
Le vertige produit par la prise de conscience d’une ignorance. Un gouffre sans fond s’ouvre soudain sous nos pieds. Et il arrive que ce vertige provoque aussi, dans un même temps, une attirance vers le vide afin que nous nous y engouffrions tout entier. Comme si nous voulions explorer cette négation de nous-mêmes. Cette fiction nous saute soudain aux yeux et nous aimerions bien nous en débarrasser de toute urgence.
Ainsi ce matin ce click qui m’entraine vers le site Wikipédia intitulé « portail de la linguistique »
J’aurais aussi bien pu me retrouver sur un autre site que celui-ci, où la matière eut été la mathématique, la physique ou la chimie, domaines sur lesquels ma totale incompétence règne, cela aurait probablement entrainé un résultat similaire. C’est plus une constitution d’esprit du moment, une conjoncture qu’autre chose.
C’est cette configuration d’esprit qui cherche le vertige. Dont l’objectif prioritaire est ce vertige.
Rechercher le vertige pour explorer la fiction de soi. Pour comprendre ce qui subsiste après cette chute dans le vide, où dans le moment même de cette chute. Cela participe d’une ivresse encore proche des techniques soufies.
Que reste t’il alors sinon une conscience qui me pense plus que je ne peux la penser. Une conscience qui me dépasse et me déborde. Et aussi qui s’engouffre par l’entremise de ce vide que je suis parvenu à créer en moi-même par ce vertige.
Il y a donc une association qu’on le veuille ou pas entre le je qui saisit soudain sa limite brutalement si je peux dire et la vastitude de la conscience qu’il découvre justement lorsqu’il se trouve à sa limite.
Et ce vertige est à la fois dû à la dégradation de ce moi face à son ignorance qu’à l’ivresse provoquée par le désir parfois impérieux de vouloir dans un premier temps la combler.
Et en outre une autre prise de conscience surgit encore, celle de l’âge et de l’impossibilité de tout combler dans un temps restant imparti.
C’est la figure de Tantale qui contemple à la fois l’eau et sa soif les mains liées dans une posture d’impuissance.
Impuissance qui, si on suit du regard son sillage baveux mène probablement, pour le plus grand nombre d’entre nous, vers cette sorte de sagesse qui découle du bon sens.
D’où l’évasion. La tentation de l’évasion encore à 62 ans, à la fois merveilleuse et ridicule suivant l’humeur du jour.
S’accrocher à des reflexes de jeune homme, retrouver l’énergie qu’apporte la curiosité, étincelles soudaines de milles feux de Bengale. Les contempler ces étincelles qui ne dureront qu’un déjeuner de soleil. S’en réjouir le temps que ça dure. Honorer ou célébrer ça, ne pas oublier surtout. Avoir au moins cette gratitude minimum qui manque toujours de nous échapper lorsqu’on se complait à sa désespérance, à sa tristesse en énumérant sans relâche les chiffres de notre désabusement, d’un point de vue morbide dû à la vieillesse.
Est-ce de la témérité, de l’audace, de la bravoure ? Et quelle importance de définir cet élan ?
Peut-être que justement il ne faut pas chercher à dépasser la limite cette fois et toutes les autres , ne pas chercher à définir cet élan mystérieux de crainte de le voir s’évanouir à tout jamais.
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