
astuce typographique pour effectuer une distinction entre un narrateur et celui qui l’ écoute ou le lit la mise en italique de certains passage.
comment choisir le narrateur et l’interlocuteur ? ici se trouve l’énigme.
Je ne racontais plus. des années de silence. probable que la colère y est pour beaucoup. La frustration et la colère. La pression sociale aussi, celle qu’on s’imagine surtout. Toute une histoire là aussi à écrire. Enfant j’avais surtout retenu une phrase dans Homère, oh elle n’était pas inclue dans les péripéties de la guerre de Troie, ni dans celles d’Ulysse. Non c’était une phrase introductive.
Raconte- nous
Homère quelqu’il fut, un homme seul ou un groupe d’hommes se réunissant, eurent cette formidable intuition, l’invention d’un auditoire qui lui formule cette demande, presque une injonction:
raconter
Cet exercice sur la notion de double voyage, celui que l’on effectue réellement et celui que l’on interprète toujours plus ou moins en se servant de cette réalité est vraiment d’une richesse formidable. Il permet de prendre encore plus de distance et, pour un peintre, un auteur, n’est-ce pas là ce qu’il faut considérer, malgré les vicissitudes que l’on traversera pour y parvenir une aubaine ?
Je repense aux cinq premiers exercices en me lançant dans ce sixième. je n’ai pas réfléchi à un but qui pourrait produire une cohérence à l’ensemble. J’ai écris comme j’ai pris l’habitude de peindre, depuis le fond de ma solitude, de ma propre obscurité, de mon aveuglement. Un aveuglement qui est volontaire désormais ou dont je me serais fait une raison. L’écart est nécessaire pour aller puiser quelque chose qui existe dans la proximité mais qu’on est toujours en peine de définir justement parce que l’on se tiendrait dans cette proximité. On se tiendrait surtout dans ce que je sais désormais être une illusion de proximité.
Lorsque je suis revenu de ce voyage en Asie qui dura six mois, j’étais un autre homme que celui que je pensais être en partant. Je n’étais ni meilleur ni pire qu’auparavant, j’étais différent. Et le monde tout entier avait lui aussi glissé dans cette différence sans que je ne puisse m’en apercevoir Les lieux sur lesquels je revenais, les êtres que j’avais connus, tout me paru avoir changé et une sorte de vertige s’installa aussitôt que je revins dans ce que je croyais être chez moi. Cette bizarrerie me proposait deux issues pour tenter de me l’expliquer. Soit j’avais fait un voyage si extraordinaire que je trouvais pénible de retrouver un quotidien morne et tous les problèmes matériels que j’avais fuis en partant. Peut-être avais-je naïvement espéré qu’ils disparaissent comme par magie. Ou encore que les photographies prises au cours de ce voyage me permettraient d’atteindre enfin à ce statut de photographe que j’espérais, et qui, lui aussi, me permettrait de résoudre toutes ces anciennes difficultés. Et encore n’avais-je pas considéré ce voyage comme initiatique pour parvenir à l’âge d’homme puisque mon adolescence semblait être une difficulté due à son excessif prolongement. J’essayais de trouver des raisons plausibles mais aucune ne fut assez solide pour que je puisse m’y atteler et reprendre le cours de ma vie d’une façon normale Tout au contraire je crois que je me suis réfugié encore plus dans l’enfance, dans cette solitude chère que j’avais déjà appris à apprivoiser très tôt et qui surtout me servait de refuge.
Le fait de n’être pas parvenu même à partager mon travail photographique à cette époque aurait pu être un indice que quelque chose de bien plus profond était en train de se produire tout au fond de moi-même. c’est à dire une remise en question totale. C’est à partir de cette période que je me suis mis à écrire dans des carnets. j’ai éprouvé cette nécessité de me raconter à moi-même ce que je traversais. Je crois que je m’étais rendu compte bien qu’assez confusément qu’il ne servait à rien de vouloir le raconter à mes proches. Ils étaient devenus soudain lointains comme je leur apparaissais lointain désormais. Le peu de fois ou j’ai tenté de raconter ne les intéressait pas je le sentais bien. Ils semblaient toujours dans une autre attente, ce que je leur proposais ne les satisfaisait pas. La question alors se posa si c’était le contenu qui posait problème, ou bien la façon dont ce contenu était mis en forme. Je ne pouvais guère modifier le contenu donc je décidais peu à peu a corriger la forme. Et là je me suis heurté à des difficultés innombrables.
Donner forme à quoique ce soit n’est pas une mince affaire. Le risque surtout de tomber dans l’imitation me hantait jour et nuit. j’avais déjà beaucoup lu et je me mis à lire encore plus à partir de mon retour à Paris. L’essentiel de mon temps libre je le passais dans les bibliothèques de la ville. J’avais cette soif inextinguible d’en apprendre plus sur la forme du récit et tout alors pouvait y contribuer. N’importe quel ouvrage, pas seulement des romans. Un manuel de botanique, d’anatomie, un ouvrage sur l’économie, la politique, tout pouvait être un document précieux alors pour étudier la forme avec laquelle le contenu était mis en valeur. Au bout de quelques mois, j’avais déjà rempli plusieurs carnets de notes sur mille domaines diverses mais quelque chose m’échappe sans même que je n’y prête attention. J’avais fini par tomber dans un piège grossier, amasser du contenu, et finalement très peu de réflexion sur les formes diverses avec lesquelles j’avais été séduit par la présentation de ces contenus. Je n’avais rien fait d’autre que d’avaler du savoir comme un affamé dévore un plat gastronomique sans prendre le temps de le savourer, d’en chercher la composition, distinguer chacune de ses saveurs. Le constat ne fut pas immédiat et il fallu encore plusieurs années avant que je ne formule cette douloureuse conclusion : je n’étais rien de plus qu’un barbare avec un maquillage d’érudition. Et sans doute était ce pour cette raison, parce que cela se voyait comme un nez au milieu d’une figure que tout ce que j’avais pu raconter au retour de ce voyage et probablement bien avant était suspect, l’avait toujours été.
Un barbare n’est pas un terme péjoratif, les valeurs du barbare existent, elles sont différentes de celles des êtres civilisés. Il faudra encore plusieurs années afin d’étudier ces valeurs avec une minutie d’entomologiste car il n’existe pratiquement aucun manuel dans le domaine de la barbarie qui ne soit écrit par des érudits. Et donc interprétés de leur point de vue d’érudit civilisé. La littérature elle-même peut mener à de nombreuses fausses pistes dans la recherche que j’effectuais. L’art visuel me proposa des pistes plus convaincantes. Encore que lui aussi soit raconté la plupart du temps par des savants, avec des mots choisis qu’un barbare serait bien en peine de savourer comme il se doit.
Je dois à ma colère ontologique cet écart avec tout ce qui a un moment fut considéré comme mensonger car ne répondant pas aux critères naissants de ce que peux nommer ma barbarie. Sans doute la colère m’aida t’elle dans ce processus complexe d’affirmation, de renoncement que je commençais inconsciemment encore à élaborer.
Le fait de renoncer à une idée d’hypocrisie associée au mot civilisé m’entraîna alors à renoncer longtemps à toute idée de carrière. J’abandonnais peu à peu la photographie car j’avais découvert que je ne la pratiquais pas avec une intention juste, une intention en accord avec cet embryon de valeurs barbares qui commençait à poindre. Vouloir être un photographe reconnu, célèbre, ne m’intéressait pas plus que de vouloir gagner ma vie en tant que photographe de quartier ou de mariage. La photographie était comme ces amour déçues dans quoi on fini par déposer ses hontes, ses remords ses regrets et que l’on n’ose plus recontacter pour ne plus avoir à respirer des souvenirs trop pénibles, à éprouver des émotions des sentiments que l’on est bien forcé après coup de considérer factices. Au contraire s’enfoncer dans des emplois précaires me sembla être une nécessité absolue. Je ne rechignai à partir de ce moment là à aucune tache si besogneuse fut elle, voire dégradante. Car cette idée de dégradation ne pouvait provenir que d’une idée contraire , ennemie jurée un mélange scabreux de distinction de satisfaction de soi d’arrogance et de préciosité. Le fait aussi de pratiquer des travaux ou la force physique était surtout requise me plaçait dans une situation de forçat qu’il devait aussi m’être importante d’étudier et aussi, accessoirement. me maintenir moi aussi en forme.
De plus dans ce genre de travaux l’esprit est libre. On ne doit se concentrer que sur très peu de gestes, au bout de quelques journées ceux ci deviennent automatiques. Alors on peut construire un espace neuf nécessaire à la pensée. Un espace qui n’a rien à voir avec l’espace habituel pour exercer cette pensée. Car être dans la réalité du travail pénible propose des opportunités de réflexions qui partent de cette réalité intrinsèque et non d’un savoir hérité, qui souvent transforme les hommes en simples perroquets.
Tout à coup l’auteur éprouve un frisson en repensant à ses textes écrits les jours précédents. Notamment ce roman policier construit maladroitement de façon épistolaire. La notion de double voyage se trouble. Un titre surgit soudain. Le double assassinat de la rue Morgue d’Edgar Poe.
Quelle est l’intention de cette nouvelle…
Double Assassinat dans la rue Morgue (The Murders in the Rue Morgue) est une nouvelle de l’écrivain américain Edgar Allan Poe, parue en avril 1841 dans le Graham’s Magazine, traduite en français par Isabelle Meunier puis, en 1856, par Charles Baudelaire pour le recueil Histoires extraordinaires. C’est la première apparition du détective inventé par Poe, le chevalier Auguste Dupin qui doit résoudre l’énigme d’un double meurtre incompréhensible pour la police. Cet enquêteur revient dans les nouvelles Le Mystère de Marie Roget et La Lettre volée.
le coupable est bien sûr l’orang-outan à peu de chose près un barbare finalement.