ce dernier persiste; car il te sert de moteur pour ce que tu nommes la création. Le dedans et le dehors seraient alors des conventions, grâce ou à cause de leur frottement imaginaire surgit l’étincelle, la flamme, le feu. Le dedans et le dehors, deux silex, deux morceaux de bois. Puis la peinture, l’écriture ne sont que brindilles et feuilles, matériel nécessaire pour la prise, réceptacles qui permettent la naissance ou renaissance de la flamme, du feu. Elle est si étrange la nature du feu. Il s’allume, dure, s’éteint, mais se rallume. Une fois mais pas une, mais mille et pourtant la même toujours, celui-ci ayant fait son ouvrage de cuire, de bruler, de réchauffer, devient braise puis cendres, oubli à seule fin que la faim revienne, le froid, la peur, le désir.
La connaissance n’est-elle pas une ignorance augmentée ?
On est loin de faire les choses pour obtenir quelque chose de concret comme la gloire ou la richesse. On serait là pour étudier une sorte de métaphysique de la peinture, de l’écriture, de la vie tout bêtement. Cela a t’il le moindre intérêt, pas sûr non plus. Peut-être que ça permet de passer le temps. D’en faire autre chose. De créer un temps à soi, ce que l’on nomme généralement une solitude. Mais qui est un terme inapproprié car en créant ce temps il semble que l’on puisse remonter à une origine du temps tout entier et donc, d’y apercevoir l’autre pris dans son temps à lui. Tous les autres tous les temps Tous les autres et temps sans la moindre exception. On ne peut pas intervenir pour autant. On reste observateur. On acquiert cette connaissance mais on ne peut s’en servir comme pouvoir, c’est à dire en disant moi je sais. On se rend bien compte que l’on ne sait rien. Peut-être même que cette connaissance n’est constituée que par ce cheminement, cette découverte progressive de notre ignorance du comment dire l’ignorance clairement. Car elle n’est pas triste elle n’est pas déprimante pour utiliser un mot d’aujourd’hui. Non elle crée de l’espace cette ignorance. C’est à cela sans doute qu’on la reconnaît le mieux. Ainsi l’ignorance peut avoir elle aussi une définition double à minima, Elle peut tout autant être bêtise qu’intelligence. C’est une difficulté à surmonter celle de saisir que tout peut s’inverser ainsi selon celle ou celui qui traduit interprète pour lui-même, à partir de sa propre expérience, le moindre mot. La solitude est cet écart de compréhension qui sort la compréhension de son lieu et temps habituel. On se retrouve alors avec une compréhension inédite. Qu’en faire alors sinon peindre écrire ou tout autre chose qui permettra de la fixer pour une durée indéterminée quelque part. Peut-être avant tout pour l’examiner comme on examine une nouvelle espèce de plante ou d’insecte, peut-être aussi pour découvrir des émotions qui se passent de langage, une langue universelle en fin de compte mais enfouie si profondément, recouverte par les individualités, l’air du temps qu’on a parfois peine à croire qu’elle ne soit pas pur fantasme, imagination. Le doute alors revient le feu s’éteint le vent emporte les cendres et une attente se crée à nouveau, un désir à l’état brut qui cherche à naître. Le désir c’est comme le feu, il possède sa nature on ne peut ni la modifier ni la définir car on sent bien que l’on franchirait une limite qui ne nous appartient pas. On sombrerait dans la folie, ou la raison. Autrement dit une certitude qui n’a aucune raison d’être sinon provoquer le doute.
Je retiens cette phrase : « La peinture commence toujours par de l’hébreu » car dans l’expo Gérard Garouste (dont notre ministre actuel du Travail ignorait que ses œuvres avaient quelque valeur), visitée le 2 décembre 2022 au Centre Pompidou, on voit l’influence de l’Ancien Testament et de la culture talmudique sur ce peintre unique (le correcteur n’intervient pas).
Je n’ai pas hélas obéi à votre injonction de tirer une ligne principale ou un axe majeur de chacun de vos paragraphes. Il faut consonne pour me réveiller. 🙂
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une bien belle exposition en effet ! et un personnage très touchant ce Gérard Garouste , bon sinon les ministres sont plus ce qu’ils étaient c’est certain, des comptables tout au plus …
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