La seule peur qui mérite toute notre attention et dont toutes les autres peurs découlent c’est la peur de la mort.
Nous pouvons passer le temps en cherchant à nous le dissimuler cela ne la fait pas disparaître.
Nous pouvons également tenter de regarder le plus lucidement que nous le souhaitons notre propre fin, ce n’est qu’un souhait, accompli de façon consciente et cela ne fait toujours pas disparaître la peur » atavique » logée dans une partie reptilienne de notre cerveau, nous ne pouvons lutter de façon rationnelle contre l’irrationnel.
Je crois que c’est en cela intuitivement que je me suis dirigé vers des figures ambiguës, comme Janus, le moine taoïste ou zen, et bien sur l’Auguste qui ne cesse de se casser la figure sur la sciure des pistes de cirque.
Le point commun que je peux trouver à ces figures c’est qu’elles agissent dans l’immédiateté, seul lieu du choix vraiment qui relie le conscient et l’inconscient. C’est dans cette intersection, comme en croix et en son centre que se situe l’ineffable.
J’ai passé une vie entière à tenter d’élucider le mystère de celle ci en empruntant à chaque fois un angle me rapprochant de ces figures, de ces symboles en tentant de ne jamais perdre de vue leur duplicité.
Cela n’a jamais complètement annihilé cette peur de la fin, la fin de ce petit « je » qui ne cesse de se cogner contre les vitres de la réalité qu’il s’invente tout seul.
Alors il faut mourir vraiment, ou imaginer quelque chose qui lui soit similaire.
J’ai donc eu la chance de vivre plusieurs vies en une en imaginant pouvoir régler le problème, avoir de moins en moins peur de mourir, et parfois j’ai pu imaginer avoir résolu cette difficulté.
Mais c’est sans compter sur la part d’irrationnel qui ne se laisse pas apprivoiser si facilement par le raisonnement, ni par les épreuves traversées, ni même par l’illusion de l’anéantissement.
Au bout du compte cette part irrationnelle animal aura été à la fois la cause de mes échecs comme de mes victoires, de mes renaissances.
Je me suis interrogé sur la symbolique du messager des Dieux, le fameux Hermes, qui ne cesse d’effectuer des voyages entre les mortels et les immortels pour transmettre l’information.
J’ai voulu devenir Mercure, me liquéfiant en quelque sorte dans sa couleur et ainsi osciller d’un bout à l’autre d’un baromètre imaginaire juste pour éprouver les informations contenues dans le froid comme dans le chaud.
Evidemment l’attrait de la légende d’Hermes Trismégiste, celui qui est né (et donc mort ) trois fois ne m’a pas quitté à partir de l’instant où dans une bibliothèque de hasard j’étais tombé sur elle.
Concomitamment les livres sur Sumer, et la Mésopotamie n’étaient pas bien loin et je n’ai pas tardé à tisser des liens avec la légende de Gilgamesh lui aussi monté au ciel et redescendu.
Cette symbolique que l’on trouve également dans le personnage d’Osiris, puis plus tardivement dans les évangiles à propos de la mort et de la renaissance de Jésus m’a toujours intrigué.
Si le grain ne meurt il ne peut y avoir de blé.
Est ce pour se transformer consciemment, intentionnellement en une version améliorée de soi qu’il faille mourir, et pas une seule mais plusieurs fois ?
Ce serait bien s’il ne résidait toujours cette part irrationnelle qui ne cesse de murmurer toute notre ignorance face à la mort et qui produit dans le petit « je » des tracasseries insondables.
Tout organisme ne cherche qu’à se maintenir à l’équilibre disent les scientifiques mais qu’en est t’il vraiment de ce qu’on appelle l’équilibre ?
Est ce un équilibre semblable à un théorème et qui s’applique inconditionnellement à tous où bien avons nous justement à inventer notre propre notion de l’équilibre, celle qui nous convient parce qu’elle contient la part de déséquilibre nécessaire à conserver l’assiette envers et contre tout ? Rationnellement comme irrationnellement et « en même temps ».
Mon expérience de peintre me ferait plus pencher pour cette seconde définition de l’équilibre. Car ce n’est pas en posant de façon symétrique les taches de couleurs, les masses, les lignes que j’ai le sentiment d’obtenir un tableau qui me ressemble qui m’interpelle, qui me touche, mais bien plutôt en ajustant sur la surface plane de celui ci un déséquilibre voir même plusieurs.
Le constat souvent et que la somme des ces déséquilibres forment alors un équilibre inédit.
N’est ce pas finalement comme chacune de nos existences au cours desquelles tous ne cessons de mourir et de renaître à chaque instant, ne serait ce par la régénération des cellules de notre corps qui s’évanouissent puis reviennent sans que nous ne nous leur portions une attention particulière ?
Si l’on regarde n’importe quelle vie n’est t’on pas frappé à la fin par l’étrange beauté qui s’en dégage et ce par delà les drames, les catastrophes, les bons moments traversés ?
Chaque vie est un roman ou un tableau dans le fond et il se peut que si j’ai décidé un jour de peindre ou d’écrire c’est pour en témoigner à ma façon. De mourir aussi à la fin de chaque texte, de chaque tableau, de façon tout à fait symbolique pour que l’irrationalité de cette démarche à un instant T provoque » en même temps » le désir d’en finir comme celui de recommencer encore et encore.
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