Devenir

Dans les couloirs encore ça me remonte  » qu’est ce qu’on va devenir »

Cette perpétuelle inquiétude expulsant tout du présent comme du passé,

cet élan pour s’extraire des tranchées du présent

Pas de petit coup de gnole non, juste un qu’est ce qu’on va devenir

et ça repart

comme en 14

On ne peut pas savoir

et c’est bien fait

on ne peut pas savoir qu’à force de cavaler au feu des lendemains qui chantent ou pas

on abrutit l’avenir

on l’étouffe dans l’oeuf

bien proprement

Qu’est ce qu’on va devenir

c’est un peu qu’est ce qu’on a été

c’est déserter.

Tout est déjà fini

Et en même temps comme un puzzle à l’envers

toutes les pièces

une à une

voltigent lentement autour de l’espace de la toile

ou dans celui-ci

avant même d’avoir donné le premier coup de fusain, de pinceau.

Tout est déjà fini comme rien ne l’est vraiment.

Grattement de l’occiput, nerveux,

à s’arracher les derniers cheveux qui me resteraient encore

s’il ne faisait beau.

Si tout à coup

j’ouvrais en grand la porte de l’atelier

et que je me tienne sur le seuil à respirer à pleins poumons.

Il fait beau, oui comme jamais, comme toujours

quand on touche du doigt le silence,

au delà des désordres apparents et des ordres aboyés, implorés.

Je m’en fiche de la surface blanche

elle n’existe pas plus que la main qui s’élance

vers l’au delà d’ici.

Je m’en fiche de m’en foutre en prime, en sus,

je nage le regard perdu dans le bleu

sec et froid en tirant lentement sur ma tige.

Je m’en fiche qu’hier tout à commencé

demain tout sera fini

je m’en fiche je suis bien là

j’en suis sur désormais

quoiqu’il advienne et bien sur

il adviendra

des jours de chien, des jours de loup,

des jours aussi entre rien et tout

comme d’habitude

Je m’en fous tout est déjà fini

Il ne manquait plus que moi comme seule ombre au tableau.

Je m’en fous que tout soit à recommencer tous les jours

De jouer des coudes des pieds pour naître

Tout est déjà fini

juste le temps de fumer une cigarette

si rapide si brève

que tout est encore à oublier

que tout est encore à réaliser.

tout est déjà fini m’a dit l’ombre d’un merle sur la branche d’olivier

cet hiver.