Du jour au lendemain

C’est de ce morceau Outro du rappeur allemand d’origine iranienne Sinan-G qu’est extrait le générique de fin de l’émission « du jour au lendemain »

Des bribes ajoutées à des bribes. Ce n’est peut-être que cela ce que tu appelles un journal. Finalement pas si éloigné de l’autre, le journal qu’on achetait autrefois en kiosque. Avec ses articles, ses gros titres, des hiérarchies d’importance arbitraires. Peut-être que le journal littéraire s’oppose tout en employant les mêmes outils, les mêmes armes au journaux du soir ou du matin sur lesquels on fonde une idée d’actualité. On chamboulerait ainsi l’importance de cette actualité, en employant un arbitraire valant l’autre.
Cette nuit impossible de dormir. J’ai vu le film sur Simone Veil. Ce qui a aussitôt fait ressurgir cette colère ancienne vis à vis des camps, concernant aussi toute cette injustice, cette médiocrité, cette banalité terrifiante. Après quoi il me fut encore plus impossible de dormir.
J’avais envie de calme et j’ai repensé à ces moments où la nuit j’écoutais Alain Veinstein, l’émission du jour au lendemain. J’ai recherché sur l’appli Radio France mais hélas la série des Podcasts s’arrête à 2011 on ne peut pas aller au delà. J’ai fini par jeter mon dévolu sur un entretien avec Charles Juliet à propos de son journal VI et de la réédition de Ténèbres en terre froide. La voix de Veinstein et celle de Juliet bien plus que leurs propos finalement sont parvenus à apaiser l’angoisse, ou la rage.
Ce qui me fait penser à nouveau combien nous sommes hypnotisés par nos pensées à propos du sens des choses. Qu’il suffit juste de tendre l’oreille aux sons que produisent les voix pour en obtenir bien plus que des pensées, des avis, des opinions.
Ce matin je lis quelques articles de blog, mais le cœur n’y est pas vraiment. Il vaut mieux ne pas trop lire ainsi, attendre d’être plus disponible aux autres. C’est souvent cette indisponibilité qui fait barrage je m’en rends compte.
Parmi les premiers textes lus je note une confusion entre deux mots hybride et bourde. Et ça se retourne aussitôt contre moi. Je pense à ce que j’écris, à toutes ces bourdes, à l’aspect hybride de ce blog. Jusqu’à présent tellement fragmentaire, le fait que je saute du coq à l’âne consciencieusement ne m’avait jusqu’à aujourd’hui pas vraiment déplu. Bien au contraire. J’en avais presque établit un vague protocole, un rassurant dispositif, une grande liberté surtout.
Mais pour rassembler tous ces fragments épars, faire un tout, et qui ait un sens ou une cohérence, c’est à dire une moindre politesse pour le lecteur, c’est une autre paire de manche. Parfois je suis au bord d’espérer y parvenir que j’y renonce presque instantanément. Parce que je vois un livre. Parce que la finalité serait encore de faire un livre, une sorte de preuve.
Ensuite à quoi servirait cette preuve, en ai-je vraiment besoin. Est-ce que ça produirait la satisfaction d’un achèvement quelconque ? J’ai bien peur que oui, par faiblesse. Ce dont je ne peux que me méfier absolument et qui renforce aussi ma conviction de ne rien vouloir savoir, de ne rien savoir à propos de l’écriture, de la littérature, de ne pas avoir d’idée arrêtée. De continuer à avancer en aveugle me semble être tout ce que je peux faire du mieux que je le peux.
Et d’aller ainsi à coup de bourdes, de textes hybrides, du jour au lendemain sans trop faillir, sans trop espérer ni me désespérer non plus.
Un livre m’exclurait du temps. Et je crois que j’ai appris à accepter le temps qui passe maintenant, quelque soit la façon dont il passe et comment je m’en réjouis ou le subit. Accepter ça est je crois un grand pas. Cela vaut bien une satisfaction semblable à celle de produire un ouvrage. Voire une œuvre. Accepter sa faiblesse, et cette forme d’impuissance qui nous empêche de se fourvoyer, tout en se fourvoyant encore tout de même. L’égarement si cher comme seule possibilité de résistance.
Je crois que comme les voix entendues cette nuit, un texte, des textes charrient la même chose. Celui qui parle comme celui qui écrit se cantonne à une périphérie et ignore tout de ce qui se passera au delà de celle-ci.
La paix peut-être le message qu’on envoie sans même le savoir, du plus profond de la colère de l’angoisse ou du ridicule. Je veux dire que de lire une succession de bourdes peut rassurer, apaiser, amuser beaucoup les gens à propos de ce qu’ils appellent leurs bourdes à eux.

Je tape hybride sur Google pour essayer de trouver une image d’illustration et je me retrouve face à des voitures… Je renonce donc à illustrer plus avant cet article.

3 réflexions sur “Du jour au lendemain

  1. Je te relis depuis quelques semaines plus régulièrement. J’aime particulièrement certains textes, mais comme tu écris beaucoup, je ne peux pas tout absorber comme je le voudrais? et même rebondir; ce dont , de toute façon tu ne sembles pas vraiment en avoir besoin. Exceptionnellement, je vais partager ce « jour au lendemain » sur la page de Groupe Tiers Livre. Ce que tu y abordes permet de répondre à des questionnements récurrents sur la fonction d’un journal, à l’heure où beaucoup de monde s’y adonne et le partage à la cantonade. Si ça te gêne , dis- le moi. J’ai la nostalgie de l’émission radiophonique DU JOUR AU LENDEMAIN. J’aime mieux Laure ADLER qu’Alain VEINSTEIN qui me semble plus orgueilleux, mais hypersensible. As-tu lu ses livres ? Et tu me fais découvrir ce OUTRO: Amitié Mth

    J’aime

    1. Merci pour ton message Marie-Thérèse, tu peux partager si tu veux oui. Mais je ne vais plus guère sur les réseaux sociaux. J’ai du mal, c’est comme pour le cinéma, il y a beaucoup trop de choses et trop vite. Ma fréquence est plus lente désormais, celle de l’idiotie où j’ai la sensation qu’on me parle d’un tas de choses que je ne comprends pas. Je ne connais pas les émissions de Laure Adler, je ne les ai jamais écoutées. Alain Veinstein m’a accompagné longtemps et m’a fait découvrir de nombreux auteurs, je lui en serai toujours bien reconnaissant. L’orgueil bof, ce n’est pas un défaut forcément, ça énerve peut-être les orgueilleux essentiellement, surtout par effet de miroir. L’orgueil m’a beaucoup agacé fut un temps, et puis les choses se tassent. Bien content d’avoir de tes nouvelles. A bientôt, P.

      J’aime

Votre commentaire

Choisissez une méthode de connexion pour poster votre commentaire:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.