
Il n’est pas rare que les plus grands maîtres fassent le clown parfois consciemment et souvent inconsciemment. Ce qui déstabilise leurs élèves qui, au bout de tant d’efforts s’attendent au pire à un peu de compassion, au mieux à une certaine reconnaissance.
Mais non. Le rire du maître décoiffe l’élève, le chauffe à blanc avant de le laisser retomber dans un état atonique.
Il y a longtemps que je ne me suis rendu au cirque d’hiver à Paris. La dernière fois ce devait être dans les années 80 à l’occasion d’interview de clowns que je réalisais en vue d’aider un ami.
La figure de l’Auguste me passionnait, et sans doute encore jeune, m’allait elle comme un gant.
Peut-être aurez vous l’occasion de tomber sur un tout petit livre d’Henri Miller qui a pour titre » Le sourire au pied de l’échelle ». Si vous passez devant ne le ratez pas ! il y a vraiment l’essentiel
L’auguste tombe, se relève, retombe, commet gaffe sur gaffe en se faisant reprendre par Monsieur Loyal et à chaque fois c’est de nous, public, que le rire fuse..
Il s’en fout l’auguste il continue à faire ses erreurs, voire même à proportion de la férocité des rires il en comment encore plus.
Lorsque le spectacle s’achève, que nous sortons dehors, la nuit est là, je me souviens d’un parfum de marrons grillés qui flotte dans l’air sans doute arrivant de la Bastille et remontant le boulevard des Filles du Calvaire.
Peu de circulation, les cafés sont dépeuplés.Et du coup mon ami et moi éprouvons une sorte de soulagement.
Toute la violence que nous avions avant d’entrer au spectacle, cette énergie brute de la jeunesse semble s’être dissipée avec nos rires.
Nous sommes paisibles et nous rentrons à pied silencieusement pour ne pas perdre cette sensation rare.
En marchant je me demandais le but de tout cela. Pourquoi les clowns, les augustes, ont ils pour vocation de nous débarrasser de notre rire …
Quelques jours plus tard j’avais rendez vous avec Annie Fratellini dans son école de cirque à la Villette.
Je ne sais ce qui m’a pris mais à peine discutions nous depuis quelques minutes, je bouillonnais :
-« Annie ne croyez vous pas que les moines zen et les clowns suivent une voie semblable ? »
A son regard j’ai compris que j’avais touché une corde sensible chez elle.
Elle opina du chef en disant oui ça se pourrait bien et puis je la quittais rapidement pour nous débarrasser de cette gène qui s’était installée.
Il n’y avait rien d’autre à dire une fois ce constat établi.
Parfois mon travail de peintre me rappelle celui d’Auguste, tous ces ratages, ces échecs, ces demi réussites… l’autre jour dans une exposition, deux dames sont entrées et se sont mises à voir des bestioles dans mes toiles :
-oh c’est rigolo on dirait un âne
-non moi je vois plutôt un boeuf
Et alors j’ai enfin compris et n’ai pu qu’esquisser un sourire.
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