L’éducation du regard

Nous regardons et ne voyons pas grand chose.Nous pensons et c’est fichu. Nous pensons voir ce qui n’a rien à voir.
Parce que nous sommes envahis par une foule d’images parasites qui s’interposent entre nous et la réalité.
Du coup nous fabriquons une réalité commune si je puis dire mais ce n’est pas la notre.
Le poids de la peinture au cours des ages, toutes ces œuvres formidables que nous conservons au fond de la rétine il faudrait les balayer dans l’instant présent et revenir à un état sans langage, sans souvenir, sans futur non plus.
Juste être là les yeux bien ouverts . S’y fier et domestiquer la main pour qu’elle suive le tracé.
Qu’importe la maladresse car ce que l’on recherche avant tout c’est simplement notre adresse véritable qui ne ressemble à nulle autre.
Combien de fois m’a ton dit : c’est moche ça va finir à la corbeille …
-recule toi, ferme les yeux, ouvre les à nouveaux, tiens je mets un cadre pour voir ….
et maintenant ?
Il faut des années de dés-apprentissage pour apprendre à voir et en tant que prof c’est aussi cela mon boulot que de détecter dans le moche le merveilleux qui s’y cache.

Assumer

Une des difficultés que tu rencontres quand tu réalises un tableau c’est celle de l’assumer pleinement. Cela vaut la peine de regarder ce mot de plus près. Assumer c’est tout d’abord prendre pour soi un acte, une parole, une réalité qui vient de soi et qui est difficile à accepter. C’est aussi rendre volontaire ce qui était involontaire. Quand tu peins tu laisses aller les formes, les traits,les couleurs et les coulures. Tu ne sais pas où tu vas dans cet espace que représente la toile. Mieux: tu ne veux pas savoir pour rester en éveil, pour ne pas dissiper l’énergie qui te traverse, tu voudrais ne pas penser, accorder ta confiance au hasard . Un plongeon vers le tout autre en toi Le tableau est là devant toi a la fin de cette étape. Il ne représente rien de connu.il est peut-être violent, cacophonique, ou au contraire sans contraste, boueux. Prendre pour soi alors est difficile. Tu te dis que ce n’est qu’une étape, un fond. Ce n’est pas montrable immédiatement.

Reprise du 21/11/2022

Pour ne pas avoir à assumer une peinture que tu viens de faire tu la places dans le provisoire. Tu te dis que ce que tu viens de faire ne représente qu’une étape, un début, que ce n’est pas assez « bien ». Le fait de ne vouloir assumer que des choses « biens » et d’écarter de « mauvaises » de « gênantes » dans une autre temporalité. comme si tu étais certain d’être encore là pour accéder à cette temporalité imaginaire. Tu dis pour ne pas avoir à assumer une peinture mais beaucoup de choses sont comme ça, coincées entre deux notions de bien et mal. Dans un jugement que tu ne remets que rarement en question, un jugement qui pourrait bien être complètement erroné.

Illustration huile sur toile format 80×80 ( collection particulière)