Voir, percevoir

Les mots ne se livrent pas si facilement qu’on croit. Il ne suffit pas d’aller jeter un coup d’ œil au dictionnaire. Peut-être que ça nous rassure de posséder un dictionnaire pour employer les mots de la bonne manière. Pour parler comme tout le monde, pour ne pas passer aux yeux du monde pour un idiot. Il faudrait pouvoir revenir sur la toute première fois où le mot surgit, sur un tableau noir, sur la page blanche d’un livre.
Ainsi on se souviendrait de la confusion entre voir et noir, voir et choir, voir et croire.
Des liens se tissent entre les mots sans qu’on en prenne conscience. Des lapsus s’installent, et dont on ne parle pas. Dont on ne parle jamais.
Pourtant une grande partie de ce qui est nommé poésie ne fonctionne qu’ainsi, en effectuant des rapprochements inattendus entre les mots.
Il faut donc creuser à travers toutes les strates, toutes les couches qu’une idée une volonté de normalité aura déposées sur cette première sensation d’un mot, sur nos tentatives maladroites d’en fabriquer des synonymes personnels. Cette maladresse est tout ce qui nous reste une fois que l’idée du monde, de la norme et de nous-même volent en éclat. On pourrait considérer cela tragique, mais ce ne l’est pas. C’est plus une longue maturation, un œuf, une coquille qui soudain se brise. Ce qui en sortira ne peut-être monstrueux qui s’y l’on s’attarde encore sur la nécessité du semblable. C’est presque semblable voilà en quoi c’est inquiétant pour la plupart, aussi inquiétant que de se tenir devant une glace le matin un rasoir à la main.

Ensuite l’important n’est plus ce que l’on perçoit, ce sera bien plus la façon dont on s’y prend pour percevoir.

Je perçois cette table, mais si je retire de cette perception toute l’histoire que je ne cesse de me raconter avec cette table qu’est ce que je perçois vraiment.

Un mot, une table, une personne. Qu’est ce que je perçois sans me raconter d’histoire ?

Je pourrais en établir une discipline. Durant un quart d’heure par jour, assis tranquillement quelque part je percevrais tout ce qui m’entoure. Je ferais attention à la moindre histoire qui surgirait, je n’en tiendrais pas compte, je la laisserais s’évanouir comme elle a surgit.

Je ne m’intéresserais qu’à ces surgissements permanents qui recouvrent les objets, les lieux, les êtres.

Peut-être qu’à ce moment précis j’aurais une fenêtre de vision inédite, ou mieux, je retrouverais la vision que je n’ai jamais perdue, qui est toujours au fond de moi-même depuis les tous débuts de mon existence.

voir, percevoir cette fragilité enfantine, ce qui résiste envers et contre tout, ne pas avoir peur du ridicule, dépasser le ridicule. Suivre la voie que le ridicule propose.

4 réflexions sur “Voir, percevoir

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