Esquisses, ébauches, croquis, études

Grande difficulté à distinguer désormais les nuances entre ces différentes catégories d’autrefois- Mais étaient-elles aussi distinguables qu’on l’imagine. Tout ce qui est en amont de l’œuvre d’art en tant que préparation de celle-ci ou à celle-ci. En réfléchissant, la gravité au sens de l’importance qu’on lui attribue- sérieux, sombre, puissant, sévère- autant qu’on veuille croire à l’idée de catégorie-serait un critère selon quoi juger de la pertinence ou de l’impertinence des miennes. Quand je dessine un pot sur un coin de table suis-je dans un état d’esprit aussi grave que lorsque je pose des touches de peinture sur une grande toile de commande ? La notion de sérieux est-elle encore valable pour distinguer ces catégories en matière de travail artistique. Peut-être qu’elle n’est qu’un faux-nez, une fausse piste que les notions de pesanteur (levis le léger  et gravis le lourd ) sont termes de commerce avant tout, une façon de peser, et qu’elle n’est pour moi qu’un fléau, qu’elle me tient constamment dans le doute, le soupçon, l’ineptie d’une action commise en pleine ignorance.

Le travail préparatoire est une association de deux mots sur quoi buter. Travail en tant que torture et préparer, dans le sens de faire subir un apprêt, c’est-à-dire apprêter, ou maquiller, voire embellir.

Aborder le réel sans filtre au travers le dessin, la peinture, l’écriture c’est avant tout ne pas savoir quoi peindre ou dire. C’est la quête de ce qu’est le vain, le vin en tant que divin, dit vin pour voir le vain dans la dive bouteille.

Car ai-je la prétention fabuleuse d’avoir quoique ce soit d’interessant, d’important, de grave à peindre ou dire, non et j’en suis bien conscient depuis longtemps.

Ce sérieux, cette gravité, cette pesanteur ces mots associés à la préparation artistique me déplaisent dans l’intention qu’il faut pour y entrer et qui est en un mot d’obtenir quelque chose.

Ce serait comme ces aeronefs qu’on lance vers le ciel, dans un mouvement d’oblique calculé et qui perdent un étage puis un suivant et encore un autre avant de s’extraire de la stratosphère, d’arriver enfin en contact avec le vide intersidéral.

Mais si on est déjà perpétuellement en contact avec ce vide, pourquoi donc effectuer encore une préparation à y pénétrer.

Mon travail avec les enfants est sans doute de plus en plus l’élément principal  qui alimente mon élucubration car je n’ai pas la prétention de dire qu’il s’agit ici d’une « grave » reflexion ; l’observation de cette spontanéité et de cette joie avec laquelle les enfants se  lancent dans le dessin la peinture en toute ingénuité me tourne plus la tête vers l’avenir que vers l’arrière.

Je me suis aussi procuré, incidemment, l’édition numérique de l’excellent « Tout Rabelais » que je me suis mis à lire à haute voix ( uniquement le texte original ). Le plaisir de sauter à pied joints dans cette belle langue, de la prononcer agit sur les molécules d’eau du corps certainement, réveillant de vieilles mémoires enfouies parmi lesquelles surtout les mystères du rire comme le mystère du vin ou du vain.

Le vain rejoint le banal, c’est à dire surtout pour moi leur immense attrait depuis toujours. Si travail préparatoire à l’œuvre il doit y avoir, si il doit y avoir ébauches, esquisses, études, c’est surtout à mon sens de se désensevelir d’une notion de gravité, d’importance, de sérieux qui revient toujours au moment où je l’attends le moins, mais qui n’est pas celle désirée, qui n’est que l’obstacle permanent à une autre bien plus énigmatique.

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