Dessiner

Autoportraits dessins et colorisation numérique Patrick Blanchon

Je ne sais pas si cela t’es déjà arrivé d’avoir tellement envie de faire quelque chose que tu mets tout en travers de ton chemin pour ne pas le faire justement.

En ce qui me concerne je fonctionne ainsi pour le dessin. Sans bien savoir ce qui m’a prit j’ai arrêté de dessiner un jour à partir d’un modèle et puis, peu à peu je n’ai plus dessiné du tout. Enfin, ce n’est pas tout à fait exact j’ai arrêté de passer trop de temps à dessiner, je dessine en général très vite et sans reprendre mes dessins.

Comment pourrais je expliquer cela ? En fait je ne me suis jamais vraiment posé cette question. Un jour je me suis dit que j’étais peintre et j’ai arrêté de vouloir « bien » dessiner voilà tout.

Cela semble complètement absurde évidemment mais je fais une distinction entre peindre et dessiner. Ce ne sont pas les mêmes motivations que je place en amont de chacune de ces disciplines.

Le dessin ne m’a jamais servi à autre chose qu’à chercher un motif, une composition, jamais je n’ai considéré qu’il pouvait être une « oeuvre » en soi.

Donc un jour en m’engageant dans la peinture dite abstraite, j’ai tout bonnement abandonné le dessin d’observation, le dessin soigné, le « beau dessin ».

Possible que je ne me sois trouvé aucun talent de dessinateur vraiment et puis à la vitesse à laquelle j’aime exécuter les choses, possible aussi que ce moyen d’expression me soit donc apparu bien trop lent pour parvenir à mes fins. Ce sont en gros avec la paresse, une ou deux excuses faciles à me donner.

Plus loin encore je pourrais dire que je ne suis pas assez patient, et qu’ainsi pressé je n’ai pas assez travaillé.. mais en fait toujours des excuses, l’art de trouver de bonnes raisons à ne pas faire quelque chose..

Mais voilà, en réalisant toute une série de croquis pour la préparation d’une commande d’affiche j’ai bien dû me mettre face à cette évidence : les choses n’arrivent pas spontanément dans ce genre de travail. Il est nécessaire de proposer plusieurs idées, plusieurs versions de cette idée, et cela nécessite des heures de travail.

Cela apprend la modestie si toutefois on ne sait pas déjà son importance et aussi à remettre son ouvrage sur le métier aussi longtemps que le client lui ne perd pas patience…

Comment je peins

Juste avant le Yin et le Yang
Huile sur toile 120x90
Année de réalisation 2018
Juste avant le Yin et le Yang huile sur toile 100 x 80 cm

Je sors dans la cour pour sentir le temps qu’il fait tout d’abord. En général j’ai avec moi une tasse de café noir que je sirote doucement en écoutant les premiers oiseaux chanter. Ce chant qui vient du fond des temps, à la frontière de l’aube et de la nuit , un divertissement apaisant qui m’éloigne par désœuvrement de l’essentiel.

Une fois le seuil de l’atelier franchi, j’ai toujours un petit malaise, une petite épreuve à traverser entre l' »à quoi bon » et le « je ne sais pas quoi faire. »

Bien sur je fais des plans sur la comète, bien détaillés, fouillés, documentés, et en les relisant je grille cigarette sur cigarette. Toute notion de planification m’impose de me quitter. De retrouver ce moi qui ne sera pas moi. Cette apparence.

Puis j’envoie tout cela bouler et je m’installe devant ma toile vierge ou inachevée.

Je reste là sans rien faire un petit moment. J’essaie de comprendre et je ne comprend jamais. Mais je renouvelle la tentative pratiquement chaque matin. Sans cette tentative à quoi bon renoncer?

Puis, une fois rendu à l’évidence, désarmé par celle-ci, je prépare mes couleurs, en général seulement les 3 primaires avec un peu de blanc dans le centre de la palette.

Et puis je disparais, réapparaît, au fur et à mesure des effacements, des ajouts, des erreurs, des tons gris ou sales, des excès de gras, des manques de gras, des couleurs trop vives, des couleurs trop ternes.

Et tout cela ne tient qu’à moi, et moi je tiens à lui … à tout ce désordre dont j’ai besoin absolument pour trouver l’ordre.

Le Graal c’est un peu ça la quête… Et les pièges sont nombreux avant d’y arriver. D’ailleurs je ne cesse de tomber dans tous, sans doute parce qu’au fond je sais très bien de quoi il s’agit.

Il faut faire des centaines de tableaux pour le comprendre, pour en être définitivement certain. Et des que l’on croit comprendre, surtout ne pas s’y arrêter, ce n’est jamais cela vous comprenez.

Ce sont juste, chaque tableau un indice, une coquille vide, celle d’une défaite toujours renouvelée.

Il n’y a rien d’important là dedans, rien que l’on puisse voir sur un seul tableau, non ça je ne pense pas qu’on puisse le voir, j’ai beaucoup espéré la dedans.. mais c’est passé.

J’imagine que quelque chose se situe entre tous les tableaux, oui il y a cette histoire dont je vous parle un peu, l’intimité du peintre si l’on veut.

Ah j’oubliais de préciser ne tentez pas de faire comme moi, vous n’y parviendrez pas, je m’entraîne depuis trop longtemps et maintenant je me tais, il est l’heure d’y aller .