
Je sens que je me déshumanise. Je l’éprouve et ça m’éprouve. Je lutte contre en le disant. J’essaie de le dire un petit peu tous les jours. Comme avec l’huile de foie de morue. Il y avait aussi le phenergan, une cuillérée pour papa une autre pour maman, pour dormir, à ne pas oublier. Mais j’ai vécu quand même plus vieux que Baudelaire. Mince récompense quand j’y pense. Et c’est à se demander si c’est mieux d’être un vieil arbre dont le tronc tout écorcé par les piverts sonne de plus en plus creux, ou un véloce météore qui, en combustant de tous côtés, s’éclate, atmosphère chaleureuse, en écornant quelques vélociraptors en tenue de camouflage, mâchant du chewing gum, causant fort de tout et rien.
Un chat étique traverse une rue dans ma tête. Je le suis des yeux, à c’t’heure tout est bien pathétique d’être suivi du regard. Et même proche de sympathique voire de poétique. J’ai sauté une ligne pour ne pas le déranger. Ce n’est pas un sourire qui flotte dans l’air, ici pas de chat du Cheshire, seulement un vieux matou qui miaule dans les toutes premières pages d’un livre qui se traine, qui ne s’achèvera pas d’aujourd’hui, ni peut-être demain, désolé pour Cormac McCarthy
Plus les jours passent moins je suis humain je le sens, ce n’est plus tout à fait comme avant, alors à quoi bon s’en prendre aux arbres pour tâcher noircir du papier.
Quelqu’un ou Quelque chose me dit: t’y es pour rien
Mais je sais bien que c’est pas vrai, on y est tous un peu pour tout, un petit peu chacun, et ça dure depuis la Saint Glinglin, ou sans exagérer le calendrier liturgique, au moins ça pour se repérer.
Autant dire que ça ne présage pas de lendemains qui chantent.
Ce qui tombe bien, surtout quand ils chantent faux la plupart du temps.
A moins que du côté de l’ouïe ça se dégrade aussi. Et que pour cette raison si simple comme souvent, on n’apprécie plus la musique tout à fait comme avant.
C’est pas gai tout ça m’a dit un homme sans qualité particulière qui passait, ça m’a bien fait plaisir qu’il dise au moins ça, je l’avais pris au départ pour un somnambule croisé dans un autre livre. Encore qu’on puisse dire et faire tant de choses durant notre sommeil, peut-être même plus que durant nos veilles.
En 2010 en Avignon ( je vais chaque année en Avignon pour voir des pestacles de théâtre- et des fois je ne m’endors pas ) Donc en 2010 Guy Cassier avait adapté un premier morceau de l’Homme sans qualité de Musil. ( je me souviens de Dominique Frot … était-elle accompagnée sur les tréteaux, seule ? mais pas important. Vois comme ça te revient quand t’y pense pas. Et comme ça devient flou sitôt que tu t’accroches à une pensée . La tentative d’une synthèse entre toutes les contradictions des personnages dont le seul point commun est leur aveuglement face au désastre qui va s’abattre sur le monde
( L’Histoire se passe en 1913 )
Une phrase fut relevée qui se régurgite soudain va savoir pourquoi comment : «la perte de l’unité de l’être et la fragmentation de la réalité en milliards de petits morceaux qui n’ont plus de liens».
Est-ce qu’on y est vraiment pour rien. Est-ce que ce n’est pas beaucoup plus fatiguant de se dire ça tout le temps.
Mais au delà de ce constat navrant, une rapidité de diction m’avait réjouit et tenu en haleine. Un débit d’enfer, mais calme en même temps pour régurgiter tant de mots à la seconde. Le fameux grand calme au beau milieu de la tempête surement.
Ce que je retrouve soudain en ce dimanche, lisant à voix haute Rabelais dans la petite pièce que tantôt on appelle bibliothèque, bureau, chambre selon les circonstances qui nous entourent. Est-ce que j’ai l’air bête ? bien sûr, et c’est aussi ( mais je m’illusionne sans doute encore ) un acte de résistance formidable , par les temps qui courent ( où donc ?) de ne pas avoir peur d’avoir l’air bête.

Et bon d’accord je me suis dit ces deux monuments ont un petit je ne sais quoi qui les rapproche dans ma tête et j’ai aussi eu une sacrée envie de me retrouver au Père Lachaise, à Paris, refaire tout le chemin à pied depuis la Bastille en passant par la Roquette, et rue du Chemin Vert.
J’aime bien vous lire, ça allume des p’tites diodes dans ma tête, et un réseau de réactions s’esquisse.
Curiosité, de quel Cormac McCarthy s’agit-il ? J’avais beaucoup aimé La route, moins un autre, le dernier est en projet de lecture.
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merci ! il s’agit de Suttree
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