L’idée classique de la peinture de paysage dissimule une bonne part de ce que sont la ville, la campagne dans notre présent. Comment regardons nous ces deux entités sinon comme on nous a appris à les regarder. Peut-être qu’il faut parfois effectuer un pas de coté, se déconnecter du passé, adhérer enfin au présent. Peut-être qu’il faille revoir notre copie en tant que peintre, et s’arrêter quelques instants pour aller à la rencontre de ce qui se crée aujourd’hui et qui raconte aussi une histoire de la ville ou de la campagne. Une histoire tout aussi importante, pertinente que celle qui nous fut racontée par les plus grands peintres du paysage autrefois.
Parmi les artistes les plus reconnus actuellement, Mark Bradford propose sa propre idée de la ville. L’une de ses œuvres, « Scream » réalisée en 2015 a été vendue 4.3 millions $ chez Sotheby’s. La plupart de ses travaux sont monumentaux et constitués de matériaux de récupération ( du papier notamment ) que Mark trouve autour de son atelier.
Natalie Obadia, une des actrices majeures de l’art contemporain puisqu’elle fut durant plusieurs années la vice- présidente du comité professionnel des galeristes d’art, connue pour ses galeries à Paris et Bruxelles et notamment la re présentation du travail de Martin Barré, a décrété en 2019 que Mark Bradford était l’un des plus grands artistes contemporains.
Mark Bradford est américain, né en 1961 à Los Angeles. Il a obtenu un BFA (1995) et un MFA (1997) du California Institute of the Arts de Valence. Bradford transforme des matériaux récupérés dans la rue en collages et installations de la taille d’un mur qui répondent aux réseaux impromptus – économies souterraines, communautés de migrants ou appropriation populaire d’espaces publics abandonnés – qui émergent dans une ville.
S’inspirant de la composition culturelle et géographique diversifiée de sa communauté du sud de la Californie, le travail de Bradford s’inspire autant de son parcours personnel en tant que marchand de troisième génération que de la tradition de la peinture abstraite développée dans le monde entier au XXe siècle. Les vidéos de Bradford et les collages de papier multicouches ressemblant à des cartes font référence non seulement à l’organisation des rues et des bâtiments du centre-ville de Los Angeles, mais également à des images de foules, allant des manifestations pour les droits civiques des années 1960 aux manifestations contemporaines concernant les questions d’immigration.
Mark Bradford a reçu de nombreux prix, dont le prix Bucksbaum (2006) ; le prix de la Fondation Louis Comfort Tiffany (2003); et le prix de la Fondation Joan Mitchell (2002). Il a été inclus dans des expositions majeures au Los Angeles County Museum of Art (2006) ; Whitney Museum of American Art, New York (2003) ; REDCAT, Los Angeles (2004); et le Studio Museum à Harlem, New York (2001). Il a participé à la vingt-septième Biennale de São Paulo (2006) ; la Biennale de Whitney (2006) ; et « inSite : Pratiques artistiques dans le domaine public », San Diego, Californie, et Tijuana, Mexique (2005). Bradford vit et travaille à Los Angeles
Et pourtant personne ne connait cet artiste, notamment parmi mes élèves, et souvent au delà de la sphère de mes ateliers, personne ne connait Mark Bradford, comme personne ne connait Amy Sillman, Gerhard Richter, Julie Mehretu, Wade Guyton, Tauba Auerbach, Gunther Forg, Katharina Grosse, Sterling Ruby, Charline Von Heyl.
Les plus grands noms de l’art contemporain dans le domaine de l’abstraction sont pour le public totalement inconnus. Ils ne le sont que par une minorité d’amateurs d’art, de galeristes, de marchands et de collectionneurs. N’est-ce pas stupéfiant ?
Il y a un abîme entre le public et l’art contemporain. Peut-être en a t’il toujours plus ou moins été ainsi. Peut-être que Da Vinci, Lippi, Botticelli ne furent connus à leur époque que par une élite. Peut-être que la notoriété met du temps à pénétrer le goût des foules. Peut-être aussi que tout vient de la manière dont on communique sur l’art suivant les époques. Peut-être aussi que parfois l’art est encore trop souvent réservé à une toute petite minorité. L’art contemporain est ignoré par la plupart des gens soit parce qu’on n’en parle pas suffisamment dans les médias classiques, soit parce qu’il faut faire un effort pour s’y intéresser, et que lorsqu’on s’y intéresse le parcours pour obtenir des informations n’est pas toujours aisé. Il y a peut-être encore une raison supplémentaire que j’observe en me promenant sur le net à la recherche d’informations sur ces artistes. C’est leur appartenances à des minorités sexuelles, le mouvement Queer, le féminisme ( et oui encore au XXI ème siècle, leur opposition au consensus du genre, leurs opinions politiques.
La question à se poser ensuite c’est pourquoi ces artistes sont remarqués par les galeristes, par les collectionneurs souvent proches du monde de la finance, de l’argent, du luxe. A mon avis c’est que c’est une minorité qui se reconnait plus ou moins dans une autre. Mais ce n’est évidemment que mon humble avis.
N’empêche qu’il existe bien un art contemporain dans le domaine de la peinture abstraite, une prolongation d’une histoire, une lignée et qui se tient au-delà des clivages politiques même si elle les met parfois un peu plus en exergue. Cette histoire nous enrichit, nous propose de voir le monde différemment, de changer le monde en même temps que de regard. Ce n’est pas spectaculaire, c’est quelque chose de progressif, c’est assez lent. Et puis quand une génération pense avoir compris le travail d’un artiste, une autre vient plus tard, le revisite, trouve encore autre chose en adéquation avec sa propre actualité. ( Notamment le cas Obadia-Barré) .
Dans le fond quand je repense aussi à cette bonne idée d’avoir désiré participer à un atelier d’écriture, cela commençait par écrire sur la ville, une boucle se boucle. Ce que j’ai appris dans cet atelier c’est qu’il faut sans cesse avoir l’envie de renouveler son regard, de se remettre en question sur notre façon d’interpréter le réel que celui-ci soit au présent, au passé comme au futur.
Ecrire la ville n’est pas différent de peindre la ville, il s’agit de le faire simplement avec son temps, avec les moyens mis à notre disposition, même s’il s’agit de très peu de choses, des matériaux de récupération, un vocabulaire pauvre. Peut-être aussi que le point commun, celui qui pousse les artistes, les écrivains par delà les générations est aussi une chose très simple, ôter de soi la complication, chercher à examiner de quoi elle est constituée, trouver la simplicité, rendre compte d’une émotion le plus simplement possible.
Quelques images du travail de Mark Bradford.







J’avoue, je ne connaissais pas Mark Bradford… son nom m’a fait penser au prénom du trompettiste Marsalis. Par contre, Gerhard Richter, oui, j’en ai vu quelques expos à Paris.
Et concernant l’écriture et la simplicité : j’ignore si c’est ce à quoi il faut tendre. Je dirai plutôt la spontanéité (qui n’est pas forcément identique), le fil de la plume ou du clavier. Quelque chose d’acéré dans son précipité. 🙂
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on a dû voir la même expo de Richter, à Beaubourg j’imagine ( il y avait pas loin des Rothko aussi ). Me rappelle plus en quelle année, autour de 2005 peut-être. Pour ce qui est de l’écriture, à chacun de choisir. En ce moment la simplicité revient sur le devant de la scène, poussée par des coulisses trop compliquées ( du free jazz saoulant, overdose) Merci pour ton commentaire Dominique.
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Oui, c’était peut-être l’expo de 2012 : je retrouve (6ème photo) ce beau portrait de femme qui est devenu l’emblème d’un compte Twitter dont je ne retrouve plus le nom étranger…
Et dire que Richter est un ancien habitant de la RDA qui avait franchi le mur de Berlin par le métro… une action toute concrète ! 🙂
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2012… bien possible… dans mon souvenir beaucoup de peintures de photographies en noir et blanc et puis plus loin les très grands formats abstraits, mais pas de souvenir d’avoir vu ce tableau… Alzheimer… n’y a t’il pas une rue du même nom à Berlin ?
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Ya ! Il existe une RichterStrasse à Berlin, mais je doute qu’il s’agisse du nôtre… qui est toujours vivant (né à Dresde le 9 février 1932) ! 🙂
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