
Mimer pacifiquement la guerre ? la violence ?
Le stade, les dieux du stade. Une course de 192, 27 m car 600 fois l’empreinte du pied d’Hercule; soit 600 fois 32 cm soit 12 pouces, ou encore 1 foot anglais. (Cette distance correspondait en 776 avant JC à un stadion ou stade. )
Par la suite dans les compétitions en l’honneur de Zeus, on ajouta le retour, soit le diaulos, puis encore plus fort 24 stades, le dolichos soit 4,6 km.
A Olympie il n’y a pas vraiment de structure olympique au sens où nous l’entendons désormais. Il s’agit en tout et pour tout d’une piste recouverte d’un mélange de terre et de sable et qui forme un rectangle de 212 m de long sur une largeur de 28, 60 m aux extrémités avec un renflement l’élargissant à 30,70m en son milieu.
On y pratique bien sur la course à pied, mais aussi la lutte, le pugilat, le pancrace, des sports équestres, et aussi des épreuves musicales.
Au tout début il s’agit pour les coureurs d’atteindre le bois d’Altis. Puis on pratique quelques aménagements, un tunnel sera creusé depuis Altis permettant aux compétiteurs d’apparaître “ comme par miracle” aux regards des spectateurs. Autour de la piste on crée des remblais et des talus pour offrir des places à ceux-ci et quelques unes déjà en surplomb, pour les privilégiés. On installe des sièges pour les notables, puis viendront ensuite les gradins, avec un ordre de placement hiérarchisé selon la condition de chacun qui s’y assoit, ou qui ne s’y assoit pas. Car ici du reste la plupart ne peuvent s’asseoir mais reste debout, le peuple. C’est la naissance du stadium le lieu “où l’on se tient debout” et qui peut accueillir jusqu’à 40 000 personnes.
“une totalité spatiale organique”
Le stade se propose comme un espace fermé, qui s’articule à la ville selon des modalités qui ne sont pas celles de la palestre ( autre lieu sportif réservé aux adolescents âgés entre 12 et 16 ans qui y pratiquent la course également mais aussi le lancer de javelot, le lancer de disque, mais aussi à cultiver l’art des bonnes manières et la discipline- lieu préparatoire à la guerre comme à la défense des cités).
Le stade se différencie également du xystos, piste couverte dans un gymnase où l’on s’entraîne par mauvais temps ou lorsque il faut trop chaud à l’extérieur.
Le stade n’a rien non plus à voir avec l’autel, le temple, l’agora ni aucun autre édifice de la cité.
Au bout du compte si on peut imaginer dans la pensée première du roi Iphitos l’utilisation du stade comme amusement, délassement, ersatz de la guerre, le lieu du Jeu, le lieu où même un cuisinier peut devenir durant quelques instants un héros, presque déjà un dieu ( Référence à Kérébos qui remporta la toute première course en Olympie) il est possible que l’on se fourvoie.
Le stade permet à la guerre de continuer même quand elle n’est pas là. Le stade permet de conserver actif l’esprit de compétition, l’esprit combatif même et surtout en temps de paix.
Le stade acquiert ainsi une place décisive dans la cité il devient le centre névralgique de la compétition autour duquel s’organise la ville et ses nombreuses activités. Il exerce une force centripète sur l’ensemble des peuples hellènes, fondant ainsi une nouvelle unité sociopolitique spécifique à chaque nouvelle olympiade.
Pourquoi le retour des stades ?
Ce qui est étonnant c’est que le phénomène du stade est perdu au Moyen-Age comme à la Renaissance, on ne le retrouve que de nos jours avec la même intensité qu’autrefois. Est-ce que le stade s’associe au sport comme on pourrait le penser, certainement pas. Le stade représente tout autre chose, sans doute la même volonté qu’autrefois de créer une sorte de consensus émotionnel, ou d’aveuglement des foules, hypnotisées, galvanisées par l’aura du sport et de ses divinités, “ses stars.”
Je me demandais si la peinture abstraite contemporaine pouvait exprimer des thématiques associées aux temps actuels, si elle pouvait par exemple évoquer le changement climatique, les conflits sociaux, témoigner tout autant que la peinture figurative avait pu le faire et certainement continue à le faire de notre temps.
J’ai été attiré par un tableau de Julie Merehtu intitulé The Seven Acts of Mercy, [Les sept actes de miséricorde], et qui fait ainsi référence à une peinture éponyme du Caravage, avec plusieurs points de fuite autour d’une structure centrale presque religieuse qui me rappelle vaguement l’image du stade.

Que voit-on sur le tableau du Caravage ?
Cette toile représente les sept œuvres de miséricorde dites « corporelles » qui, dans le dogme chrétien catholique, consistent à :
enterrer les morts. À l’arrière-plan, deux hommes portent un mort dont on ne voit que les pieds.
visiter les prisonniers et nourrir les affamés. Sur la droite une fille rend visite à son père emprisonné et lui donne le sein pour le nourrir (légende de Pero et Micon).
aider les sans-abri. Un pèlerin reconnaissable à la coquille sur son chapeau recherche un abri.
visiter les malades. Le mendiant paralysé gît sur le sol.
vêtir ceux qui n’ont rien (à l’exemple de saint Martin qui a donné son manteau au mendiant nu).
donner à boire à ceux qui ont soif. Samson boit de l’eau de la mâchoire d’un âne.
Petite histoire du tableau du Caravage
celui-ci à été peint pour l’église de la congrégation du Pio Monte Della Misericordia à Naples. A l’époque le peintre veut échapper à la justice romaine, il fuit Rome pour se rendre à Naples en 1607 alors sous domination espagnole. C’est sans doute l’œuvre qui lui a rapporté le plus d’argent 400 ducats, c’est aussi à la même époque qu’il peint la Flagellation du Christ pour le riche Tommaso de Franchis.
Ce que cela m’inspire est sans doute tiré par les cheveux. Autour de quelle institution fédérer le peuple quand le stade a disparu ? La religion, le catholicisme, la Miséricorde ? Mais tout cela n’est encore une fois de plus qu’une tentative de dérivation de la violence inhérente à l’homme, dérivation ou entretien de celle-ci dans l’imposition d’un paradigme basé sur la dualité bien-mal, bonne ou mauvaise action, croire ou ne pas croire et qui entraînera la création de plusieurs inquisitions pratiquement dès la naissance de cette institution.
Le sport et la religion même combat, le but étant l’aveuglement collectif, le naufrage dans l’émotionnel, et bien sur son exploitation par des personnages à sang-froid.
Que représente le tableau de Julie Merhetu ?
Des gestes de peinture plus ou moins appuyés presque dérisoires autour d’une construction architecturale, seul élément solide de l’œuvre. Mais quoique évanescents, ces gestes, remplissent presque la totalité de l’espace, ils sont majoritaires. Ils cernent le stade comme s’il devenait leur cible, comme s’ils s’y opposaient avec une certaine douceur due notamment aux valeurs de gris peu marquées, à une douce confusion, à peine relevée ici et là de traits plus précis, souvent en arc de cercles, en courbes, évoquant peut-être une caractéristique féminine. Il y a là une opposition entre les courbes rigides de la construction architecturale qu’on peut sans peine imaginer masculine, machiste, et celles plus chaotiques d’une féminité “sauvage” ou tout simplement naturelle.
Ensuite la relation avec le tableau du Caravage quelle est t’elle vraiment ? Il est question des miséricordes corporelles en opposition à celles spirituelles ( 7 de chaque)
Le tableau s’organise autour d’un vide, d’une obscurité, la lumière vient de la gauche, ce qui évoque pour moi la maladresse, le hasard, ce qu’on appelle généralement la gaucherie, la femme gauche, la féminité ainsi considérée durant des siècles. Que la lumière de la vienne de la gauche et crée ainsi des contours aux silhouettes, les fait apparaître hors de l’obscurité de la violence fondamentale et comme surprises dans leurs œuvres nommées miséricordieuses procure une belle émotion esthétique et intellectuelle, assez semblable d’ailleurs à celle procurée par l’œuvre de Julie Merhetu. Quasiment identique.
Ainsi deux oeuvres totalement différentes plastiquement mais qui traitent d’une même thématique, celle de la violence finalement, ou encore de l’opposition ombre et clarté , féminin-masculin, se relient dans une histoire plus vaste de l’humanité.
Ensuite, c’est peut-être simplement mon point de vue personnel, ma façon d’interpréter les choses et notamment les œuvres qui me passent devant les yeux avec la grille de lecture dont je dispose.
Note: cet article a été en partie inspiré par un article de Robert Magiorri sur le livre de Marc Perelman, l’Ere des stades (Genèse et structure d’un espace historique) , Le cahier Livres de Libé 10 juin 2010)
Julie Merhetu est née en Ethiopie en 1970, elle quitte l’Afrique pour s’installer aux Etats-Unis en 1977. Sa thématique principale est axée sur les conflits sociaux. ( voir sa page Wikipédia )
J’aime le 🖼️de Julie, pour son originalité et sa non-couleur, sans toutefois chercher à l’interpréter. C’est grave, docteur Patrick ? Les tableaux abstraits ont-ils tous une signification ?
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oh non pas grave Christine, je me moque toujours un peu du prof en moi dans ce genre d’ article sous couvert de sérieux 😉
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Ne serait-ce que le titre : « Comment interpréter un tableau abstrait de Julie Merhetu ? », il s’agit d’un défi conceptuel.
J’écrirais alors, de mon côté, pour une autre tentative :
« Comment décrire « La Mer » de Claude Debussy » et j’enroulerais des vagues à mes doigts, du sable entre les touches du clavier de mon ordi, des ressacs à la barre d’espace(s), des nuages bleu clair au-dessus d’elle, des embruns, des algues à foison et puis la solution m’apparaîtrait soudain : ‘Mer, es-tu là ?, frappe trois coups pour répondre ! »
(Merci pour toutes les infos sur la création du « stade » en tant qu’arène sportive et politique, Macron n’avait pas eu le temps de potasser le sujet dans le souterrain de Saint-Denis.)
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Merci Dominique ! mais oui une bonne idée de décrire la mer de Debussy , en ce monde en plein éclatement l’interprétation personnelle sera la reine des Neiges ! multiplions les interprétations, ne nous laissons plus enfermer dans de petites choses étriquées 😉 bon week-end !
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Allez prêtons nous au jeu ; un lion? Ailé? St Marc? Évangile ? Feu à l’arrière? Apocalypse? Visages à l’avant et l’arrière ? J’en vois six? Le septième responsable serait il nous le spectateur? Une chose certaine dans ce que je viens d’écrire : « ? »😊
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Avec plus de légèreté et parce que j’adore le cinéma de Desplechin, même sans être abstrait la magie d’un tableau ( comme d’une lecture) ne tiens t’elle pas tout entière dans l’ « instant »et dans l’ « émotion » qu’il s’inscrive dans l’art abstrait ou non?
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Merci pour les commentaires Géraldine ! Interpréter n’est pas un mot innocent.. bien sur. D’un autre côté, il y a actuellement une sorte de fatigue du public pour la peinture abstraite. Etant en première ligne en tant que peintre, j’ai cette idée en ce moment d’explorer la scène artistique contemporaine pour essayer de comprendre les motivations, les démarches de certains peintres abstraits vivants et reconnus par l’institution du marché de l’art. Tous les retours quant à ces modestes articles sont les bienvenus ! Belle journée !
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