La régularité n’est pas tout.

Quand le ridicule devient une évidence il y a toujours un moment où cette évidence replonge. La vie est un genre de cétacé qui a autant besoin de s’ébaubir d’air que d’ abyssales apnées. La régularité est le leitmotiv depuis 2018. Genre de mat auquel on demande à tout l’équipage de nous ligoter pour accéder au rocher des sirènes. Orgueil évidemment que de vouloir remonter à la source du langage, à l’incohérence magistrale qui fonde tout langage. Mais la répétition, l’habitude, la régularité de pratiquer le chant des sirènes, de les voir chaque matin se jeter du haut de leurs rochers, fatigue énormément, et surtout replonge l’être dans son bain d’ennui congénital. Il faut du temps pour lutter contre les béquilles que l’on se donne. Pour avancer. Pour saisir que le rythme de la régularité est un rythme mineur enfoui dans un rythme beaucoup plus vaste dans lequel l’inaction est reine.

Le rien faire dit aussi non agir cher aux bouddhistes n’est pas aisé à comprendre. On ne saurait l’attaquer de front sinon justement avec orgueil et vanité. Autant dire l’échec déjà compris dans la démarche frontale.

Il faut sentir le vent de l’inaction se lever en soi et ne pas si opposer. Ainsi on pourrait contrebalancer la régularité par des périodes d’inactivités afin de créer un équilibre vraiment digne de ce nom. Ce ne sont pas des vacances, pas des congés, ce n’est même pas une simple pause. C’est un retour volontaire au trouble, à la boue, à la confusion. C’est à partir de là qu’on peut seulement établir une différence utile entre la lumière et l’ombre, non pas en tant qu’opposés mais associés.

Ces périodes d’inaction comment les décrire. Elles ne se voient pas, elles ne sont pas visibles, peu démonstratives, c’est une tâche de fond. On continue sur la fréquence de la régularité mais on sent que quelque chose est en train de lâcher peu à peu, le cœur n’y est déjà plus, le sexe non plus, le désir en général tourne à vide. Ce ne sont que signes avant coureurs, que prémisses. Cependant on continue malgré tout. Peut-être qu’avec un peu plus d’honnêteté, un peu plus de courage, beaucoup moins de vanité ou d’orgueil, on pourrait s’arrêter plus vite et s’enfoncer aussitôt dans le trouble sitôt qu’il nait. Il me semble que la durée de celui-ci est directement lié à la manière dont on l’aborde.

Il s’agit bel et bien d’une compétence que l’on peut acquérir comme n’importe quelle autre. C’est passer d’une inconscience à la conscience en deux mots. Saisir intuitivement que la régularité est un leurre, conscientiser cette perception, créer ensuite un système, puis l’expérimenter. Cela prend bien une vie voire plusieurs.