Le nombril et l’obsession du fil des jours

Si je n’avais pas rencontré en moi la possibilité de peindre ou d’écrire j’aurais pu poursuivre vers une carrière de délinquant toute à fait honorable. Peut-être même d’assassin. Ou bien dans l’amertume, me découvrir seulement psychopathe.

Car cette pulsion première qui englobe en un même mouvement la haine comme l’amour, je l’aurais utilisée avec toute la maladresse qu’engendre le mensonge des buts.

Heureusement qu’existe le fil des jours devant lequel, après tant de renoncements, après tant d’aveuglement et de surdité on finit par abdiquer et même se prosterner.

Ce fil des jours qui incarne par le quotidien ce guide semblable au cordon ombilical qui nous relie au mystère de la naissance et de la mort incarné par la figure fantasmée, fantasmatique de la mère. Celui dont sans relâche j’ai toujours voulu me détacher, tant sa présence et son absence se confondent dans une sensation de vide et plein simultanément.

Pas besoin d’installer une divinité extérieure à ma propre vie, pas besoin d’un Dieu.

Tout est déjà vécu dans le mouvement du don et du retrait total qu’offre le visage emblématique de la mère. Le surgissement et l’anéantissement « en même temps » qu’évoque toujours cet emblème. Prisonnier de cette éternité chaque jour renouvelée, à chaque pulsation du sang retrouvée et perdue. Ainsi que le veut le risque d’exister vraiment tout au fond de nous.

Ou bien pour oublier le risque de cette existence éreintante, le fil des jours comme tradition ancestrale. Comme invention, le temps et la répétition si proches si semblables dans la forme du sablier à celui de la mère à la fois double et unique, ange et démon réunis dans un seul fantasme: le retour.

S’éloigner de l’essentiel par la création de buts? Oublier c’est s’en remettre aussi à la certitude du hasard que tous nos pères armés de lances en hurlant des cris sourds et vain n’ont jamais cessé de repousser hors des limites du cercle.

Cercle familiale

Cercle de la morale

Cercle du travail

Cercle de la patrie

Autant de cercles comme symboles des Olympiades de l’illusion.

Pourtant n’est ce pas cette nécessité d’illusion qui pousse à créer pour s’évader du labyrinthe. N’est pas l’illusion qui invente le fameux minotaure et surtout l’idée d’une rencontre avec celui-ci ?

Ne pouvons nous trouver une autre voie que le mensonge pour accéder à la paix définitive en pleine conscience et en pleine vie ?

Sans doute que cette plénitude n’est pas du domaine de la conscience dans ce cas.

Encore une fois elle se situe dans cet espace laissé ouvert comme une béance amadouée peu à peu, explorée, pénétrée comme une vulve par la répétition des coups de boutoir désespérés autant que désespérants. afin de recréer l’unité.

Cette unité d’où surgit le Baphomet voletant comme un papillon au dessus de toutes nos vicissitudes humaines, au dessus de tous les nombrils qui s’accrochent comme des saumons pour remonter le fil des jours.