67. Notule 67

Asger Jorn Droit d’aigle

Moins c’est compréhensible mieux c’est. De toutes façons chacun ira de sa propre interprétation comme d’habitude. Et puis quelle fatigue, le sourire a creusé de telles rides… des pattes d’oies ou plutôt les empreintes d’un mammouth laineux dans un atelier rupestre de colifichets en coquillages.

Pour un peu je me flanquerais tout nu pour aller me frotter contre la toile et donner des coups de cul et d’autre… mais ce sera toujours un cri muet. On ne sait pas si ça chante hurle pleure ou crie.

Ça échappe au relief, à la cartographie, une ignorance totale de toute géographie.

Des années à vouloir comprendre jusqu’à ce que ça choisisse enfin de renoncer.

Ça ne s’explique pas voilà tout, c’est raide. Ça marche en parallèle sans jamais qu’on le croise. Et sitôt qu’on a une impression familière on peut être sur d’être à côté.

Mais ça se comprend qu’on puisse peindre avec du sang du vomis de la merde. Rien de plus personnel au bout du compte. Et ça ne relève vraiment pas le personnel c’est une certitude. Mais bon les domestiques ne sont plus ce qu’ils étaient non plus. Il faut faire avec ou sans, comme on peut surtout.

Et puis j’ai vu les dégâts très jeune, maître jacques au Musée du Louvre. Des cabinets bouchés en pagaille par des tampons hygiéniques et fortuitement de maquillage.

Et à côté de ça le Pierrot Gilles de Watteau stoïque, avec moi comme âne dans l’angle en bas à gauche.

Cet œil larmoyant mon Dieu !

Une longue vérification sans plus.

66. Notule 66

Christian Dotremont et Asger Jorn “ un visage suffit à nier le miroir”

Tenir la sauvagerie en laisse. Comme une vieille chienne ou une petite salope, la laisser. L’observer, un tantinet voyeur, quand elle hume renifle ou lèche. Voir le sens à l’œuvre sans mouffetter.

Puis emprunter je ne sais quel conduit ou drain, se le planter de sang froid dans une veine. Sentir le fluide remonter jusqu’à l’aorte. Écouter les dégâts que tout ça produit, spasmes et tremblements. Mais tenir toujours.

Se créer un vaisseau à la dure.

Tenter de donner du talon ensuite pour faire décoller tout ça dans une légèreté de plume.

Sans y penser. Lâcher du lest.

L’effroi provoqué par cette sauvagerie, vivace, tentant.

Le voir diminuer avec l’altitude. Créer encore. A partir des vastes champs de terre grasse on parvient à scruter de petits mouchoirs de poche.

Essuyer ensuite ses larmes de crocodile.

—Vous n’avez pas le droit de dire chienne et salope, biffez !

Rigolade !

—C’est justement pour ça que je le prends il faut appeler une chatte une chatte , ne stoppez pas la chute ! pas plus que les efforts d’ascension merde !

Ils sont tous repartis sauf elle. C’est pas demain la veille que nous romprons ce lien.

Il en va tout autant de l’hiver que de l’été, les intersaisons ont des contours plus flous. Je les relègue à l’arrière plan pour le besoin du tableau.

La sauvagerie en laisse. Il y en aura pour tout le monde, poussez pas.

Et puis ici on ne pratique pas non plus la folie des soldes. Pas besoin de vous ruer ni vers l’entrée ni la sortie.

Ici les sentiments, l’émotion ont un goût d’hostie. Je veux parler du carton bouilli.

Il n’y a rien à vendre qui ne soit pas aussitôt affiché hors de prix.

Ici y a que le cœur étranger dans son pays de vaches.