De Guy Debord à Carlos Castaneda.

Guy Debord

Étrange parcours ce matin dans la fraîcheur du matin. Comme un ressort qui se détend lentement, sans hâte, un relâchement lent et mou. Ça commence avec Guy Debord, plusieurs vidéos regardées sur YouTube, en attendant le réveil de la petite fille qui dort dans la bibliothèque, installée en chambre à coucher pour quelques jours. C’est toujours quand c’est difficile d’accès qu’on éprouve l’impérieuse envie. Donc des vidéos, retour au situationnisme, à la société du spectacle. Puis, quelques cigarettes plus tard la sensation d’une prophétie réalisée et comme une urgence à nouveau de trouver une solution. La vieille urgence, celle qui ne cesse de tenailler depuis des années et qui t’envoie de mur en mur tête la première. Pour quel résultat ? Quelques tableaux et quelques textes, du spectacle comme tout le reste finalement. C’est qu’il va se loger si profondément en soi ce spectacle, qu’il faudrait trouver des forceps pour parvenir à s’en extirper. Et même cette extraction, ce fantasme, n’est ce pas encore du spectacle que l’on désirerait s’offrir à soi-même. Puis un moment entre chien et loup, ce moment où l’on éteint la lumière de la cour pour mieux pouvoir le contempler l’éprouver, la lumière de l’aube qui nettoie tout doucement la nuit et fait douter qu’elle puisse s’achever aussi facilement. Et on se met à penser au rêve bien sûr, aux rêves dans les rêves comme un labyrinthe, le fameux labyrinthe éducatif de Debord. Fermer les yeux et quoi voir, de quoi se souvenir avoir vu pour s’en défaire, et aussitôt ce sont des mains qui surgissent. Étranges ces mains dont on ne sait plus vraiment à qui elles appartiennent. Peut-être ne sont elles que des mains, et qu’il ne sert à rien de vouloir leur attribuer un visage. Et bien sûr le petit bouquin revient aussi sec à la mémoire, voir, de Carlos Castaneda. Les vieux engouements, une honte très agréable à revenir dans ces souvenirs de lecture, qui a l’époque dans les années 80 balisaient la fuite. Castaneda… et presque aussitôt les mains disparaissent, on ouvre les yeux, on aperçoit le paquet de tabac, on s’en roule une, et le regard s’arrête sur ce geste automatique. Debord, Castaneda, la cigarette… et un sentiment de colère qui monte, colère et amertume, une violente tristesse.

Carlos Castaneda planqué dans Octavio …

Coup de boutoir

Côte ouest de l’île des morts, Dali.

Il ne s’agirait pas d’un coup de boutoir frontal. Le courage et la force bien qu’ayant un certain rôle à jouer ne serviraient qu’à faire surgir le mur aussitôt. Et forcément on s’y casserait les dents, et les bois. L’enjeu n’est pas la reproduction. Mais plutôt d’inspirer de nouvelles approches, sous forme d’escarmouches, une guérilla tranquille, et au travers desquelles l’ennemi nous considérerait inoffensif. Le ridicule pourrait être une consigne, ou tout du moins un mode. Mais un ridicule contenu, un ridicule qui ne s’exhibe pas, une étrangeté, proche de l’étrangeté qu’offre l’hermétisme, un peu ésotérique sur les bords pour laisser suffisamment de flou aux voyeurs.

Dali dans une mesure. Dali se déclarant comme étant le dernier peintre de la Renaissance avec un aplomb qui fait rire. Qui fait rire en premier lieu avant qu’un gouffre s’ouvre sous nos pieds, en saisissant vaguement, derrière l’apparente absurdité de son dit, quelque chose d’irréductible. il y a l’habileté, très proche du fantasme de perfection, sur chaque toile on peut s’en approcher pour le constater. À la fois avec plaisir mais une fois celui-ci évanoui, que conservons-nous du plaisir sinon un peu, parfois même beaucoup , d’effroi. Le lien aussitôt établi avec la grande peinture, s’effiloche pour finalement se retrouvé tranché par la bizarrerie des sujets déployés. Ceux là même qui touchent à cette partie de nous qui nous semble plus vraie que vraie. C’est à dire l’univers onirique, que nous plaçons généralement au fond des nuits, à sa place attitrée, qui ne serait pas sensée intervenir dans l’univers quotidien. L’apparition d’une toile de Dali ébranle par sa proximité avec la perfection tout en restant installée dans le monde des rêves et par ce fait nous fait douter à la fois de ce que nous nommons rêve et réalité. Voici un coup de boutoir latéral. Vieux style comme dirait Winnie dans oh les beaux jours de Beckett.