Creuser le dégout

Face au dégout, cette réaction animale vis à vis d’une situation, d’un évènement provoquée par l’extrême mauvais gout d’un aliment, d’une sensation qui nous traverse, la pensée ne sert pas à grand chose.

Si le dégout existe c’est qu’il a bel et bien une raison d’être. Nous n’y pouvons pas grand chose et même il serait dangereux de ne pas obéir au réflexe de fuite, de refus, qu’il provoque.

Encore faut il s’entendre sur ce qu’est le dégout pour chacun de nous. Les gouts et les couleurs, on le sait ne se discutent pas. Mais tout de même…

Dis moi ton dégout je te dirais qui tu crois être.

Je songeais à cela dans la chaleur moite d’un train de banlieue en fixant la peau laiteuse d’un bras de femme.

Juste une portion de ce bras, blanchâtre et parsemée ça et là de minuscules tâches de rousseur. Et à cet instant bien que le dégout soit là, que j’éprouve ce frisson particulier de répulsion, je n’ai pu me résoudre à quitter ce bras du regard.

Au contraire je me suis donné comme défi de creuser mon dégout pour comprendre de quel danger je devais urgemment me prémunir.

Etrangement ce bras laiteux me renvoya à un autre, un bras mat, musclé, sain, un bras autrefois aimé et qui servait d’étalon au bout du compte à tous les bras que je devais regarder désormais.

Mon dégout n’était là que pour renforcer le souvenir d’une absence. Quelque chose de perdu de façon irrémédiable dans le temps.

Mon dégout ne venait donc que de moi-même, d’une impuissance à accepter le temps qui passe , cristallisation soudaine sur un bras anonyme dans un train de banlieue de la somme de toutes mes inaptitudes.