Tentative d’épuisement.

acrylique sur toile 18×24 cm avril 2023

Trajectoires, routes, chemins, sentiers, labyrinthes, errances, routines, enfermement dans des routines, habitudes, exceptions, découvertes, œillères, répétitions, corvées, ennui, lassitude, surprise, étonnement, hypnose, itinéraires, décider, se laisser porter, hasard, nécessité, obligation, résistance, ombre et lumière, gris, couleurs, connu, inconnu, nouveauté, fatigue, energie, renouveau.

Une suite de mots séparés par des virgules. Comme un itinéraire de pensées qui se déplie. Eviter la phrase, l’argumentation, l’explication, la justification. Revenir encore sur le tableau demande de dépasser la fatigue. Revenir sur le tableau demande d’oublier le connu. Revenir sur le tableau. Pénétrer dans l’inconnu. Avoir un regard neuf, détaché, de ce que ce tableau était il y a encore une minute. Ne pas avoir de suite dans les idées puisqu’il n’y a pas d’idée. Il n’y a pas d’idée en amont. Il y a juste l’envie de peindre un tableau. Quel est vraiment mon âge quand je peins un tableau ? Quelle est mon expérience ? Est-ce que je peux me servir de cette expérience quand je peins un tableau ? Si je m’en sers je retombe presque toujours sur le même tableau. Oublier l’expérience, oublier tous les tableaux déjà faits. Commencer un tableau c’est commencer une nouvelle vie. Il se peut que cette nouvelle vie soit semblable à toutes les autres déjà passées. Il se peut qu’il y ait seulement un tout petit décalage. Il se peut que ce petit décalage soit une opportunité à laquelle on peut s’accrocher un moment. On peut encore s’accrocher à l’espoir que ce ne soit pas exactement le même tableau, la même vie. Dans ce cas il faut changer de trajectoire, d’itinéraire, de routine, d’habitude. Prendre cette habitude de ne pas se laisser enfermer dans les habitudes. Résister à l’habitude. Résister à l’ennui qur provoque la répétition, la routine, l’habitude. Le hasard existe puis il n’existe plus. La nouveauté peut être toxique. N’est-ce pas une forme de handicap que de toujours se cantonner au même trajet, suivre le même cheminement, se mettres des œillères ? N’est-ce pas un handicap que de ne pouvoir supporter l’idée de déjà-vu. N’est-ce pas de la bêtise d’imaginer que l’on se baigne plusieurs fois dans le même cours des choses ? N’est-ce pas le déjà-vu l’obstacle ? N’est-ce pas l’illusion d’avoir vu quelque chose, de ne l’avoir vue que partiellement pour une raison ou pour une autre à cet instant précis où on l’a vue qui empèche de le regarder à nouveau et pourquoi ne pas recommencer, regarder à nouveau, s’y prendre à deux ou plusieurs fois pour regarder à nouveau ?

Et si rien n’était nouveau ? Si c’était seulement l’œil qui soudain s’ouvrait comme par hasard. Il n’y a pas de hasard. Alors pourquoi l’œil s’ouvre à ce moment précis ? Par lassitude de quelque chose qu’il ne désire plus voir. Par lassitude d’une habitude du voir. L’œil change de trajectoire, l’œil emprunte un autre chemin, il décide à cet instant précis de faire une exception à son habitude. Il dépasse l’idée de corvée, d’obligation, de résistance.  Il n’est pas attiré par la lumière seulement il explore aussi l’ombre. Il n’est pas attiré par ce qui attire régulièrement, la couleur. Il ne s’oppose plus à la nuance. Il accepte le noir et le gris en même temps que la couleur. L’œil est fatigué de s’opposer, il lâche prise, ce n’est pas un hasard. C’est un ressort qui a longtemps été compressé et qui à un moment précis se relâche.

Peut-être qu’il faut en finir une bonne fois pour toutes avec l’idée de nouveauté. Il n’y a jamais eu de nouveauté, il n’y en a pas, il n’y en aura plus. Il n’y a pas de hasard pas plus que de nouveauté. Il y a seulement de l’aveuglement. Un aveuglement crée par l’habitude. Un aveuglement crée par la peur de voir, la peur de regarder vraiment. Un aveuglement qui est ce qu’on appelle le confort, le « ça me suffit », le « j’en ai déjà bien assez ou trop vu ».

Peut-être qu’il faut s’enfermer. Il faut s’enfermer avant de l’être par hasard. Le hasard n’existe pas. Il faut une méthode. Il faut toujours une méthode. On croit que l’on n’a pas de méthode mais c’est faux. On a une méthode. Cela peut être inefficace. L’efficacité est-il l’unique validation d’une méthode ? Quand saura t’on que l’on est véritablement efficace ? Qu’est ce que ça peut bien vouloir dire pour un peintre d’être efficace ? Ce n’est pas de peindre plus vite. Ce n’est pas suivre le même processus pour obtenir toujours le même résultat. L’émotion n’est pas un résultat scientifique. Adopter le même protocole de travail conduit à une forme d’aliénation. C’est le protocole qui peint. Donc ce n’est plus vraiment moi. Qu’est ce qui me gène dans le fait que ce ne soit plus moi qui peigne mais un protocole ? Je ne veux pas mourir ? Je délègue quelque chose que je considère important pour moi à un protocole qui peu à peu me biffe, me gomme ? Est-ce que les gens qui s’appuient sans relâche sur des protocoles ne sont pas d’une certaine manière des suicidaires ? Ils veulent tuer le hasard qui n’existe pas. Ils veulent tuer une illusion en eux-mêmes. Peut-être qu’ils ne savent pas qu’ils sont eux-mêmes des illusions. Peut-être qu’ils le savent très bien et qu’ils s’appuient sur des protocoles en espérant que ça cesse. Faire le tri entre la réalité et l’imagination ne peut pas s’effectuer complètement par la logique. Il faut une part d’errance, d’expérimentation. Il faut s’écarter de la route, emprunter des chemins, des sentiers, se perdre, errer, apprendre à transformer des corvées en moines zen. Ne plus faire de différence entre le connu et l’inconnu, entre le courage et la peur, entre la fatigue et l’énergie. Peut-être que nous sommes comme des ressorts. On se compresse, on se détend, c’est un va et vient plus ou moins régulier. Il faut peut-être ouvrir l’œil pour voir ça. Ne pas rester hypnotisé par la source du hasard, qui n’existe pas. Se rendre le plus loin possible, jusqu’à l’épuisement. Ensuite, recommencer.

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