
Un ciel bas, un chemin bordé de talus gras, un fossé avec des gargouillis, des haies pour arrêter le vent, le pas lourd d’une vache qui rejoint l’ombre d’un chêne puis s’y vautre, l’écho d’un coucou qui se répercute, des éboulis de petits cailloux sous la semelle de la chaussure, dominante verte du paysage, collines et halliers de ronces , fruits bleutés, un poids oppressant sur la poitrine qui voudrait hurler. Et puis ce sifflement qui jaillit des lèvres pour accompagner l’instant, une improvisation.
Un peu plus loin le chemin s’arrête net, passe une route goudronnée, qu’on emprunte à droite. Autres clôtures, talus, fossés, haies, palis tordus. Le bruit est différent, le bruit des pas sur la chaussée, et on peut voir un peu plus loin l’horizon de la route qui tourne là-bas sur la droite derrière l’if. De part et d’autres de la départementale, la terre retournée, une terre grasse, terre de sienne et ombre, avec quelques rehauts d’ocre et de vert, de grosses mottes laissées par les lames d’une machine agricole. Dans le ciel une buse effectue des cercles dans une odeur électrique des plages de silence, entrecoupées de bruits furtifs dans les taillis. Marcher jusqu’au bout, jusqu’au tournant de la route, trouver la perpendiculaire ensuite pour ne pas rebrousser chemin, fuir l’ennui plus loin.
Une ferme, un aboiement de chien, un tintement de clochettes , quelqu’un tape sur du métal dans la grange, on passe vite devant, sans regarder, on regarde droit devant le bout de cette nouvelle route, le nouveau point fixe, un nouveau tournant. S’en approcher, y arriver, tourner encore à droite plus loin, tourner en rond comme ça à angle droit pour ne pas trop voir qu’on tourne en rond ainsi chaque jour des vacances, emprunter divers itinéraires, s’illusionner; on ne peut pas vraiment ici se perdre. D’ailleurs les toits reviennent, archi connus, le hameau, le début du même chemin par quoi on est parti. Miracle et déception de revenir à la maison.