Créativité et Serendipité

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Lorsque l’on parle des  » créatifs », à quoi pense tu immédiatement ? Est ce que tu n’es pas en train de penser à ces personnes stressées qui boivent des litres de  café, fument comme des pompiers, s’agitent dans tous les sens de façon apparemment désordonnées? Tu les vois peut-être aussi se prélasser sur un divan pendant des heures en ayant l’impression qu’ils ne fichent rien ? Ou alors tu as des images de grandes salles open-space avec des types qui jouent au baby pendant que d’autres ont la tête dans leur écran les yeux explosés et une barbe de 3 jours? Voilà quelques clichés concernant la créativité. Quand à la définition que donne par exemple Wikipédia : « La créativité décrit — de façon générale — la capacité d’un individu ou d’un groupe à imaginer ou construire et mettre en œuvre un concept neuf, un objet nouveau ou à découvrir une solution originale à un problème. Elle peut être plus précisément définie comme « un processus psychologique ou psycho-sociologique par lequel un individu ou un groupe d’individus témoigne [d’imagination et] d’originalité dans la manière d’associer des choses, des idées, des situations et, par la publication du résultat concret de ce processus, change, modifie ou transforme la perception, l’usage ou la matérialité auprès d’un public donné[réf. nécessaire]. » Elle croise notamment la créativité individuelle avec la sérendipité ; l’aptitude à utiliser des éléments trouvés alors qu’on cherchait autre chose. Opérationnellement, la créativité d’un individu ou d’un groupe est sa capacité à imaginer et produire (généralement sur commande en un court laps de temps ou dans des délais donnés), une grande quantité de solutions, d’idées ou de concepts permettant de réaliser de façon efficace puis efficiente et plus ou moins inattendue un effet ou une action donnée… » La créativité, tu l’as compris, doit avoir un but ! Et c’est là que l’on peut discuter des raisons pour lesquelles tu hésites à peindre par exemple car tu te demandes aussitôt dans quel but ? Est ce que c’est parce que ça te détend de peindre ? Est ce que tu penses que tu as du talent et que tu vas pouvoir vendre des tableaux ? Est ce que tu as parié avec toi-même que tu étais capable de réaliser des tableaux ? Est ce que tu crois que tu es un génie et qu’il faut quand même que tu offres au monde quelques preuves de celui ci ? Et du coup je peux te poser une question ? Et si la créativité était une fonction naturelle que l’on retrouve aussi bien chez l’être humain, la plante et l’animal ? Et si la créativité c’était l’art de jouer avec les circonstances de la vie ? Et si en peinture il suffisait d’oser faire confiance à sa main et à ses yeux pour être créatif ? La sérendipité  toujours d’après Wikipédia : « La sérendipité est le fait de réaliser une découverte scientifique ou une invention technique de façon inattendue à la suite d’un concours de circonstances fortuit et très souvent dans le cadre d’une recherche concernant un autre sujet. La sérendipité est le fait de « trouver autre chose que ce que l’on cherchait », comme Christophe Colomb cherchant la route de l’Ouest vers les Indes, et découvrant un continent inconnu des Européens. Selon la définition de Sylvie Catellin, c’est « l’art de prêter attention à ce qui surprend et d’en imaginer une interprétation pertinente »1. En France, le concept de sérendipité adopté dans les années 19802, prend parfois un sens très large de « rôle du hasard dans les découvertes3 »Alain Peyrefitte avait fait un usage sans rapport du conte oriental Voyages et aventures des trois princes de Serendip de Louis de Mailly en 1976, dans Le Mal français. Sa généralisation a fait l’objet de remises en cause, le hasard intervenant toujours, par définition, dans une découverte ou une invention. On ne peut connaître que ce qui existe déjà, et le sentiment à la vue d’une chose nouvelle se confond aisément avec la surprise d’un événement fortuit. D’un autre côté, on ne trouve jamais que ce qu’on est préparé à voir. Parmi les nombreux exemples de découvertes et inventions liées au hasard, figurent notamment le four à micro-ondes, la pénicilline, la dynamite, le Post-it, le Téflon, l’aspartame, le Viagra, ou encore le super-amas galactique Laniakea. L’existence de la sérendipité est un argument fréquent dans le débat public pour défendre des options d’organisations interdisciplinaires contre la tendance à la spécialisation croissante des champs qui résulte de l’approfondissement des recherches. Cet argument se trouve particulièrement à propos de l’organisation de la recherche4″ Alors pourquoi je te parle de sérendipité. Si tu débutes en peinture tu vas trouver que ce que tu fais est souvent moche et bon à jeter à la poubelle … parce que tu te compares à des tableaux connus. Si tu faisais abstraction de ce que tu connais tu verrais ton travail complètement différemment. Ensuite il faudra affronter le regard des autres mais maintenant, tu connais la musique, c’est pas bien grave n’est ce pas …?

Laisser la place à la créativité

Elle est là, silencieuse assise sur un banc dans le grand hall de cette gare, la nuit. Depuis l’extérieur une odeur d’égout provenant de la rivière Uruméa pénètre dans la salle. Il fait chaud et humide et je me sens seul en manque de tout. J’attends le train qui m’emportera vers cet ailleurs que je me suis inventé quelques jours auparavant. Le Portugal.

Un ailleurs qui m’extraira de l’ici. De l’insupportable ici désormais où je vis misérablement parce que je me suis inventé cette histoire de devenir écrivain. En attendant j’ai quelques heures à tuer encore et cette femme assise là sur le banc d’en face attire mon regard autant que j’essaie d’attirer le sien.

Mais elle lit. Un livre dont je ne peux voir le titre. Courbée sur elle même enfermée dans la lecture. Nous ne sommes que tous les deux dans la salle d’attente. Les volets des guichets sont clos. Un chien errant entre en courant et s’arrête net au milieu du vaste volume. Un animal à l’arrêt qui hume je ne sais quoi pour repartir aussitôt ventre à terre.

Quelle âge peut elle avoir ? Elle semble avoir dépassé largement la quarantaine. Vêtue de couleurs sombres les cheveux tirés en arrière laisse deviner quelques nuances grises et claires à moins que ce ne soit la lumière trompeuse du plafonnier. Immobile et fermée comme une urne une amphore qui ne peut qu’attirer le voleur que je suis.

Quel trésors recèle t’elle ? trésors sensuels, trésors de générosité, d’amour, trésors de silence et de regards ? trésors d’odeurs subtiles et troubles et sa peau sans doute salée par la mer Cantabrique toute proche est elle dure ou souple moelleuse ou amère ?

Je voudrais déjà m’emparer de toutes ces richesses que je fantasme ainsi dans ma solitude devant cette inconnue qui ne relève pas la tête de son livre. Quelle niveau de bassesse ai je atteint désormais pour cristalliser tous mes manques perpétuellement et à la moindre occasion !

Nous ne sommes que deux et le temps passe ainsi… des minutes longues et malodorantes dans la moiteur de la nuit basque.

Comment la regarder différemment, au delà de la sphère de mes manques. Comment m’extraire de mes manques. Arrêter d’y penser ou alors me lever et aller vers elle comme un idiot ou un fou ne serait ce que pour entendre le son de sa voix, apercevoir la lueur au fond de son regard ?

Mais non rien de tout cela je reste sagement assis là sur ce banc à ruminer et maugréer sur mon impuissance chronique. J’aimerais être ce chien qui sait humer l’air et sentir immédiatement lorsque sa place n’est pas ici. Je n’en suis peut-être pas si loin. Si seulement je n’avais pas cette propension à tout exagérer et à vivre ma vie comme un drame. J’ai baissé la tête pour me laisser aller vers le sommeil. Après l’ennui le sommeil. Encore une tentative d’évasion.

-voulez vous un gâteau ?

J’ouvre les yeux et je la vois debout face à moi qui me tend un beignet. Je dois avoir l’air totalement abruti. Nous rions soudain en même temps, c’est tellement bon. Oh oui tellement libérateur.

Non merci.

Et tout à coup je prends mon sac et sors de la grand salle. L’odeur m’attrape aussitôt et m’étouffe mais je veux voir la rivière qui coule là tout près. Voir les lueurs qui dansent à sa surface est devenu mon urgence. Un nouvel abandon encore que je ne comprends pas vraiment mais que je décide de suivre comme d’habitude avec cette légère pointe de regret. J’ai laissé la place. La gare entière à cette femme inconnue semblable trait pour trait à ce que j’imagine être ma créativité parce que je ne sais pas faire autrement toujours que du même de mille et une façons diverses et fatigantes.

Le petit sentier #7

Visualisation

On ne va pas se mentir, l’une des raisons sinon La raison principale pour laquelle certains d’entre nous ne parviennent pas à peindre une oeuvre nouvelle, originale, qui ressemblerait vraiment à ce que nous sommes à l’intérieur, c’est que nous ne savons pas visualiser ce qu’elle pourrait être.

C’est à mon avis le premier stade de l’humilité en matière de créativité. Prendre vraiment conscience de cette incompétence.

La plupart du temps nous bottons en touche en disant, « je ne sais pas », « je n’y arrive pas », « je ne sais pas trop où je vais » où encore  » faisons confiance au hasard »,  » partons à l’aventure on verra bien » et le résultat a toujours plus ou moins quelque chose de décevant si nous sommes vraiment honnêtes avec nous mêmes, car ce n’est pas nous qui avons réalisé l’oeuvre vraiment, c’est plus un coup de chance, un hasard justement et nous nous sentons « dépossédé » de quelque chose.

En même temps dans mon expérience de peintre qui a énormément compté sur le hasard j’ai énormément appris de choses sur le hasard lui même et sur la façon de se connecter à celui ci au plus près. Mais cela je ne l’ai pas fait en quelques jours, il m’aura fallu des années de travail.

Et s’il m’a fallu tant de temps je crois que la raison principale est une forme d’ignorance, de prétention ou d’orgueil avec son pendant immédiat, sa source, le manque de confiance en moi et la sensation perpétuelle d’avoir à affronter un vide mal déterminé, illimité.

Pour m’en sortir j’ai utilisé tout un tas de trucs de stratégies plus ou moins foireuses mais cela ne changeait rien à l’essentiel, d’où venait ce manque de confiance et comment le regarder dans le blanc des yeux vraiment.

Car c’est très facile aussi de dire « je n’ai pas confiance en moi » que ce soit à voix haute ou dans un continuel monologue intérieur, ça ne permet nullement de l’accepter vraiment, profondément. Donc la première chose à faire à mon avis c’est cela c’est prendre conscience vraiment de son incompétence, non pas comme un drame, une tragédie, quelque chose de honteux, de culpabilisant, mais plutôt comme un état de fait, un point de départ.

Une fois que l’on sait vraiment d’où l’on part il faut aussi se demander où on veut aller.

Cette question aussi prend parfois un temps dingue. En ce qui me concerne j’ai eu envie d’aller partout dans le domaine de la peinture, j’ai testé tout un tas de manières, de styles, de techniques, sans jamais me poser cette question essentielle de savoir où je désirais vraiment aller dans mon art.

Il s’en est suivi des quantités incroyables de tableaux, de dessins, de travaux plus ou moins aboutis qui sont restés longtemps dans les tiroirs ou sur les étagères de la pièce dans laquelle je stock mes tableaux.

Quand on ne sait pas d’où on part et qu’on ne sait pas où aller, dans n’importe quel domaine que ce soit, il est certain que l’on courre à la catastrophe.

Cette catastrophe elle est arrivée plusieurs fois sous la forme de dépression, de colère, de rage, toutes les manifestations de l’impuissance en somme.

Et puis à un moment donné la répétition devient fatigante alors on est obligé de se calmer de se poser et de réfléchir un peu différemment.

Une des clefs que j’ai pu trouver pour commencer à devenir constructif en peinture c’est la visualisation.

C’est à dire commencer à imaginer une oeuvre dans ses grandes lignes tout d’abord, selon un format, une gamme de couleurs chaudes ou froides, et puis peu à peu comme on tourne la bague de mise au point d’un objectif d’appareil photographique accroitre la netteté, la précision, le détail.

C’est quelque chose que tout le monde peut faire, que tout le monde fait même sans s’en apercevoir la plupart du temps, mais souvent hélas pour les choses négatives.

Nous sommes tout à fait habitués à visualiser les pires choses qui pourraient nous arriver, et c’est d’ailleurs sur cette faculté d’imagination que se fondent les assurances de tout poil pour nous attirer.

Au besoin les scénarisations de tragédie hypothétique peuvent aussi être employées à des fins de prévention dans le domaine de la sécurité routière, dans la sécurité des centrales nucléaires , dans le domaine bactériologique, dans le domaine politique également quand on veut nous faire peur par exemple avec « l’invasion des migrants » et ainsi obtenir plus d’électeurs en faveur de la « fermeture des frontières » etc, etc.

La visualisation n’est donc pas un outil qui nous est étranger. Cependant que nous ne savons pas le contrôler en notre faveur, à notre avantage.

Visualiser de mieux en mieux et à notre profit cela s’apprend, il y a des techniques de visualisation bien sur et l’on peut encore perdre un bon bout de temps à tenter d’aller chercher chez les autres ce que nous ne voulons pas chercher en nous-mêmes.

A mon avis si nous arrivons à comprendre la moindre ligne d’un livre c’est que nous avons déjà la connaissance de ce dont ce livre parle. Une connaissance intuitive la plupart du temps non analysée par la pensée, par le décorticage, et lire un livre nous permet alors d’effectuer comme une vérification et une synthèse de cette intuition première, une actualisation d’une très ancienne connaissance et qui peut désormais être verbalisée, utilisée.

Donc on peut avoir besoin de livres, de vidéos, de podcasts sur la visualisation pour tenter d’actualiser toutes nos connaissances dans la matière. Cela évidemment nous apportera une foule d’informations plus ou moins contradictoires les unes les autres et nous resterons encore bloqués. Car recueillir l’information ne suffit pas, encore faut-il savoir la trier, la classer, prioriser l’important l’essentiel, de l’inutile et ce non d’un point de vue général, mais de notre propre point de vue.

Cela demande d’avoir évidemment un point de vue sur la question… et comment en obtenir un fiable sinon en passant à l’action, en expérimentant ce que l’on croit avoir compris pour décider déjà si on a bien comprit et si cela nous apporte vraiment quelque chose.

Ainsi en écrivant le mot visualisation tout en haut de cet article, je n’avais pas du tout d’idée générale, je ne visualisais pas l’ensemble des idées de cet article, je n’ai pas fait de plan, j’ai fait comme d’habitude, en écrivant au fur et à mesure ce qui me passe par la tête.

Je vous l’avoue j’adore écrire comme ça, c’est la partie la plus facile en fait.

Mais quelle serait la forme de cet article si tout à coup je tentais d’en organiser les idées par ordre d’importance personnelle ? En cherchant quelques références sur le net sur ce qu’est la visualisation, en l’illustrant de photographies, de graphiques, de chiffres … en détachant chaque sous partie avec une police grasse qui attire l’oeil et révèle ainsi l’essentiel à celui qui a un regard exercé?

Est ce que vous le voyez cet article lorsque je vous en parle de cette façon ?

Bravo alors tu viens de comprendre ce que je voulais dire par visualisation.

Oui bon d’accord, mais concrètement comme s’y prendre pour peindre ?

Ok il y a plein de portes d’entrées et je ne vais pas les citer ici pour ne pas alourdir de trop cet article.

Je vais juste proposer un exemple.

Les poètes et la poésie en général est un très bon vecteur de visualisation pour peindre des œuvres d’imagination, il suffit d’ouvrir un livre ou de chercher un peu sur internet et trouver un texte qui nous fait vibrer et le lire à haute voix plusieurs fois, nul doute qu’ainsi ne se forme dans votre esprit des images, et mêmes des sons, comme une musique, qui pourraient alors devenir le support d’un tableau à venir.

Dans cet exemple le critère de réussite personnelle que vous pourriez alors décider c’est que le tableau vous procure le même type d’émotion que le poème, ou plus simplement si vous le placer à coté de celui ci relisez à nouveau à voix haute, et sentez si ça matche …

La visualisation est comme le sport il ne faut pas espérer courir un marathon quand vous n’avez jamais courru. Il faut s’y prendre progressivement, doucement, petit pas après petit pas. Le choix des formats sur lesquels vous désirerez de vous entraîner peu s’avérer aussi important pour ne pas vous « essoufler » et ainsi obtenir des résultats en accord avec le temps dont vous disposerez.

Si vous éprouvez des difficultés vous pouvez par exemple aussi commencer par placer un objet, un fruit, un légume que vous appréciez devant vous, le dessiner une première fois et le peindre en vous appuyant sur ce que vous voyiez. Cela vous permettra de réaliser une étude.

Puis ensuite prenez une nouvelle feuille, retirez l’objet et dessinez le de mémoire. vous verrez qu’il y a des liens entre mémoire et visualisation auxquels on ne pense pas toujours.

Une autre possibilité

En prenant un tableau d’un peintre que vous appréciez comme modèle vous le regardez attentivement puis vous créer un autre tableau personnel celui ci avec le meme jeu de couleurs que celui du modèle.. Et ensuite vous mettez les deux cote à cote avec un logiciel de montage

En espérant que ce petit article à propos de la visualisation vous apporte un peu de grain à votre moulin. Belle journée !

quelques sites parlant de l’union poésie peinture https://www.lesatamanes.com/article/peinture-et-poesie-jolie-histoire-d-une-relation-amoureuse

Celui de Christine, une de mes collègues peintre https://christine-nova-larue.art/

Celui de Laurence https://wordpress.com/read/blogs/61917905/posts/14552

Celui de Francine https://wordpress.com/read/blogs/22398941/posts/4894

Les héros de mon enfance.

Chez les grecs anciens qui n’étaient pas que des idiots l’art de la tragédie, du théâtre, mettait en scène des héros contradictoires afin de traverser la vaste panoplie des passions humaines de façon publique et surtout citoyenne.

Rien n’a changé vraiment depuis, nous n’avons guère fait mieux en matière de théâtre comme de cinéma ou de télévision , à part que la citoyenneté n’est plus ce qu’elle était du temps d’Euripide ou de Sophocle.. La notion de héros en aura pris un coup dans l’aile et je ne sais s’il faut s’en plaindre ou s’en réjouir, mais c’est comme ça.

Quand Zorro est arrivé sur les postes de télé noir et blanc de mon enfance c’était super facile encore de s’identifier à ce cavalier masqué qui maniait l’épée avec la même dextérité que moi le bâton. J’allais au garage d’à coté chez le pere Renard pour récupérer de grandes chambres à air de camion dans lesquelles au grand dam de ma mère je taillais de magnifiques « holster »à revolver avec ses ciseaux de couture afin de placer la carabine de l’homme à la carabine et qui alors n’était qu’un pauvre morceaux de bois emprunté sauvagement à la tonnelle de la maison. Puis il y eut les frondes et j’oscillais tour à tour entre les récits de héros bibliques et Thierry la Fronde pour parvenir au manche de pioche enfin lourd à manier comme les épées de croisés de Thibaud des Croisades.

Ce besoin, cet appétit insatiable de m’identifier ainsi à des héros me permettait ainsi de me créer un univers parallèle dans lequel j’explorais toute ma rage d’enfant maltraité tout mon désespoir aussi en étant à des milliers d’années lumière de toute idée de citoyenneté.

La notion de héros me permettait alors de combler le vide énorme que provoquait l’incompréhension, l’absurdité des comportements adultes que j’observais et qui souvent risquait de m’annihiler totalement . Devenir le héros de ma propre histoire c’était déjà admettre la possibilité d’une histoire finalement, c’était sans que je ne m’en rende compte un premier acte créatif poussé par la nécessité.

En grandissant les héros se sont fait plus discrets, ils ont fini par vieillir doucement, puis par disparaître peu à peu sans que je ne m’en rende bien compte car l’ingratitude est bien le propre de la jeunesse, n’est ce pas ?

Je les croyais définitivement morts, réduits en poudre au fin fond de l’oubli quand on regardant avec un peu de recul ma vie de peintre j’ai eu une intuition soudaine.

Dans le fond chaque tableau est un peu un épisode de Zorro, de Thierry la fronde, de Bonanza, ou de mission impossible Nulle doute alors que je fusse le descendant prodigue de tous ces pères putatifs.. bel éclat de rire lorsque j’ai effectué ce constat.

Oui le rire en premier car tout effondrement provoque cela , ce n’est que bien plus tard que le sourire est arrivé avec la gratitude et l’acceptation de soi.

Du coup je pourrais bien dédier une grande partie de ma production de mes débuts à ces héros du temps jadis car c’est grâce à eux autant qu’à moi-même que j’ai réussi à tenir la distance sans me fracasser vraiment pour de bon.

La source de la peinture

Dialogue sans parole
Détail en noir et blanc

Plus qu’une source, une soif. Rien ne s’écoule que l’envie de « Lui » donner parole par la couleur, la ligne,la forme. Il a fallu que ça disparaisse pour que ma peinture timidement d’abord commence à sourdre.

L’insatisfaction, le manque, l’excès, c’est « Son » mutisme qui me murmurait et si faible encore perdurait-il que je ne pouvais prendre ni crayon ni pinceau.

Il a fallu qu' »Il » disparaisse pour que j’éprouve encore la dernière  joie mortifère des nostalgies avant de sombrer une fois pour toutes dans l’acceptation, la résignation.

Je m’aperçois combien nécessaire aura été de renoncer pour justement m’y mettre.

Je ne peins pas dans la joie je peins pour « Lui » donner la parole, ce silence épais comme cri d’oiseau à l’aube.

Je ne peins pas par le chagrin de tous  ces rendez vous manqués de petites brunes rousses ou blondes qui ne sont jamais venues.

Je peins car si je ne le faisais pas « Il » serait muet aveugle et sourd. Bien trop présent, envahissant. 

Je peins pour le faire taire afin qu »Il » soit et rien de plus.