J’ai déjà écrit plusieurs textes qui « tournent » plus au moins autour de cette notion de récompense, mais je voudrais explorer encore une fois un peu plus ce qui me vient à l’esprit en ce qui concerne l’artiste. Si la récompense est le propre du mammifère pour maintenir sa survie, quelle récompense alors l’artiste doit il rechercher pour maintenir l’intérêt pour son art ?
Je décèle deux grands types de récompenses possibles pour l’artiste.
Premièrement des récompenses provenant de l’extérieur, comme la flatterie, l’admiration, la félicitation, la reconnaissance de ses pairs, l’achat de ses œuvres , les propositions d’exposition qu’il n’a pas demandées, les prix octroyés dans les salons.
Deuxièmement des récompenses qui ne regardent que lui, qu’il s’attribue seul si je puis dire. Trouver un thème qui lui permettra d’exprimer une idée et de réaliser des œuvres « majeures », découvrir une nouvelle technique, et surtout prendre conscience de son évolution personnelle grâce à l’attention qu’il portera à cet art.
Dans aucune de ces deux voies que peut emprunter la notion de récompense je ne suis exhaustif.
Ensuite il convient je crois de comprendre quelles sont pour l’artiste les récompenses qui ne l’entravent pas. Je veux dire celles qui lui permettront d’évoluer, celles qui dynamiseront ses actions vers un but.
Encore faut-il connaitre son but.
Est ce la gloire ? la richesse ? la reconnaissance ? qui sont des buts liés à l’extérieur et où l’art n’est qu’un prétexte.
Est-ce le but d’améliorer sa compréhension du monde et de lui-même par la création, l’exploration de ses intuitions par ces œuvres avec la mécanique d’échecs et de réussites que cette voie comporte, tout comme la précédente.
Comment aborder l’échec d’ailleurs est un vrai sujet de réflexion pour un artiste tout simplement parce qu’il y a bien plus de « chances » qu’il n’obtienne pas de récompense rapide dans l’une ou l’autre de ces deux façons de l’aborder.
Je crois qu’on ne peut véritablement pénétrer dans l’art que par notre positionnement face à la notion de récompense.
Tant que notre motivation est soumise à des phénomènes extérieurs la flèche n’atteint pas sa cible. Je ne dis pas qu’un artiste ne peut pas réussir à obtenir gloire, richesse et reconnaissance. Je dis qu’il ne doit pas leur accorder de l’importance, que ce ne doit pas être le moteur de son travail. Cela ne fonctionne qu’un temps si on veut bien être honnête. Si cela perdure malgré tout, alors on ne parle plus d’art tel que je l’entends. On peut parler de show, de cirque, on amuse la galerie.
Sur cette seconde façon d’entrevoir la récompense que devrait rechercher tout artiste, les écueils sont tout aussi nombreux mais ils sont inhérents à ce chemin, ils ne dévoient pas l’ardeur. Au contraire je dirais que ces écueils la renforcent.
Considérer l’échec comme une source d’apprentissage et non une sanction du sort demande à l’artiste de s’extraire d’un point de vue collectif sur la notion d’échec.
Tout comme il est nécessaire également qu’il change son point de vue sur la notion de réussite.
Et j’ajouterais encore que ce dont il devra se méfier et refuser énergiquement c’est sa « réputation ».
Car cette réputation est aussi une récompense recherchée plus ou moins consciemment par les artistes. Or elle crée presque immédiatement une sorte d’avatar et le risque de confusion alors existe entre l’artiste et son avatar.
On ne devrait pas se soucier de cette réputation avant d’avoir atteint au moins 90 ans, lorsqu’on cherchera des sources d’amusement une fois tout le travail effectué.
Ou alors il faut être une sorte de puissance de la nature comme un Picasso capable d’assimiler tout ce qui arrive par ces deux voies de la récompense. Cependant il ne faut pas se leurrer Picasso « jouait le jeu » son égo était flatté mais ça ne l’a jamais empêché de poursuivre son œuvre.