
Ils ne voient pas les pièces d’or,
ils se souviennent de celles appartenant à d’autres,
qui eux-mêmes ne les voyaient déjà pas.
L’or est un rêve.
Il regarde la pièce dans la paume de la main. Il ne voit pas la pièce mais l’un de ses doubles, l’un de ses fantômes. Les mêmes fantômes de pièces d’or qui sillonnent les terres imaginaires de nos mondes intérieurs.
Le poids de la pièce d’or parvenant sur sa paume est infime au regard du poids des songes qui occupa son esprit durant la traversée.
La richesse est un rêve à portée de main parait-il.
Mais l’autre dit que la main n’a pas grand chose à voir dans cette affaire,
hormis pour perpétrer massacres et tueries
Que le Congo est d’abord un fleuve avant d’être un pays.
Il se tient devant la devanture de la boulangerie attiré par les pâtisseries
Des éclairs au chocolat luisant, des Paris-Brest bourrés de crème beurrée
Passe en arrière plan un corbillard tout noir
Dans la bouche le goût de mort évacue celui du sucre.
Dans la librairie sous cellophane les magazines tentant le chaland
Parution mensuelle, bis-mensuelle, hebdomadaires, bis-semestrielle
Avec des bonus, des CD, des DVD, des Décalcomanies, des pin’s.
Se concentrer sur le timbre-poste qu’on est venu ici acheter
Ne pas s’égarer, résister, dans la queue pas à pas ne pas flancher.
L’irréel du beau temps de plus en plus visible.
Le beau temps ne peut plus dissimuler cet aspect
De l’irréalité
Du coup le mauvais temps en devient presque rassurant
Du coup de gong explosant dans la pièce l’écho persiste encore au delà des murs
Au delà de la ville
Au delà des années
Il ne fut pas nonchalamment donné ce coup de gong
Il fut de maître libérant ses esclaves.
Dans Lausanne il y a des bas et des hauts puis le lac
Ou bien
Il y a d’abord le lac puis la ville est des bas et des hauts.
Dans quel ordre se décrit-on le désordre qui nous parvient
Quel ordre créons-nous pour que notre désordre soit compréhensible
À nous-mêmes
Aux autres
Par la fenêtre de la cuisine la chatte vaque, elle va et vient libre
Et je m’inquiète.
J’ai du mal à m’y faire
Puis je m’y fais,
ou j’apprends à faire avec l’inquiétude
Vivre avec cette inquiétude
Surmonter l’inquiétude
Ou se laisser dominer par celle-ci
viscéralement inquiet
Comme un bourdon incessant du foie et des tripes, les nerfs à vif, la rate au court-bouillon, l’intestin et son destin,
le ciboulot toujours au boulot.
L’odeur du jasmin est comme le poids de l’or dans la main
Fugace
Rien vraiment ne nous appartient.
Pourquoi ne pas s’en réjouir
Et honorer nos morts
Qui tout à fait comme nous pensons l’être
furent jadis, autrefois, naguère, des vivants
Lu quelques pages de Conte de fée de Stephen King, rondement mené. Simple à lire trompe l’insomnie. Derrière l’apparence simple du travail, beaucoup. Populaire ne signifie pas indigent, enfin pas encore tout à fait. Et il y a a apprendre partout, ce pourrait être une devise. Il est tout aussi intéressant de lire King que Michon ou Echenoz ou encore Harrison, sans que je ne puisse dire clairement pourquoi je trouve cela intéressant vraiment. Tout ce qui est écrit semble digne d’intérêt. Ce que l’on en attend ou plutôt n’attend plus peut-être un indice de cet intérêt ou de cette curiosité. Observer la machinerie, les rouages, le chant des sirènes, se laisser emporter juste ce qu’il faut pour se dire —tiens je me laisse emporter, comment donc est-ce possible.
Lire plusieurs ouvrages en parallèle permet de prendre une distance avec tous, et ce quelque soit l’intérêt qu’on y puisse trouver à chacun.
L’intérêt nous regarde en chien de faïence.
On ne lit pas par sympathie tel ou tel auteur. On ne lit plus ainsi. On lit pour ce qui est écrit sur la page blanche, on chasse le reflet, on parvient parfois à le débusquer. On le débusquera tôt ou tard.
Le rare reflet comme le grand cerf mythique, celui qui désarçonne et rend fou, par exemple Moby Dick.
On n’en est plus à lancer des harpons, à vouloir s’y accrocher, à visiter les profondeurs, à vouloir se mesurer en perdant toute mesure.
Lire tranquillement une phrase après l’autre. Considérer l’autonomie de chaque phrase, perdre au fur et à mesure l’idée d’une continuité fictive. C’est lire différemment. C’est lire comme si on écrivait.
🧡
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