Bilan 2022, vœu pour 2023

illustration peinture de Garouste Une femme enceinte qui chevauche un âne, une belle allégorie n’est-ce pas …

Cette année 2022 s’est achevée. Et quelle année! Un peu plus de 10 000 visiteurs sont passés sur le blog soit 39% de plus qu’en 2021. 1008 articles ont été publiés. J’adresse donc de très sincères remerciements à toutes et tous , abonné(es) ou non, pour l’attention, le temps passé, et surtout l’indulgence vis à vis des contenus publiés sur celui-ci.

En commençant à rédiger les premiers textes, il y a cinq ans désormais, loin d’imaginer que je pouvais faire preuve et vis à vis de moi-même d’abord, d’une telle régularité ou obstination afin d’écrire quelques lignes ou pages et les publier de façon quotidienne. Encore que je ne me souvienne pas de m’être jamais forcé à écrire comme s’il s’agissait d’une corvée, Au contraire, j’éprouve de plus en plus un plaisir louche à persévérer. Louche, car la notion de plaisir, mise en avant ainsi, me renvoie à celle de confort, de jouissance, à une désinvolture ou une nonchalance parfois. Et qui, sitôt que j’en prends conscience, aurait plutôt tendance à m’exaspérer. Surtout parce que la configuration de mon caractère place le travail en tête, et donc la facilité que je ressens à écrire au quotidien désormais comme une sorte de tare. Disons que je suis en vénération du travail à un point tel que je le place sur un piédestal et que j’ai la sensation permanente que mon abstinence puisse être la meilleure offrande à lui adresser. En outre je n’ai jamais éprouvé la certitude agréable, cette fatigue qui surgit et indique que l’on a assez travaillé pour prendre un repos bien mérité. Le corps médical, si c’était un effet de sa bonté de se pencher sur mon cas, poserait un diagnostic plus juste que je ne suis en mesure de le faire quant à cette dépendance, cette addiction dans laquelle j’ai sombré. Probable que je serais bien mieux à ma place dans une maison de fous qu’ici, à tourner en rond comme un derviche au centre de sa persistance. Impossible encore de dire où l’écriture conduira ce blog, j’ai abandonné tout plan tracé sur la trajectoire des comètes et c’est aussi un effet plutôt positif de 2022 que cette prise de conscience. C’est à dire cette carotte que représente , pour moi surtout, la notion de projet. Car parvenir à en réaliser le moindre serait mettre un pied dans la tombe évidemment. Achever un projet c’est s’achever soi-même. Cela ne signifie pas pour autant que l’ignorance ou la providence ne s’affairent pas. Et puisque je renonce à la carotte il ne me reste plus que le bâton pour seconder l’inconscience-en laquelle je crois bien plus que de raison- pour continuer à cheminer vers les buts qu’elle voudra bien. Aussi pas de projet déclaré en passant la douane de cette année neuve sauf évidemment ceux enfouis tout au fond de ma poche et dont je ne parle pas de peur d’avoir à payer trop de taxes. Sur ce plan moins on en dit mieux c’est, comme quoi il n’est jamais si tard que l’on imagine pour apprendre encore et s’ améliorer vers qui nous sommes vraiment.

Pour conclure je vous souhaite tout de bon pour cette année 2023 afin de me conformer à l’usage au cas encore où, parmi vous, certains ignoreraient que le temps n’existe pas, qu’il n’est que vue d’esprit et souvent borné d’œillères. Vœu unique donc, essentiel, que vous obteniez la plus belle largesse d’esprit et de cœur dont vous rêvez.

Cliché mystique

La boite à outils du prêt à penser contient aussi un compartiment pour tout ce qui concerne l’extraordinaire, le mysticisme notamment. Petit coffret rempli de pacotille, et dont la présence de toute évidence est destinée à flatter le narcissisme, ou comme on le dit désormais l’ego. Rien de nouveau sous le soleil. La Fontaine l’a déjà dit qui le tenait d’Esope : cette propension bizarre à vouloir devenir bœuf et qui atteint la grenouille surtout lorsqu’elle est désœuvrée, oisive. Ensuite on peut aussi essayer de prendre un peu de recul avec la notion de cliché car elle devient aussi un leitmotiv à l’intérieur de ce système déjà cité. On peut tout à fait trouver une utilité au cliché comme au lieu commun. Pas nécessaire de toujours s’en offusquer, de les pointer du doigt à seule fin de se construire une posture. Car au bout du bout cette posture finit, elle aussi, par devenir un lieu commun un cliché n’est-ce pas.

Donc le cliché mystique se répand désormais comme une belle tache d’huile, pas étonnant que les dérapages soient nombreux. Et si je rapporte cette notion à l’écriture ou à la peinture je peux mieux compter aussi mes propres difficultés ou raisons d’avoir sombré dans cette sorte d’égarement quasi mystique.. N’étant au bout du compte qu’un individu ordinaire parmi tous les autres, comment aurais-je pu imaginer moi-même y échapper sinon et fortuitement en revenant vers un peu plus de modestie ce que je considère pour le coup comme une grâce authentique.

C’est à dire en vivant de la façon la plus ordinaire, voire parfois même selon les circonstances tirant vers le drastique et l’ascétisme non par choix mais surtout obligé par l’absence ou le manque de ressources. Etre en prise directe avec ce que tout le monde s’accorde à nommer une réalité et que l’on désigne par toute une collection de noms d’oiseaux. Comme s’il fallait absolument que l’or provienne de la boue, que la grâce naisse de la chienlit. Toujours la dialectique, la friction des opposés pour faire jaillir l’étincelle d’un briquet. Nous sommes bien loin de la magie première, l’image de la foudre tombant sur la terre illuminant l’obscurité. Epoque de briquet jetables.

Le prêt à penser mystique n’est pas différent du prêt à penser en général. C’est juste un étiquette que l’on colle dessus qui semble créer la différence. Mais c’est juste une affaire de segmentation pour mieux cibler les call to action.

Tout ce que l’on est prêt à croire lorsqu’on se croit désespéré est le rouage principale de la machination ubuesque dans laquelle nous vivons. Mais que savons nous vraiment de ce désespoir, de quoi est-il réellement constitué … de clichés la plupart du temps. On peut se sentir désespéré parce qu’il convient de l’être lorsque certaines circonstances sont réunies. tout à fait comme une suite d’opérateurs logiques dans un code informatique.

Premièrement tu es seul. Deuxièmement tu n’es pas comme ces images d’hommes ou de femmes dans les magazines. Troisièmement il est normal que tu sois frustré puisque tu es seul et moche. Si en plus tu n’as pas de boulot que tu es au chômage et en fin de droit en prime, tu atteins enfin au but : Te voici enfin désespéré comme il faut.

Connerie relayée de plus en boucle par tous les médias. Effroyable mayonnaise.

Mais ce programme qui en déclare la validité ? Peut-être qu’on pourrait modifier le code, l’interpréter complètement différemment.

Tu es seul, donc tu n’es importuné ou n’importunes personne. Tu peux organiser ta vie comme bon te semble. Tu n’as pas d’attache, tu peux donc être mobile, prendre un avion pour te rendre à l’autre bout du monde et aller en plein hiver siroter un martini dry à San Pedro ou ailleurs. Secundo tu as une tête différente de celles des magazines. C’est plutôt une chance, tu peux te promener partout incognito. Tu te trouves moche ? encore mieux postule vite comme acteur et tu pourras avec un peu de chance ou de culot décrocher un second rôle d’ assassin ou de méchant. Etc.

Je veux dire que l’on n’est pas obligé de suivre le premier programme qui traine sur les écrans de télévision. On peut faire preuve d’un peu de créativité. Et même ne pas posséder de télévision du tout.

On peut aussi se ficher totalement de toutes ces choses. Et par opération alchimique du hasard avoir soudain perdu toute illusion, tout désir qui ne nous appartienne pas en propre. Donc se trouver tout à coup serein, simplement heureux de vivre au contact de la réalité de tous les jours. Sans avoir même besoin d’en demander plus. Etre simplement content de ce que l’on a. S’émerveiller d’une couleur, d’une lumière, d’un visage inconnu, et tout cela sans même éprouver le besoin de le dire, de l’écrire. En le vivant dans une immanence perpétuelle sans même y penser.

Je crois que le véritable extraordinaire, la vie la plus authentiquement mystique qui soit , se cache dans ce genre d’existence que nous jugeons à priori banale voire insignifiante tellement nous sommes dans une erreur d’appréciation entre ce que nous nommons beaucoup trop par paresse ou habitude : réalité et imaginaire.

Encore qu’il ne faille pas l’ébruiter de trop car même cela finirait tôt ou tard par devenir un autre mot d’ordre, un nouveau slogan. Une nouvelle nappe d’huile.

Je voulais parler d’intégrité

diapason trouvé sur le net.

Lorsque quelqu’un me ment ou se ment à lui-même devant moi j’éprouve aussitôt le besoin de m’en écarter. La plupart du temps désormais par un sourire, un silence. Autrefois c’était différent j’entrais dans des colères soudaines autant qu’ incompréhensibles pour les autres comme d’ailleurs pour moi-même. Plus jeune le mot qui me venait confusément pour expliquer ces colères était l’injustice. Je pensais qu’il était injuste que l’on me mente ou que l’on se mente ainsi à soi-même en me prenant comme complice ou témoin. Ou encore que l’on m’imagine ainsi simple d’esprit. Mais l’injustice est trop proche d’une idée de morale. Je crois qu’il s’agit beaucoup plus de fausseté au sens musical de ce terme. Mon oreille repère un couac, une fausse note et cela me met en rogne. Voilà la vérité. Et c’est d’autant plus étonnant que, personnellement je ne me considère nullement musicien. Il s’agit sans doute bien plus d’ une discontinuité dérangeante, perturbante dans un continuum de mots, de gestes, d’émotions et contre quoi quelque chose provenant du tréfonds de moi-même se heurte tout à coup. Et dont à ces moments là, vraisemblablement, je ne sais que faire, que penser, qu’éprouver, sinon que l’on m’impose ainsi un laisser-aller, un manque de respect, une certaine forme de vulgarité.

Lorsque je repense à ces colères d’autrefois sans doute n’étaient-elles dues qu’à la crainte ressentie par anticipation d’être moi-même pris la main dans le sac à fausser une vérité. Ce qui ce sera produit assez régulièrement et ce depuis l’enfance. Si j’essaie de trouver une raison à ce comportement– cette fabrique permanente du mensonge– je dirais que non seulement je ne disposais que d’un sens moral assez limité et que de plus je me suis toujours méfié de toute vérité brandie comme prétexte ou comme dogme. Car, dans le fond des choses, qui donc sait la vérité sur quoique ce soit. Personne. Certains pensent qu’ils sont dans une vérité et voilà que lorsqu’ils veulent l’exprimer ou pire l’imposer aux autres — ils se trompent ou trompent l’autre. Assez souvent à profit– c’est qui est insupportable d’autant plus. Et en plus nombreux sont-ils qui y croient dur comme fer. Ils invoquent même la loi si besoin. Mais qu’est-ce que la loi aujourd’hui ? Ce qui les rend souvent ridicules ou inquiétants. Alors que si l’on prend l’habitude d’élaborer des mensonges consciemment– autrement dit des fictions, je crois qu’il est possible, avec le temps et beaucoup de patience, d’obtenir une bien meilleure oreille. Non pas une vérité mais un sens amélioré de l’ouïe.

Maintenant il faut choisir le lieu. Ce ne peut-être dans la vie ordinaire évidemment. Elle est déjà bien trop dure à vivre — sans , qu’en plus l’ on se rajoute des complications supplémentaires. C’est probablement l’écriture qui est le lieu par excellence, l’atelier, le laboratoire. On prend un mensonge on l’explore de fond en comble et ce n’est pas rare qu’au bout on n’éprouve pas enfin un peu plus la sensation de cette fameuse justesse. Et ce n’est pas une affaire d’idées, pas plus que d’émotions, pas même d’organisation. C’est juste une façon de dire les choses je crois. Un ton. Je veux dire que personnellement je sens immédiatement si un texte est juste ou faux à l’oreille. Comme autrefois les paroles. J’en perçois l’écart sur la portée. Mais je ne me mets plus en colère. Un sourire, un silence. J’éprouve même parfois une étrange gratitude de tomber sur ce genre de textes qui ressemblent tellement aux miens. Cela me permet de me relire d’une certaine manière moi qui ne me relis que très rarement. Cela me fait réfléchir. comme quoi l’humilité aussi peut arriver ainsi par l’ouïe. Autrefois on parlait de l’entendement, ce n’était pas si bête. Pas bête du tout.

Le mot intégrité tourne en boucle dans mon esprit depuis plus d’un mois. J’avais bien l’intention d’écrire sur cela aujourd’hui, mais bizarrement voici que c’est la justesse qui vient se coller à sa place. Je cherche le lien… j’écoute le silence qui surgit après ces mots. Est-ce que ça sonne juste ou faux je n’arrive pas à l’entendre encore. Mais c’est dans la régularité aussi que l’on apprend à entendre n’est-ce pas. Que l’on devient aussi un peu moins sourd surtout à soi-même.

peindre grand écrire court

hier vu un documentaire à propos de l’artiste Julian Schnabel. réflexion à propos de la taille gigantesque de ses tableaux. ça en met plein la vue. déjà relevé cela en photographie lorsque l’on passe d’un format carte postale à une affiche de métro. la démesure comme marque de prestige. comme signe caractéristique de l’œuvre d’art dans le domaine pictural. De nos jours. et à l’inverse et d’après les statistiques aperçues sur mon blog l’intérêt de plus en plus accru des lecteurs pour les textes cours au detriment des plus longs. Donc dans une exposition se perdre dans la vastitude mais pour lire il faut que cela soit bref. Peut-être la raison de l’intérêt des blogs poétiques. l’attention au texte, à une mise en page, à son aération. Surtout pas trop long car aussitôt synonyme de chiant.

peut-être aussi puis-je trouver là une sorte de non résistance de ma part, le fait d’être moi-aussi emporté dans la même vitesse pour écrire ces textes, négligent souvent orthographe grammaire et ponctuation. la résistance , le point névralgique de celle-ci serait donc d’apporter la plus minutieuse attention à toutes ces choses, au contraire, tout en les circonscrivant dans des formats brefs.

idem pour cette histoire de lecture à haute-voix. lire des textes cours. ne pas s’engager dans du long cours dans un livre entier. il y a aussi une forme de résistance chez le lecteur à ne pas vouloir se faire alpaguer. De désirer en toute liberté choisir son moment. Donc donc donc. c’est encore cette histoire de format qui est reposée sur la table. quel format pour quel type d’utilisation. proposer des formats sans les imposer. pas bien clair. exemple Youtube qui tient compte justement du manque d’attention pour sans cesse proposer de nouveaux contenus pour alpaguer l’auditeur. Dans ce cas encore une fois la nécessité d’un espace privé où les gens seraient libres de choisir à quoi ils désirent accéder. Par la notion d’abonnement redonner une responsabilité à ceux qui en sont finalement dépossédé par tout un système. peut-être qu’en étudiant une telle piste me sentirais-je mieux moins honteux ou coupable de faire payer un abonnement. Il faut que ce soit utile que cela engage une responsabilité de part et d’autre. comme pour les cours de peinture.

lire à haute voix

divers essais de lecture à haute voix ces derniers jours me laissent sur le flanc quand je mesure à nouveau la quantité de travail à fournir afin que le résultat ne soit pas d’un ridicule achevé. Mais je peux me déclarer au moins content de cette prise de conscience, sans laquelle aucun point de départ digne de ce nom ne serait envisageable. Sans laquelle je continuerais à patauger à l’intérieur de mes propres illusions. Avant de lire à haute voix il apparaît nettement qu’il faille d’abord lire le plus silencieusement possible le texte que l’on désire restituer. Par exemple les premiers mots de la confusion des sentiments-– livre que je ne cesse de lire et relire depuis une bonne semaine désormais — et que je pense comprendre à première lecture mais qui devient de plus en plus retors au fur et à mesure où je reprends chaque page chaque paragraphe chaque phrase et même chacun des mots. C’est bien là le même écart toujours que j’y perçois de la même façon entre les mots que j’écrirais dans un premier jet et leur relecture quelques jours semaines années plus tard. Avec la question lancinante : que cherche vraiment à dire l’auteur, le personnage et ce que j’en comprends vraiment moi-même dans l’immédiateté d’une première lecture : à vrai dire pas grand chose de réel. force est de constater que l’on croit bien plus comprendre que l’on comprend vraiment. et si cela se produit de cette façon pour un livre qu’en est-il de toutes les interactions d’une seule journée. Sans doute que le réflexe ancien qui m’entraîna à noter sur des carnets le récit de mes journées, au fur et à mesure qu’elles s’étaient écoulées doit avoir une relation intime avec le doute d’en avoir saisi quoique ce soit de réel justement.

Trouver le ton est une chose mais il en est une seconde, plus insidieuse si on n’y prend pas garde. celle de se trouver en mesure de conserver ce ton durant plusieurs paragraphes, plusieurs pages, un livre entier. Et il semble que ce n’est pas tant une affaire de souffle qu’encore une fois une compréhension intime du texte. Parvenir à retrouver le rythme de l’auteur au moment même où les phrases naissaient dans son esprit s’écrivaient sur le papier. Et donc je peux déjà percevoir qu’il existe deux types de lecture à haute voix. Une qui s’emparerait d’un texte afin de se mettre en avant, une lecture narcissique, et une autre plus humble plus terne plus servile qui se mettrait au service du texte tout simplement sans avoir besoin d’effet, d’en ajouter. Je me suis mis à songer à l’acteur Michael Lonsdale. De mémoire il me semble qu’il fut un des seuls à toujours conserver une intégrité de lui-même quelque soit le texte qu’il lisait et pourtant sans jamais produire le moindre effet, la moindre manifestation d’une interprétation personnelle. comment est-ce possible c’est un grand mystère.

Sans titre

Travail d’élève sur la matière.

De quoi a-t’on peur vraiment sinon de perdre quelque chose que l’on considère important. Et si on se demande soudain ce qui est important vraiment, à part vivre, pas grand chose ne se place sur le même plan. Les gens qui disent: « je ne pourrais pas vivre sans une telle un tel, sans ceci ou cela » — ne l’ont pas expérimenté sinon ils ne seraient plus là pour en parler. Ils ne perdraient pas de temps à parler pour ne rien dire. Toujours s’ attendre à ce que tout disparaisse. Le conserver dans un coin de la tête et, en attendant, faire comme on peut pour sourire comme un idiot à toutes les promesses entendues. Rester ainsi « sociable » Ce que l’on possède ou ne possède pas. Mais a-t’on jamais possédé quoique ce soit ou qui que soit. C’est dans les rêves du matin que je peux le mieux voir toute l’illusion d’une vie. Quelques lueurs passent dans la pénombre, vaguement identifiables comme personnes, mais le plus souvent ce sont plus des caractères que des âmes. Et ces caractères ne sont constitués que de leurs non-dits en tant que personnes approchées. La durée de la vie si illusoire aussi dans ces moments étranges où il est possible enfin de percevoir tout ce qui se dissimule sous l’agitation. Chercher la sécurité autant que la détester. Paradoxe qui se résoudra aussi contre toute attente dans ces rêves du matin quand on saisit que l’on n’a pas besoin de ce mot. Une grande douceur, tendresse ? Et qui nous enlace du seul fait de la comprendre. Une sensation de douceur et de tendresse qui vaut tous les discours. Je prononce le mot mort avec un o fermé alors que j’entends certains qui insistent sur cette voyelle, la dramatise. Il y a mort et mort selon l’imagination qu’il nous conviendra d’en broder. S’écouter parler. Air connu. Mais plus encore s’écouter parler de la mort. Des fenêtres s’ouvrent, le froid et l’air frais qui s’engouffrent dans la pièce presque vide. Pas de Maitre pas d’élèves juste des êtres qui dorment plus ou moins profondément.

D’une pierre 7 coups (minimum)

Toujours des relations tumultueuses avec les groupes mais pas autant qu’avec moi-même. C’est pourquoi je m’efforce de temps à autre. Faire au moins une chose difficile par jour disait mon père et de préférence le matin. La participation à une exposition collective. La participation à un atelier d’écriture. Aller voir une exposition. Prendre le métro de Lyon. Aller au cinéma. Déjeuner ou dîner avec des amis. Il y a des jours où c’est possible et d’autres pas du tout. Mon épouse qui tout de même est psychanalyste rit. Et elle n’oublie pas d’ajouter tout un tas de choses que je ne dirai pas ici. Ces choses sont souvent justes. Mais je feins de ne rien entendre car je déteste la psychanalyse sauvage. Quand je paierai on verra je réplique. Donc j’étais parti pour écrire quelque chose d’important et voici que je l’ai déjà presque oublié. C’est dire ce que je pense de l’importance. Si, ça y est , ça me revient. Je voulais parler de l’accumulation impressionnante de signes qui surgissent soudain en moi et autour de moi ( mais n’est-ce pas la même chose?!) Concernant à nouveau l’importance des protocoles. Enfin retirons importance pour le moment, ça je sais que c’est moi qui l’ajoute pour faire le malin. Encore ce matin avec Jacques Roubaud qui pour sa promenade quotidienne établi un plan. ( je mets en bas de page la vidéo je ne vous la raconte pas) Oui on peut parler d’accumulation car ça arrive de tous les cotés en ce moment. Protocole par-ci, mode d’emploi par là, agenda, emploi du temps et toutes les occurrences possibles en relation avec le fait de ne pas rester les deux pieds dans le même sabot. Occurrences dont je me serais encore fichu il y a de ça moins de six mois. Mais six mois comme la touche finale, la pierre d’achoppement, le dénouement probable d’un processus de toute une vie pas moins. C’est à dire : se dire ce que l’on va faire avant de le faire. Rien de plus bête n’est-ce pas. Oui bien sur, sauf que non. Il ne s’agit pas de se prendre trop au sérieux dans l’élaboration de tels protocoles. Pas plus que trop à la légère non plus. Et c’est là toute la difficulté que je commence à résoudre, ouf. Tenir en équilibre entre gravité et légèreté voilà à mon avis l’essence de ce que je comprends d’une bonne marche à suivre. C’est à dire poser un certain nombre de choses d’actions de projets à faire, mais sans s’y attacher comme un âne bâté, et sans les bâcler comme des corvées non plus. Trouver le bon rythme le bon tempo le bon moud qui aide à traverser ainsi ne serait-ce qu’une seule journée, en passant d’une tâche à une autre, comme un musicien de jazz saute d’une grille à une autre. Ce qui signifie que cette découverte effectuée pour une seule journée, il est possible de la calquer pour toutes les autres de la semaine. Voire même de calquer la semaine. Puis pourquoi pas le mois tout entier. Je ne suis pas ici en train de parler de développement personnel ni de marketing, mais d’une apocalypse totale, absolue. Si on veut bien se rappeler de l’étymologie d’apocalypse évidemment. Ou sinon je ne suis pas contre les appellations « pierre philosophale »  » fontaine de jouvence » Ce qui grossièrement se résume pour moi de pouvoir passer d’une activité à une autre sans perdre la plus petite quantité d’énergie. Autrement dit encore: d’une pierre 7 coups puisqu’il y a autant de jours dans la semaine. Bien ceci étant posé reste à remplir la feuille, surtout à réfléchir comme la remplir. Et ce n’est surement pas une mince affaire encore qu’il ne faille ni le prendre trop au sérieux, ni s’en ficher comme de l’an 40. Tout un art quoi.

Lien vers la vidéo

Vide-grenier

6h du matin j’accompagne mon épouse à Saint-Clair du Rhône pour installer son stand au vide-greniers. Pendant que je fais la queue devant le parking j’allume la radio, France Culture une émission d’Alain Veinstein, une rediffusion de 2020. L’invité est Bernard Dufour qui a écrit un bouquin. Un journal qu’il a transformé en bouquin. L’homme m’est presque aussitôt antipathique. Ce qui est souvent le signe d’une résonnance avec des éléments personnels qui me sont honteux, intolérables. Il évoque la mort de sa seconde femme décédée d’un cancer. Se plaint qu’il ne puisse plus partager avec elle l’usage d’une vie sexuelle ou érotique, une vie « agitée » en raison de la chimiothérapie. Bien que je puisse tout à fait comprendre les tenants et aboutissants de sa plainte le fait de la rendre publique me gène. Et aussi me renvoie à Paris dans les années 90. De ce que j’avais à l’époque détesté ou refoulé quant à toute une population d’artistes réputés extrêmement fascinés par leur activité sexuelle. En plus c’était pour la plupart de vieux tromblons, ce qui donnait à ce genre de propos un aspect fortement libidineux- forcément dérangeant parce que ridicule- sous couvert de l’Art évidemment. Je repense à ces années, celles de la trentaine et me revient presque aussitôt ce malaise entre la découverte surprenante d’un coté puritain ou pudibond chez moi alors que je ne m’étais jamais gêné jusque là. Ce reflet d’une dépendance à la libido chez les vieux alors que je suis désormais devenu presque vieux aussi. C’est à dire à l’époque la crainte qu’on ne puisse donc jamais s’en défaire, qu’elle serait collée pour toujours à soi, aussi ridicule grotesque que cela puisse paraitre. J’ai écouté un morceau de l’émission, puis arrivé à destination j’ai déchargé les cartons avec mon épouse en laissant tourner le moteur en raison d’un problème de charbons toujours irrésolu. Il faisait froid, c’était encore la nuit. Nous étions garés à la porte C du grand gymnase où j’ai lu sur les murs sur une affiche, qu’une association d’archers existait. L’idée m’a soudain traversé de me renseigner. Toujours eu cette envie de tirer à l’arc. En photographie appuyer sur le bouton pile poil au bon moment m’obsédait. En peinture décocher la touche qui tue, c’est à dire qui sitôt qu’on la pose efface le peintre et fait surgir le tableau. En écriture dire ce que j’ai à dire en allant droit au but et découvrir que j’avais autre chose à dire que ce que je croyais avoir à dire. Puis le retour par la petite route départementale, toujours de nuit, la traversée de villages morts, de rues vides, de grandes étendues de pénombres, les champs alentours. Et enfin l’arrivée au parking à la même place qu’occupait le véhicule avant que nous partions.

Une erreur d’Edouard Levé.

visionné il y a deux jours une vidéo sur la réception d’un bouquin. « Inédits » d’Edouard Levé. Ce que j’en conserve en mémoire tourne en boucle depuis lors. Sorte de tâche de fond. Si tu veux faire un roman tu te plantes. Phrase que je trouve à l’instant même où je l’entends parfaitement exacte vu mes tentatives avortées dans ce domaine. Maintenant ce que j’en comprends est peut-être différent. Comparer ce que l’on comprend, revenir à la source et réfléchir. Comparer à l’intention de celui qui émet cette phrase. A sa vision personnelle de ce qu’est -pour lui- le terme littérature. Et aussi prendre en compte une notoriété, un parcours, des preuves qui l’autorisent à imposer cette vision. Se comparer à cela est une ineptie à priori. Et puis toujours l’idée d’écrire pour le « populaire » que l’écriture soit abordable comme la peinture le serait dans mon esprit. Ou dans ma volonté bizarre parfois qu’elle le soit. Alors que tout compte fait si je regarde assez froidement qui je suis je n’ai pas grand-chose de « populaire » justement. Et donc je me demande si certains ne sont pas tentés d’apparaitre ce qu’ils ne sont pas, c’est à dire vouloir écrire des fictions, des romans pour avoir l’air. Peut-être est-ce un peu ce qui serait reproché à Edouard Levé ici. C’est que n’est pas populaire qui veut seulement l’être. Un London, un Mark Twain, un Dickens, peuvent être classés dans cette catégorie des écrivains populaires. Voire Maupassant, En fait tous les écrivains qui ont écrit des histoires pour gagner de l’argent et se nourrir, Balzac aussi écrivain populaire. Zola sans doute moins, étrangement, à part quelques uns de ses ouvrages les plus connus. Mais ils ont quelque chose de plus que ce qu’on pourrait appeler populaire aujourd’hui. Ils ne prennent pas le peuple pour un ramassis de crétins. Leurs récits si simples sont-ils en apparence, partent d’une pensée souvent profonde, et d’une expérience vécue. Alors que la fiction pour la fiction n’est souvent qu’un jeu d’esprit sans vraiment beaucoup de substance. Je me souviens par exemple avoir mis du temps à lire Calvino autrefois, et bon nombre d’auteurs du même genre–Notamment Borges. Trop intello, trop philosophique, trop ludique. Carver me correspondait beaucoup plus dans le genre populo. Oui mais justement c’est tout le contraire du populo Carver. Sauf qu’il s’appuie sur le réel. Grande différence avec la création de pays étranges, fantastiques, de villes improbables. Donc si tu veux écrire un roman ne cherche pas à écrire un roman. Ecris des textes au jour le jour, appuie toi sur la réalité. Prends des notes, exerce-toi à composer des listes de mots, à prendre une locution et l’épuiser. Travaille le fragment. Et ensuite relève les manches et pose-toi la question de savoir comment assembler tout cela. Grande chance que tu tombes sur un roman déjà écrit sans le savoir. Ou du moins son corps, sa substance, sa trace. Que ça devienne ensuite publiable est une toute autre paire de manche, mais ne pars plus bille en tête à vouloir écrire « un roman ». Ne commets plus cette erreur. Et pas la peine pour autant de te rendre vers les olibrius de l’olipo, ni de t’agenouiller devant Perec toute déférence gardée vis à vis de son travail. Reste toi.