
« Comme il faut de la patience avant d’émettre un son juste », se disait le vieux Rahim qui tentait d’accorder sa guitare aux mécaniques rouillées.
Une fois encore on avait eut pitié et la rue s’était concertée pour l’inviter à sa table, dans le cœur de Téhéran, chez Monsieur Beruzi, pour l’anniversaire de sa seconde fille.
Dans la cage accrochée à la fenêtre le pinson s’agita quand il fit grimper la chanterelle aux abords de la rupture. Enfin il plaqua un accord pour vérifier que tout était en ordre, enfila sa veste puis sortit de la petite chambre pour rejoindre la rue.
C’était le soir et la lumière adoucit par le sable qui flottait dans l’air jetait sur les parois de pisé du quartier des tons chauds. Une odeur de bergamote descendait du ciel et ça et là des femmes finissaient par se confondre dans les ombres encore tranchantes.
Rahim venait d’avoir 60 ans, il était conducteur de taxi quelques mois auparavant , et puis il y avait eut l’accident dans lequel il avait perdu son épouse ainsi que 3 amis qui se trouvaient derrière, une hécatombe aussi soudaine qu’idiote .. le véhicule qui l’avait embouti était conduit par un jeune homme qui conduisait trop vite et qui n’était pas encore au fait des règles de conduite de la ville. Tué sur le coup également.
Les gens du quartier l’avaient pris sous leur aile et l’invitaient régulièrement quand l’occasion se présentait non parce qu’il était un grand musicien, mais simplement par compassion et aussi pour honorer le souvenir d’Azadeh son épouse.
On en profitait alors pour lui demander si tout allait bien chez lui, on lui proposait de nettoyer son linge, Azar, la femme qui habitait le rez de chaussée juste à coté lui réservait aussi régulièrement une portion ou deux de boulettes de viande d’agneau accompagnées de riz.
En tant que croyant, Rahim savait qu’il ne servait à rien de se rebeller contre la fatalité, et, s’il avait réussi à maîtriser peu ou prou la colère qu’il avait éprouvé contre le mauvais sort rien n’empêchait la tristesse. Peu à peu il se résignait et même sa guitare qui, autrefois lui apportait la joie sonnait faux car le cœur n’y était plus vraiment. Depuis la disparition de sa femme tout allait à vau l’eau y compris son gout pour la musique.
Quand il arriva à la maison des Beruzi, ce fut Anahita qui l’accueillit avec un bon sourire..
Ah comme tu es belle alors dis moi c’est bien ton anniversaire , quel age as tu aujourd’hui je ne me souviens plus trés bien , 10 ? 11 ans ?
12 ans Rahim 12 ans ! et elle le débarrassa de sa veste et l’invita à entrer dans le grand salon ou déjà un grand nombre d’invités se tenait.
Quand il lui fut proposé de prendre sa guitare Rahim pinça à nouveau les cordes pour vérifier l’accordage de son instrument.
Il n’eut pas à retoucher les mécaniques cette fois.
Heureux soudain parce qu’il imaginait Azadeh à ses côtés il ferma les yeux et commença à jouer.
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