deuxième coup.
une saison s’achève à peine, avec peine, à grand peine, et quelques renoncements, qu’une autre déjà s’amène. On se rend à peine compte qu’une saison se retire qu’une vague la recouvre comme si de rien n’était. Comme si la saison quittée, sans tambour ni trompette, nous laissait amer ou mi-figure, mi-raisin. Indifférent aussi parfois vers la fin. Indifferent à ce qui va, s’en va et vient. On en finit ainsi avec chacune, elle s’achève, on regarde faire. une saison s’achève de plus en plus en queue de poisson ou en queue de cerise, parfois on a le visage éclaboussée d’eau, c’est une saison qui s’achève en queue de comète. Puis une autre s’amène, une autre saison et c’est parfois une fête dans la glycine, le chèvrefeuille. dans l’olivier en pot. une fête donnée par les oiseaux qui poussent des petits cris d’oiseau puis qui s’égaient. Une grosse pie en smoking s’est posée sur une branche haute de l’ olivier pour attraper une olive de l’hiver dernier, on ne récolte plus les olives ici, on les laisse aux oiseaux. aux merles, aux pies. On fait aussi des boules de graisse qui fondent comme neige au soleil quand l’eau se glace dans les soucoupes des pensées passées. On attend sans attendre qu’une saison s’achève, qu’une autre saison s’amène, ça passe le temps si on n’a rien d’autre à faire, si on n’a plus rien à faire que passer le temps en attendant que le ballet des saisons s’achève , l’une après l’autre, très consciencieusement.
On peut mettre Vivaldi ça ne dure pas bien longtemps, quatre saisons et puis voilà, l’heure tourne ainsi. Il faut comprendre laquelle est laquelle au début rien d’évident. Enfant on écoute sans savoir et c’est très bien ainsi, vieux on n’écoute plus que le bruit des canalisations, le goutte à goutte, la pluie qui tambourine sur les tuiles. On peut encore mettre Vivaldi et mettre un nom sur chaque saison, c’est possible maintenant, on est moins ignorant. Mais toujours de ces silences entre deux saisons entre deux notes, entre la pluie et le soleil, entre récolter ou laisser, toujours un peu ignorant, et il faut qu’on en soit content, bien sûr c’est important le contentement.
Une saison peut parfois être si courte qu’on croit l’avoir rêvée, comme l’odeur du foin dans la grange, le goût acide ou âcre des prunelles dans la bouche, la légèreté folle d’une robe de nylon dans les mains, la souplesse d’un corps, la nervosité d’une cuisse, le parfum chaud des blés mûrs, le goût franc de l’eau du puit, l’ombre fugace d’une buse, le zigzag vif du lézard entre deux pierres d’un mur vieux, le pêcher en fleur, la ligne d’horizon qui tremble sous la chaleur, le bouchon qui s’enfonce d’un coup net dans la rivière, le poisson qui brille, le ver de terre qui se tortille entre deux doigts, l’hameçon qui perce, la friture qui frit, la mandibule qui rumine, la guêpe qui suce le jus, ivre, de l’assiette, la petite cuillère dans le mazagran, le mouvement des aiguilles d’une vieille horloge à plomb, le bruit que fait la clef pour remonter les plombs, le pince-nez qui devient hélicoptère, la fleur du pissenlit qu’on éparpille d’un souffle, la bougie d’anniversaire qui fume encore une fois éteinte, le goudron qui fond, les semelles qui collent, le cœur qui bat dans la poitrine, le souffle qu’on retient devant une robe remplie de tendresse et de vie, la sensation folle d’une robe de nylon qui choit sur le sol, l’éblouissement du ciel, la larme qui lave l’œil, la bouche qui découvre la lèvre, ,une saison peut parfois être si courte qu’on pense l’avoir rêvée, puis on met Vivaldi, on s’en souvient tout de suite, on est ignorant de l’espace entre le rêve et la vraie vie, et c’est très bien ainsi, miraculeusement.
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