
L’entendement, c’est un peu plus que de la compréhension, c’est presque de la connaissance, peut-être que c’est presque synonyme- le presque empêchant de mentir, de se laisser une porte de sortie, de ne pas enfermer l’entendement dans un lieu clos. Encore qu’entendre la peinture puisse être paradoxal puisqu’on à coutume de lui associer l’œil, le regard, la vue en tout premier lieu.
Ce n’est pas rare qu’il faille passer par le contournement aujourd’hui, en peinture comme en beaucoup de domaines, pour se désensabler d’habitudes devenues stériles. De ces habitudes qui nous figent dans une posture surtout. C’est cette pétrification l’empêchement, c’est ce que l’on ne cesse de murmurer en boucle quand on est fatigué surtout. Et c’est un cercle vicieux, on se fatigue à murmurer intérieurement ce cercle de pensées habituelles, ça doit essayer tant bien que mal de nous rassurer, mais ça nous fatigue d’autant plus, parce que l’on sent bien que d’être rassuré ne suffit pas, ne suffit plus. On aimerait retrouver une énergie, mais on ne fait pas du neuf avec du vieux, on voudrait du neuf bien sur. On a le sentiment que la nouveauté nous sauvera du marasme, mais la question ne se situe pas au niveau des mots neufs ou anciens, je ne le crois pas. Je ne le crois plus. Au contraire évacuer ces deux mots, les expulser hors de soi, lève des barrières, des oeillères, et sans doute offre une possibilité à l’entendement de pouvoir enfin pénétrer doucement en soi.
Il suffit pour cela de faire appel à la curiosité bien souvent, de se poser de bonnes questions. Ainsi quitter les réseaux sociaux par exemple sur un coup de tête pour aller quérir dans la solitude de l’atelier des ressources en soi fut une des meilleurs choses que j’ai faites en ces premiers mois de cette année 2023. Ce n’est peut-être pas tant un coup de tête maintenant que j’y pense. C’est bien plus une lassitude de voir défiler dans mon fil d’actualité toujours à peu de choses prés les mêmes contenus. Associé à cela l’idée d’y perdre mon temps, de me divertir, de m’égarer non d’une manière profitable mais plus dans le sens d’une dégradation.
Une dégradation entrainée par la mise en place de rituels toxiques auxquels on s’habitue, dont on est le jouet d’un système, la victime d’une aliénation. Bien sur je mesure ce que j’écris, tout le monde n’utilise pas les réseaux sociaux ainsi, certains même s’en servent très habilement, et ça leur est amplement profitable. Tout est affaire d’intention.
Mon intention est de progresser en peinture, de me sortir de l’habitude, de ne pas peindre toujours les mêmes sempiternelles tableaux, de voir quelque chose qui me regarde. Il faut que je peigne pour voir quelque chose qui me sorte de ce que je ne cesse de voir tout le temps et qui m’englouti. Il faut que je peigne quelque chose je puisse à la fois voir et sur quoi m’appuyer pour mieux voir. Et cela je ne peux le faire que seul. Personne ne peut m’y aider pas plus que de m’y contraindre.
Il y a quelques jours un ami peintre se désolait, et je crois qu’il se désole encore, de quelques réflexions que je lui ai fournies sur des toiles qu’il me présentait. Les peintres entre eux sont détestables, on ne devrait pas fréquenter de peintre quand on est peintre et si on n’a pas l’estomac bien accroché. Car étant des gens de haute sensibilité un rien venant d’autrui nous accable. Un rien dit ou un rien entendu. Et souvent il y a beaucoup de malentendus entre les peintres.
J’ai donc dit quelque chose comme « bof… » en voyant ces tableaux. Je me le suis d’abord dit pour moi-même et par amitié je n’ai pas su le garder pour moi, voilà la vérité. Il n’y avait pas de mauvaise intention, juste une erreur d’appréciation, l’oubli que l’autre était peintre avant d’être amical.
Entendre la peinture c’est avant tout repérer les couacs. C’est repérer la fausse note, le geste qui ne vient pas du naturel, du spontané, mais de l’air du temps, de la ritournelle de l’air du temps. Et j’y suis particulièrement sensible, ou révolté, comme on voudra. Et puis je n’ai pas peur, de personne, pour le dire. A ces moments là la colère je crois m’emporte de constater encore qu’un autre sera tombé au champ d’honneur, se sera fait baiser par l’air du temps. Voilà le fond de ma pensée. Vraiment. C’est dans le fond une base assez bienveillante. Prétentieuse surement, mais bienveillante.
du coup je ne vois personne et c’est bien comme cela. Je préfère ne pas voir de peintre en tous cas. A part des peintres débutants, des élèves, des gens qui n’ont pas d’idée précise de la peinture.
De plus en plus quand on me pose des questions sur la peinture, je réponds que je ne sais pas. Ce n’est pas qu’en vérité je ne sache pas de réponse. Bien sur que comme tout le monde j’aurais une réponse ou plusieurs réponses toutes faites à fournir. Mais, je préfère passer pour un ignorant, même en temps que professeur, parce que ce n’est tout bonnement pas à moi de fournir des réponses à toutes les questions que tout le monde se pose sur la peinture. Je trouve que c’est très bien de poser questions, de se les poser soi-même surtout, mais qu’il vaut bien mieux tenter également d’y répondre par soi-même. Ou encore mieux, d’entretenir ces questions sans forcément chercher à y répondre trop rapidement. Régler la question comme on le croit souvent, ne la règle pas, cela la fait disparaitre momentanément.
Donc comment faire pour améliorer son entendement en peinture ?
Je crois qu’il faut avant tout un peu d’humilité pour reconnaitre que d’autres ont peint avant soi. Qu’il y a une histoire de la peinture comme une histoire tout court. Si on s’intéresse à l’abstraction par exemple comme c’est toujours mon cas, il est bon de se poser quelques questions sur les origines de celle-ci. De connaitre quelques noms, quelques jalons des différentes poussées qui ont provoqué tel ou tel tendance ou mouvement. Il est bon de connaitre aussi les contextes social, économique, politique de ces mouvements. Il est bon de trouver des informations, du pour et du contre afin de se créer sa propre idée, d’y réfléchir ensuite par soi-même.
Je suis fasciné par le gouffre qui s’est crée entre d’une part le grand public, dont d’ailleurs de nombreux peintres de ma connaissance font partie, comme moi-même et la poignée d’artistes-peintres abstraits, souvent vivant à l’étranger, mais même en France, et qui sont inconnus sauf du marché de l’art contemporain.
Comment aider à la mise à jour, à aider le public et moi-même à mieux saisir ce qui se produit en peinture abstraite de nos jours ? Cela demande de la patience, de l’habilité, du discernement, du temps, mais ce n’est pas impossible. Et en plus cerise sur le gâteau, luxe inespéré, l’envie est là de m’y mettre. A mon rythme, sans chercher non plus à être dans une urgence, ni à vouloir faire « une œuvre » . Non franchement rien de tout cela. Seulement faire part de mes trouvailles, des associations d’idées, des déductions, m’éclairer un peu plus tout en aidant à l’éclaircissement général voilà tout. Améliorer l’entendement pour éclaircir les choses en peinture. De la pure synesthésie en quelque sorte.
note : ( personnage possible à utiliser : le professeur didactique qui veut éclaircir le monde.)
Je ne cesse pas d’entendre la généalogie de Pantagruel se mêlant à celle de l’Ancien Testament. Si je devais écrire une généalogie de l’art abstrait ce serait sans doute la meilleure manière de le faire. Juste une suite de noms avec le minimum d’anecdotes, d’éléments distinctifs, à part ceux bien sur nécessaires au rythme du mode récitatif ou imprécatoire.