95. Notule 95

Il y a cette contradiction, comme cette évidence que l’on ne veut pas voir et qui consiste à toujours vouloir se mettre en danger et de se plaindre d’un manque de sécurité. Ce qui provoque l’inertie. Et une attente du prochain coup de chien à venir pour remettre une pendule à l’heure.

Cela peut surgir de n’importe où et n’importe comment. Et c’est sans doute ce désir là précisément qu’il faut pointer du doigt.

Repousser le paiement d’une facture jusqu’à voir surgir un huissier et finalement payer bien plus cher que ce qui était dû. C’est totalement illogique et sans doute est-ce cette illogisme qui me plait comme une sorte de luxe unique que je pourrais m’offrir dans un monde où tout est cerné par cette logique justement.

C’est complètement idiot, c’est effrayant, cela peut même s’étendre jusqu’au monstrueux, au criminel, et cette peur se confond soudain avec le désir, jusqu’à l’épouser totalement.

Puis une fois la sanction essuyée comme un crachat, se remettre d’aplomb et durant un laps de temps souvent bref, prendre le taureau par les cornes, prendre des résolutions, tenter d’appliquer des règles qui ne tiennent jamais trop longtemps. Comme pour mieux se convaincre qu’elles ne tiennent pas ces règles, qu’elles ne sont que des placébos. Que le mal est au final incurable. Jouissance assurée, octroyée par ce verdict.

Le plaisir dingue de se faire mal ainsi. De transmuter le mal en bien pour faire la nique au commun, pour s’élever à la hauteur de je ne sais quelle divinité, à moins que la hauteur s’inverse à ce moment là précisément, pour devenir profondeur dans laquelle on finit par se paumer, avalé par un démon des gouffres. Explorer encore un enfer neuf …

Le plaisir de se perdre également. La joie féroce, sauvage de se lâcher, de s’abandonner au sort.

On ne peut pas savoir aujourd’hui où le chamanisme peut se loger. Certainement pas dans les lieux dont on parle désormais avec ce petit air entendu . Pas chez les amérindiens, pas en Mongolie. Le chamanisme dont je parle prend sa source à Barbes Rochechouart, ou entre la porte Saint-Denis et la fontaine des Innocents à Paris. C’est ainsi que j’ai commencé l’initiation certainement.

Et mon maître ne fut que le hasard.

Ce fut la seule façon de donner du sens au double-bind, à cette double contrainte, danger-sécurité que de marcher dans l’entre-deux. De me laisser bringuebaler entre les deux.

Des années de vertige, de répétitions jusqu’à pouvoir prendre conscience enfin du rythme. En s’égarant dans l’idée que celui-ci soit personnel puis de s’égarer encore plus loin en s’imaginant une connexion à l’ensemble du cosmos.

Et puis enfin voir l’effet du temps qui a passé, le constater dans la glace le matin. La peau des paupières qui tombent, un éclat moins vif dans le blanc de l’œil, l’effroi de la vieillesse et cette vulnérabilité soudaine.

Le renouveau des peurs comme le renouveau des astuces pour les dépasser.

Naviguer ainsi est aussi artistique que de réaliser un tableau. Et comme toujours, peu importe le résultat visible. Seul le mouvement parait réel, jusqu’à le devenir. Seule la relation entre la réalité et l’illusion est réelle. Tout le reste appartient à la catégorie du résidu.

Ou, pour me tirer une balle dans le pied, à la littérature.

Et si dans le fond je ne me trompais que de vocabulaire. Si au lieu de « danger » et « sécurité » j’utilisais les mots « attirance » et « répulsion », ou « inspiration » et « expiration »… ?

Alors tout ça finirait probablement par pénétrer dans une logique enfin universelle.

Et je serais comme tout à chacun enfin, consolé d’être réduit à une série de battements cardiaques, à une respiration du monde.

Ce serait la réduction ultime, autrement dit encore : être réduit à la merci.

Ou à la gratitude pour utiliser un mot à la mode.

Et là bien sur je ris.

Coté cour et coté jardin

Dans le vocabulaire théâtral, le côté cour désigne le côté droit de la scène, vu de la salle, par opposition au côté jardin, qui, lui, désigne le côté gauche. Ces deux termes permettent au metteur en scène et aux comédiens de communiquer plus facilement que s’ils parlaient des côtés « gauche » et « droit », qui varient selon l’orientation du locuteur. Les machinistes situés à la cour sont appelés « courriers », et ceux du jardin « jardiniers ».

En anglais côté cour = stage left (ou prompt side PS en abrégé) – car le souffleur (prompter en anglais) était traditionnellement situé de ce côté de la scène), côté jardin = stage right (ou opposite prompt side OP en abrégé). ( extrait de Wikipédia)

Cette expression permet de surmonter la confusion que peut apporter l’obligation du changement de point de vue en 1770 lorsque la troupe de la Comédie Française est installée dans « la salle des machines » du palais des Tuileries. Cette salle donnait à la fois sur la cour du Louvre et sur le jardin des Tuileries autrefois respectivement nommés la cour du Roi et le jardin de la Reine. C’est après la révolution Française que cette expression « coté cour et jardin » est désormais employée.

Avec le temps l’expression en est venue à désigner également les deux facettes d’une personnalité publique. Vie publique et vie privée.

On pourrait ainsi retracer l’origine du modèle schizophrénique qui désormais est devenue la norme de la société Française dans son ensemble et plus généralement de la société occidentale.

Ce modèle basé sur des observations cliniques dans le domaine psychiatrique lorsqu’il est question de personnes délirantes possédant une ou plusieurs personnalités qui s’opposent entre elles est repris dans les années 1950 et se résume par l’expression  » double contrainte » qui provient de l’étude des mécanismes des systèmes. Dès 1942 l’anthropologue Grégory Bateson participe à des réunions ( conférences de Macy organisées par la fondation Macy à New York) dont le sujet porte sur la théorie de la communication et plus particulièrement sur l’homéostasie ( comment conserver un équilibre dans un système en utilisant un facteur clé pour maintenir une valeur bénéfique pour le système dans son ensemble, par exemple le thermostat d’une pièce sert à maintenir une température donnée pour maintenir le confort des utilisateurs d’un espace)

Ces conférences déboucheront en 1948 sur la création d’une nouvelle discipline la cybernétique qui est l’étude des mécanismes d’information des systèmes complexes.

Gregory Bateson utilise cette base à laquelle il a contribué pour pousser la réflexion plus loin dans le cadre plus précis de la communication humaine. Il étudie alors le « paradoxe de l’abstraction dans la communication », puis il travaille sur « l’étude de la communication chez les schizophrènes ». Pour mener à bien ces recherches, il réunit une équipe au sein du Veterans Administration Hospital de Palo Alto. Elle est à l’origine composée de l’étudiant en communication Jay Haley, de l’étudiant en psychiatrie William Fry et de l’anthropologue John Weakland. Cette équipe publiera en 1956 Vers une théorie de la schizophrénie qui marque la première expression de ce principe de double contrainte

Cette nouvelle approche qui reste liée aux avancées scientifiques en matière de systémique sera ensuite désignée comme une école de pensée, on parlera alors de l’école de Palo Alto. Elle est donc issue du même projet que celui qui a permis de présenter la notion de double contrainte, et ces participants forgeront ultérieurement l’expression de la théorie systémique en sciences humaines et poseront les bases de la thérapie familiale.

Une double contrainte désigne l’ensemble de deux injonctions qui s’opposent mutuellement, augmentées d’une troisième contrainte qui empêche l’individu de sortir de cette situation. En termes de logique, elle exprime l’impossibilité que peut engendrer une situation où le paradoxe est imposé et maintenu. Ce schéma peut être identifié dans des domaines comme l’éthologie, l’anthropologie, la situation de travail ou la communication internationale

On le présente au niveau des relations humaines comme un ensemble de deux ordres, explicites ou implicites, intimés à quelqu’un qui ne peut en satisfaire un sans violer l’autre ; comme les obligations conjointes de faire et ne pas faire une même chose. Gregory Bateson l’exprime ainsi : « vous êtes damné si vous le faites, et vous êtes damné si vous ne le faites pas ». Une retranscription proposée est : Si tu ne fais pas A, tu ne (survivras pas, ne seras pas en sécurité, n’auras pas de plaisir, etc.) Mais si tu fais A, tu ne (survivras pas, ne seras pas en sécurité, n’auras pas de plaisir, etc.)

La double contrainte exprime donc le fait d’être acculé à une situation impossible, où sortir de cette situation est également impossible.

Commencer ainsi par évoquer un vocabulaire théâtral pour arriver à la double contrainte et au modèle imposé par la société actuelle révèle à quel point l’art de la manipulation aura pu faire des progrès depuis le soi disant avènement du Peuple en deux siècles.

D’ailleurs n’est il pas le premier à subir cette double contrainte dans la pièce de théâtre que la bourgeoisie lui joue sur la scène politique depuis des lustres ?


Quelle issue alors pour s’extirper d’un tel modèle ? Quelles solutions ?

La violence bien sur s’avance toujours en premier pour résoudre la plus petite difficulté. Cette violence que les politiques savent à la fois produire et manipuler à loisir en brandissant à loisir ce qui les arrange en elle continuellement.

La créativité est un autre moyen de résoudre les contradictions permanentes d’un tel modèle de société que celle ci soit philosophique économique ou artistique.

En résolvant cette contradiction entre coté cour et coté jardin à laquelle chacun de nous est confronté sans relâche dans l’observation des divers événements politiques, sanitaires, catastrophiques en général nous le savons désormais, nous pouvons désormais dépasser ce mécanisme de double injonction proposé par tout système de communication usuel basé sur le pouvoir et le profit.

Cela signifie d’être tout simplement entier et non scindé en deux parties lorsqu’on échange des informations entre nous. Cela signifie que l’on n’a plus peur non plus d’être pillé, violé, assassiné par l’autre qui utiliserait cette sincérité comme une nouvelle occasion de s’emparer des foules et de leurs âmes.

A mon avis le risque est grand de voir se déployer de plus en plus un paradigme qui prônerait d’autant la sincérité de ses membres qu’à seule fin de les manipuler plus habilement et plus sournoisement encore que jamais.

« Dites nous tout » serait le slogan qui permettrait ainsi de tout savoir sur chacun de nous pour nous vendre de façon de plus en plus ciblée dans une relation intime étonnante de synchronicité tout ce que nous pouvons espérer, désirer.

Nous avons dépassé le fameux big brother de 1984 depuis pas mal de temps, il ne reste plus désormais qu’à nous engager dans le Meilleur des Mondes celui qui, en même temps nous invite à comprendre qu’il sera bel et bien le pire.

Comment fabriquer des machos

Double bind à fond du genre je t’adore mais je te baffe parce que je t’adore et si je t’adore de trop je t’en remets une de plus. Variations Goldberg , Gnossiennes méandreuses douceur et intensité savamment dosées, prends moi laisse moi cours après moi ne me quitte pas.

Mais ne fais pas la vaisselle je m’en occupe, mais ne mets pas ton linge au sale tu n’y comprends rien, et puis ce n’est jamais le bon programme ça va encore déteindre, mais tu peux me planter un clou, me faire un baiser dans le cou, me taper un peu tu es trop mou,vas y oui prends moi ,arrête lâche moi.

Des ouragans de tendresse, de sensualité, de parfums suaves et lourds d’aisselles et d’entrecuisse, des cheveux doux comme des peaux de fruits et des dents acérées comme des épines de roses.

Je t’aime moi non plus.

je te desteste moi non plus

Tu penses à quoi est ce que tu penses à moi , tu ne penses qu’à toi.

Il faut se souvenir que la colère est le symptôme premier de la victime.

Tu te mets en colère donc t’es une victime.

Donc tu es calme, calme à tuer.

Tu laisses s’enfoncer dans le tréfonds les larmes et les cris absorbés par la surprise l’étonnement, puis l’habitude.

Tu tentes le rire

c’est encore pire.

Ne reste que le sourire d’acteur américain, de préférence cow boy avec un large chapeau.

Te voici arrivé au but te voici macho.