
Tout de même, que je ne cesse de me dire que je ne travaille pas assez, comme si le travail était tout ou n’entraînait rien. Encore faut-il s’entendre sur ce que c’est. Voir n’est pas un travail pour la plupart, c’est un état désigné comme méditatif. Mais pas tant que ça, le nerf optique est très sollicité, tous les nerfs d’ailleurs. On fait mille fois le dessin sans le savoir et ensuite ce qui vient sur la feuille, le tableau ressemble pour beaucoup à de la chance, du hasard, du miracle, voire tout l’inverse quand on est mal luné.
C’est qu’on a encore bien trop d’idées, et bien trop précises de ce qu’on veut atteindre et qui ne nous appartient pas. Ne pas peindre, ne pas dessiner, c’est se retenir de faire le perroquet. Au moins cette consolation, très fugace.
je crois, malgré tous mes efforts et mes longues ruminations, que rien ne vient mieux qu’en s’y mettant sans réfléchir. Mais que de réflexions avant d’être à bout, de se jeter dans le geste. Chez moi les deux vont admirablement bien ensemble , mais j’ai encore du mal à m’y faire par moment. Il faut contracter le ressort le plus possible pour qu’il nous projette hors de soi en se détendant d’un coup. Assez violent, rustre, j’adorerais plus de douceur, de délicatesse, mais c’est ainsi que j’ai tout appris, un mal, un bien, peu importe.
C’est pareil pour le sexe, que de tergiversations… et puis une fois qu’on y est… ou pour plonger dans une rivière.
J’aime bien cette idée de Cocteau quand il évoque l’insulte au fini, quand il parle du mouvement inverse de Picasso, d’aller du fini vers l’infini. Cela explique aussi l’affection que je porte aux dessins d’enfants, et la tristesse dans laquelle ils me plongent, car peu de gens les voient véritablement. Pourtant, ils contiennent cet infini.
un infini qui s’achèvera souvent en queue de poisson, dans l’adolescence quand ils voudront ressembler à quelque chose, à quelqu’un.