52. Notule 52

L’expérience est une chose, l’expérience d’une experience c’est autre chose.

On peut extraire des conjonctures de la première mais la seconde nous échappe.

Elle est en tant que principe, elle n’est pas un objet pas plus que rien. Cette évidence nous n’en prenons conscience que dans un présent où quelque chose s’absente, une volonté personnelle de “tirer profit” qui s’évanouit.

On ne peut rien en faire ni en dire qui ne nous apparaisse pas aussitôt erroné, voire stupide et en tous cas inutile.

Peindre un tableau est une expérience qui produira le tableau, mais l’expérience de cette expérience nous reste étrangère, comme une évidence qui nous aveugle.

Que le tableau soit réussit ou raté ne change rien à cet aveuglement. Et c’est peut-être lorsqu’on se dispense de ces deux mots, que l’on s’en délivre ou débarrasse qu’alors la sensation est pour nous la plus “vraie”

Il peut exister un plaisir simple de ne rien voir du tout.

Que cette volonté au dessus de notre volonté se laisse enfin percevoir de façon fugace.

Et que cette nécessité de fugacité s’oppose notre volonté de durée elles seront l’une comme l’autre tout aussi nécessaires

Il est nécessaire qu’une œuvre dure pour éprouver en même temps la fugacité, sans doute, de celle ou celui qui en est l’instrument.

Et que ces deux nécessités ou volontés, en apparence contraires, dansent dans le moment présent est un mystère pour toujours.

26. Notule 26

Travail d’élève sur le drapé.

Une chose me frappe c’est mon perpétuel malaise avec la notion d’autorité, celle que j’ai pu approcher dans ce que je considérais comme à l’extérieur mais qui forcément résonne avec la notion intérieure que j’ai de la véritable autorité.

Je crois que j’ai exploré beaucoup de formes de cette autorité. Des bonnes rarement, souvent de mauvaises.

Il n’y a que lorsque j’ai commencé à enseigner la peinture que je me suis trouvé sur un chemin valable menant à cette autorité intérieure. J’ai commis pas mal de bévues, évidemment. Personne ne nait enseignant. Et de plus l’expérience ne se transmet pas. Nous devons être notre propre laboratoire et tester sans relâche la notion d’opportunité.

Avoir la bonne remarque au bon moment. Plus on le cherche moins on le trouve au bout du compte.

Jusqu’à ce que l’on commette une somme d’erreurs suffisamment conséquente pour que ça vienne naturellement , spontanément, ou intuitivement.

Car l’intuition ce n’est pas un poulet rôti qui tombe du ciel.

C’est plutôt pas mal de patates à l’eau et, en cas d’urgence, se nourrir des épluchures.

La vie possède une autorité naturelle elle va ou elle doit aller et rien ne peut l’entraver si longtemps qu’elle ne puisse reprendre son chemin.

Le désir

Désirs et passions sont de tous temps des forces qu’il s’agit pour le philosophe de contrôler afin de pouvoir vivre sagement, utilement. Sont énumérées au fil des pages de manuels la cohorte des how to permettant à quiconque s’en préoccuperait de réfléchir sur la notion de désir.

Cependant que réfléchir sur le désir ne l’a jamais franchement calmé, en tous cas chez moi la réflexion n’a jamais apporté la plus petite amélioration dans ce domaine. Je dirais même au contraire, plus j’ai réfléchi dans certaines périodes troubles de ma vie, afin de contraindre, de contrôler, de juguler, le désir par la pensée plus celui ci s’est trouvé renforcé.

Sans doute que le désir n’a rien à voir avec la pensée du moins c’est le constat que j’ai pu en établir en final. Le désir est le moteur d’expériences à vivre, le désir est le vecteur de toutes les errances qui ont fini par me constituer.

En ces temps formidables que nous traversons, le terme de « mission de vie » devient de plus en plus fréquent et familier et j’avoue que pendant un temps j’ai pu adhérer à cette idée que nous venions nous incarner sur terre pour des raisons précises, pour être utile à je ne sais qui ou je ne sais quoi.

Mais ce n’était pas très honnête ni congruent avec mon expérience personnelle. J’ai donc fini par abandonner en majeure partie l’idée que j’avais à réaliser une « mission de vie ».

Je préfère mille fois le terme d' »expérience ». Je suis venu au monde pour expérimenter la vie, l’existence. N’est ce pas plus ouvert, plus désopilant, moins flippant somme toute que d’avoir à endosser une « mission » ?

Et ça me fait prolonger encore plus loin mon raisonnement sur l’individualisme forcené dans lequel nous nous enfonçons progressivement de plus en plus.

Je crois que c’est très bien comme ça d’expérimenter à fond l’individualisme si c’est pour découvrir, chacun de nous, en nous l’intérêt majeur d’un collectif vraiment utile à tous.

Le désir reste toujours insatisfait, car l’insatisfaction semble son fondement. Nous avons tenté de satisfaire par tous les moyens possibles et imaginable notre soif de satisfaction en lui proposant des objets tous plus divers les uns que les autres, que ce soit la religion, la guerre, le sexe, les objets de consommation et la télé réalité mais force est bien de constater que ça ne fonctionne pas.

Le désir nous propose de nous extraire de nous même pour aller quérir quelque chose à l’extérieur de chacun de nous. Le désir nous propose ce jeu d’aller résoudre des énigmes que nous portons en nous mêmes et que nous ne pouvons résoudre seuls.

Et, lorsque nous ne cherchons plus à l’extérieur, lorsque nous retournons, vaincus, las, défaits, combien de fois avons nous pu constater que ce que nous cherchions si ardemment se présente alors à notre porte en même temps que ce constat rigolo que nous n’en n’avons plus besoin.

En attendant dans cette formidable expérience du désir, de notre projection de celui ci dans le monde, nous avons traversé quelque chose de difficilement exprimable, mais que nous sentons d’une importance réelle.

Nous avons expérimenté la vie, un point c’est tout.