Écriture et dépendance

La dive bouteille de Rabelais.

Reçu hier un e-mail bizarre, mais qu’est-ce qui ne l’est pas dans ces mondes virtuels. Le compagnon d’une abonnée me demandant fort poliment d’ailleurs de bien vouloir faire le nécessaire pour qu’elle ne reçoive plus mes billets dans sa boîte à lettres. Elle n’irait pas très bien, et toute source d’excitation devant être évitée. notamment tout ce qui touche aux ateliers d’écriture, l’en préserver.

Du coup cela me fait réfléchir ce matin sur les dépendances, car on peut tout autant évoquer celles-ci pour la plupart des activités produites en état de transe, et dont le but premier serait l’évasion dans une satisfaction rapide, souvent désolante.

personnellement je serais assez tenté de placer l’écriture au meme degré que l’alcool, le tabac, la masturbation, la pratique compulsive du sexe, celle-ci valant tout autant que la marche effrénée sans oublier la lecture. Pour avoir pratiqué le plus assidûment tout cela jusqu’au dégoût de soi et des autres il me semble honnête de déclarer que je suis parmi tous les hommes l’un des plus à même d’en parler sans passion excessive, d’une façon mesurée.

Maintenant si c’est une chose de comprendre la dépendance, c’est autre chose d’en faire quelque chose d’utile.

Le terme dépendance indique qu’on perd le discernement en même temps qu’une idée de liberté. Mais de quel discernement, de quelle liberté est-il question. Il me semble qu’on entre en dépendance comme jadis les chevaliers de la table ronde entraient dans une quête du Graal. C’est une initiation ni plus ni moins.

Sur la route on y rencontrera autant de sorciers, de mages, de dragons que dans les vieux contes; le happy-end n’est pas si souvent happy que ça il vaut mieux le savoir; on y perd beaucoup plus qu’on y gagne selon les critères du siècle en matière de gain et de perte évidemment.

car sous l’idée de toute dépendance se dissimule un combat inégal la plupart du temps, à proportion de l’orgueil, de l’obstination de celle ou celui qui s’y engage puis s’y livre corps et âme. Il faut parfois aller jusqu’à l’âme pour bien comprendre, pour sentir toute l’ineptie qui fonde cette quête absurde, vue de l’extérieur.

Cette dépendance n’est qu’un instrument, un véhicule destiné à conduire vers l’espoir d’épuisement du désir autant que celui-ci est perpétuellement insatisfait, et de plus, approcherait-on ne serait-ce qu’un peu de la peur d’être satisfait, que l’on s’en détournerait aussitôt en s’engouffrant, par la répétition d’un processus , repris quasi systématiquement depuis sa propre origine, c’est à dire par la réinstallation des éléments d’un rituel. C’est à dire aussi par une négation du temps profane. s’imposer en douce un temps sacré. Encore que sacré et profane sont des termes ronflants désormais, mais j’imagine que ce sont les plus proches de l’idée que je désire développer.

Ce n’est sans doute ni l’écriture, ni les livres, pas plus que la bouteille, le tabac, le phallus ou la vulve les responsables des dépendances dans lesquelles on s’engage, mais simplement cette volonté de s’engager quand toute autre volonté nous aura abandonné. De s’engager dans l’inconnu par fatigue de ce que l’on croit toujours connaître ou re connaître et dont la meilleure définition s’approche de celle de l’ennui.

La dépendance et l’ennui, crées par la prétention, l’orgueil, en tant que maladies, nous auront entraîné à circonscrire le monde ou la réalité dans une collection d’objets de désirs dont il ne reste plus que ruines.

A ce titre la ruine symbolise néanmoins une présence indéfinissable. L’indéfinissable surgit de façon propice au moment même où la ruine devient évidente, ou l’absence se retrouve soudain en pleine lumière dépourvue d’écrin.

Épuiser la dépendance, épuiser la manie, épuiser l’obsession, la prétention, l’orgueil, l’ineptie, la bêtise, n’est donc pas si fou que cela puisse paraître de prime abord. C’est fastidieux, c’est surtout en cela que beaucoup y renonceront. C’est à dire que pour chasser un type d’ennui il faudra le remplacer par de nombreux autres jusqu’au moment où l’on comprendra que tous les ennuis n’ont qu’une seule et même source, un désir insatiable dont on ne peut tirer aucun plaisir véritable- au sens bien sûr du mot plaisir de l’époque et qui se confond avec jouissance et, avec cette torsion évidemment, que sont l’intérêt et le profit.

La dépendance en fin de course n’est-elle pas contre toute attente un acte de résistance inédit. Toute une geste au sens de ces vieux récits d’autrefois qui lutte contre une définition obsolète du plaisir -Le fameux dragon- liée à l’hypocrisie de nos sociétés déshumanisées.

Je fais semblant de me le demander.

2 réflexions sur “Écriture et dépendance

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