Se réveiller trop tôt

Lorsque le désœuvrement bascule, s’approche d’une jouissance, d’ailleurs assez proche de la jouissance de la solitude, le corps est le garant d’un équilibre à retrouver. Se réveiller trop tôt, vers les trois heures du matin, pour jouir de ce désœuvrement est un signe avant coureur du déséquilibre qui s’est installé. Ruser avec la jouissance demande encore un nouvel abandon. Traîner une heure, deux, puis retourner à reculons, l’air de rien, vers le lit. Se dire qu’au point où on est parvenu, dormir ou pas n’a pas d’importance, être animal. On peut même pour se rassurer de la surprise, écouter un podcast avec seulement un écouteur dans l’oreille qui ne s’appuie pas sur l’oreiller. Qu’on ôtera d’un geste automatique dans le nouveau sommeil une fois proche du lieu qui nous emportera vers l’ailleurs.Alors le travail véritable commence, celui des rêves. Que de tableaux, que de textes admirables de sobriété, de mystère, tous basés sur le réel cette fois. Rêver du réel voilà un rêve digne de ce nom. Et les œuvres réalisées durant cette période, mettons entre cinq et neuf heures du matin, suffiront si on s’entraîne à s’en souvenir, pour reprendre confiance les jours de doute ou d’empêchement.

Peindre dans la zone de la vérité.

PSD 111 Bram Van Velde

Le geste de peindre s’il ne provient pas de cette zone d’où l’on sent qu’on approche une vérité, ce geste s’annule de lui-même dans un bavardage, une succession de pensées, c’est un geste qui n’a plus de force, plus de vie. Il peut donner le change aux badauds, on peut même gagner sa vie avec de tels gestes, mais ce n’est pas le geste de peindre. C’est autre chose qui participe plus du spectacle commun.

Sans doute est-ce mieux de renoncer à ce type de geste spectaculaire quoiqu’il en coûte. Sans doute le geste juste nous en sera t’il « reconnaissant », on peut s’imaginer, mais peut-être, c’est presque certain, n’est-ce pas le bon mot, un geste comme celui là ne se soucie pas des mots.

Se tenir face à la surface de la toile et se taire complètement. Si le geste en sort tant mieux, s’il n’en sort rien, pas grave. Revenir à nouveau et refaire. C’est peut-être grâce à cette ténacité de revenir en silence devant elle que la toile soudain s’ouvre. Et en s’ouvrant quelque chose de nous s’ouvre également. Un geste en peinture c’est comme une floraison soudaine. et il n’y a pas une cause, un responsable, c’est un concours de circonstances que le peintre cherche à reproduire comme il le peut, souvent mal d’ailleurs, mal pour ce que lui le peintre en pense, mais dans cette zone de vérité il n’y a ni mal ni bien, il y a juste le moment où la fleur s’ouvre ou pas.

Il en va aussi d’un tas de gestes. Ou qui ressemble à ce type de geste. La lecture par exemple, nécessite le même type de lieu et d’espace, le même silence, si trop de choses s’agitent la lecture en est brouillée, ce qu’on en retire faussé. Autant refermer le livre. Aller marcher.

Satiété

Combas

Aller au bout d’un désir, d’une envie, d’une lubie est sans doute la meilleure façon de s’en débarrasser. Si l’on considère que le désir encombre. Si l’on découvre cette vulnérabilité en soi de ne pas posséder la patience nécessaire à entretenir celui-ci. Si on éprouve de façon insupportable son appel permanent, l’obsession, la hantise d’un tel désir. Si on détecte, imagine ou éprouve l’effroi du vide qu’est en train d’occuper ce désir. Même si on sait que le désir, celui-là précisément n’est rien d’autre qu’une des nombreuses têtes de l’hydre, et qu’il ne sert à rien de la couper, puisqu’aussitôt deux nouvelles têtes du monstre repousseront. A moins de cautériser la plaie béante à l’aide du feu. On ne peut y parvenir seul, même les héros se trouvent parfois démunis, et il faudra un geste de la Providence pour trouver l’allié pyromane, et tant qu’à faire, en adéquation avec le moment présent. Même sachant, aller jusqu’au bout, et à l’aide de la répétition, résumer la traque en un seul mot: la curiosité. Mot qui presque aussitôt rappelle en nous la faute, le péché, la culpabilité. Jusqu’à parvenir à la forme la plus authentique du dégoût, nommée paradoxalement la satiété. Un désolé je ne peux plus poli et distancié.

C’est durant l’écoute d’une émission de France Culture, un entretien avec le peintre Claude Viallat, et concomitamment l’achèvement d’un marathon de 40 jours d’écriture quotidienne que le dégoût s’est transformé en satiété. Trop plein et trop vide se confondant l’un et l’autre. En résulte une incompréhension totale de la volonté d’éparpillement. Volonté si farouche si récurrente, si répétitive qu’on finit par la considérer comme un outil. Une chose nous appartenant, une identité. Le désir de s’éparpiller, présence de l’hydre et confusion totale avec celle-ci et soi sans même en prendre conscience.

Pour bien enfoncer le clou le hasard des propositions de Youtube fait suivre une visite de l’atelier de Combas qui monologue complètement speed durant 30 minutes insupportables. Mais supportées par curiosité.

Deux peintres, le même désir de peindre, mais deux approches fondamentalement différentes dont la mesure est leur approche du désir et du hasard. Peut-être une relation de pouvoir encore une fois. L’un s’en remet au hasard et l’étudie avec circonspection, l’autre semble possédé par celui-ci alors qu’il imagine le posséder. Deux egos qui abordent la peinture l’un par une intention la plus minimaliste qu’il peut, cette forme d’éponge ou de haricot chez Viallat et l’accumulation des formes, l’exagération formes et couleurs chez Combas. Deux façons apparemment différentes d’aborder le problème de l’espace. Les deux le remplissent cependant. Leur unique point commun s’il faut en trouver un.

Leur travail et le mien, imbriqués. Facile de passer de l’un à l’autre techniquement en utilisant tout autant le hasard. Plus attiré en ce moment par celui de Viallat car plus aride. Moins séduisant. Le dégoût de la séduction, une satiété aussi finalement.

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Illustration image mise en avant Claude Viallat

52. Notule 52

L’expérience est une chose, l’expérience d’une experience c’est autre chose.

On peut extraire des conjonctures de la première mais la seconde nous échappe.

Elle est en tant que principe, elle n’est pas un objet pas plus que rien. Cette évidence nous n’en prenons conscience que dans un présent où quelque chose s’absente, une volonté personnelle de “tirer profit” qui s’évanouit.

On ne peut rien en faire ni en dire qui ne nous apparaisse pas aussitôt erroné, voire stupide et en tous cas inutile.

Peindre un tableau est une expérience qui produira le tableau, mais l’expérience de cette expérience nous reste étrangère, comme une évidence qui nous aveugle.

Que le tableau soit réussit ou raté ne change rien à cet aveuglement. Et c’est peut-être lorsqu’on se dispense de ces deux mots, que l’on s’en délivre ou débarrasse qu’alors la sensation est pour nous la plus “vraie”

Il peut exister un plaisir simple de ne rien voir du tout.

Que cette volonté au dessus de notre volonté se laisse enfin percevoir de façon fugace.

Et que cette nécessité de fugacité s’oppose notre volonté de durée elles seront l’une comme l’autre tout aussi nécessaires

Il est nécessaire qu’une œuvre dure pour éprouver en même temps la fugacité, sans doute, de celle ou celui qui en est l’instrument.

Et que ces deux nécessités ou volontés, en apparence contraires, dansent dans le moment présent est un mystère pour toujours.

8. Notule 8

Peinture blanche sur fond noir 40x50cm

Frotter du blanc sur du noir, créer des formes plus ou moins distinctes ainsi que des valeurs, un contraste, voir déjà une profondeur.

J’explore ainsi un commencement sans avoir d’idée.

Je ne pense pas au résultat.

Agir, laisser aller les choses comme elles veulent se retirer sans s’attacher à une pensée à un jugement. Arrêter sitôt la première idée séduisante qui s’impose.

Passer à un autre tableau en laissant celui-ci suffisamment silencieux quelque part dans l’atelier, l’oublier quelques jours.

C’est un travail à la fois très rapide et très lent.

La langue des oiseaux en peinture

Je fais toujours du rangement et pour autant ne cesse de vivre dans un désordre qui me rassure. J’ai fini par accepter ces deux vecteurs qui semblent contraire seulement en apparence.

Une petite toile m’attend tout en bas d’une pile rangée dans mon grand buffet ici dans ma remise. Je la prends dans les mains et l’emporte dans l’atelier pour l’examiner en buvant mon café du matin.

Il y a quelque chose, un je ne sais quoi. Des gris agréables à l’œil mais ça manque de quelque chose. C’est plat.

Je trouve comme par magie ma boite de pastel à l’huile et verse un fond de whyte dans un gobelet…et comme une chance arrive rarement seule je tombe tout de suite sur le petit pinceau qui va bien.

Une demie heure plus tard voici la petite toile posée sur l’étagère et moi 5 pas en arrière.

Quelque chose de l’ordre d’une mise à jour informatique.

Et le plus beau je m’étais fait un joli tour de dos en accrochant des tableaux lourds la semaine passée et j’ai grogné durant tout le week-end voici que soudain je ne sens plus rien du tout !

Élever la fréquence en usant de l’ordre et du désordre, laisser l’intuition faire le job, puis tirer la langue sur le côté en se pliant à l’air ambiant et en y allant de bon cœur n’est plus un secret. Je ne cesse de le répéter.

Pour sans doute m’en convaincre encore tout seul.

Et puis voilà quelque chose re fonctionne soudain c’est un reboot comme nous en traversons des milliers sans meme nous en rendre compte.

Se rendre compte voilà une clef qui n’a pas l’air.

Une clef comme on commence une portée pour inscrire la petite mélodie dictée par les oiseaux.

La précision et le flou

Hier je t’ai parlé de l’importance du choix des valeurs sur lesquelles on s’appuie en dessin, en peinture et dans notre vie en général. Voici le lien de l’article si tu ne l’as pas encore lu : https://peinturechamanique.blog/2020/10/23/valeurs/

Aujourd’hui j’aimerais te parler de l’importance du précis et du flou dans la peinture. Dans ce que j’ai appris il est d’usage d’utiliser la précision pour attirer l’œil du spectateur sur le sujet principal d’un tableau alors que peu à peu les contours des formes installées sur les plans moyens et lointains s’atténuent de plus en plus pour parvenir à un flou. D’ailleurs tu as peut-être déjà entendu parler de ce fameux « flou artistique » qui est considéré souvent comme une blague, et sous cette blague un critique à peine voilée du manque de sens d’une œuvre.

Si rien n’est précisé, si tout est flou, cela ne capte pas l’attention vraiment et même rebute l’esprit généralement.

Il n’y a pas que dans la peinture figurative que cette loi du précis et du flou est observable. Dans la peinture abstraite il y a bien sur aussi une nécessité d’attirer le regard sur certaines parties d’un tableau en premier lieu puis à l’appui de cette sensation de précision emmener peu à peu le spectateur vers des zones plus floues plus confuses pour conférer à l’ensemble une « profondeur ».

L’utilisation du précis et du flou est donc un moyen d’installer de la perspective dans un tableau.

Dans notre vie de tous les jours il en va également de même concernant les objectifs que nous plaçons comme jalons pour atteindre à un but. Le premier étant plus ou moins précis puisque c’est celui dont nous nous occupons en premier.

En ce qui me concerne pendant longtemps je n’ai pas su regarder plus loin que le bout de mon nez. Seuls les objectifs immédiats pouvaient à la rigueur être dotés de précision.

Comme manger, trouver un toit et dormir et occuper mes journées à ne pas trop me taper la tête contre les murs.

Durant des années cela m’a convenu et je n’avais pas besoin de me projeter plus loin. Je confondais tout un tas de choses parce que je m’étais donné l’objectif de créer soi des textes soi des peintures. tout le reste je n’avais pas vraiment envie de m’y intéresser.

En tâche de fond de ces objectifs il y avait une quête, confuse aussi. Quête de bonheur, quête d’amour, quête de reconnaissance. Mais à l’époque, toutes ces choses que j’appelle désormais ainsi je refusais de m’y intéresser autrement que par hygiène si je peux dire.

Je ne voulais pas être comme tout le monde, c’est à dire à l’époque mes parents, mes grand parents, mes oncles, bref le petit cercle familial et des proches que je confondais avec le monde.

Ce monde dont je te parle n’avait guère que deux mots clefs en bouche : le possible et l’impossible et toute leur vie était basée je crois sur ces deux mots.

Evidemment ils ne s’attachaient qu’au possible et réfutaient systématiquement l’impossible.

Naturellement écrire et peindre était pour eux une chose impossible à considérer avec sérieux. Comment allais je gagner ma vie, rien n’était sérieux de ce que j’émettais à voix haute comme projet et buts de ma vie à leurs yeux.

La seule chose vraiment précise était cette déclaration mondiale si je puis dire d’une impossibilité dans laquelle j’avais choisi de m’engouffrer à tort. Et je crois que par pure obstination, pour tenir tête à tout ce petit monde, pour avoir raison aussi, je me suis beaucoup acharné à poursuivre mon chemin dans le sens inverse de ce qui m’était proposé

Avoir un boulot, une carrière, , un crédit sur 30 ans pour acheter une maison, une bagnole, de l’épargne, une famille, des enfants , tout cela me passait au dessus le tête. Je pensais pouvoir faire bien mieux de ma vie.

Cela aurait pu fonctionner merveilleusement bien si j’avais été plus vigilant vis à vis de la notion de perspective, vis à vis de la précision et du flou qui constitue la perspective d’une existence.

Mais qui donc nous enseigne tout cela ? Surement pas l’école qui ne produit que des gens obéissants et qui deviendront des ouvriers, des employés obéissants qu’on rétribueras aves des bons points et des images d’une façon tellement méprisante lorsqu’on y pense vraiment.

L’école ne pouvait donc pas enseigner la perspective, la précision et le flou à l’indocile chronique que j’étais. Il me fallait trouver mes propres maitres, mon propre enseignement et pour cela il ne suffit que de le demander.

Lorsqu’on formule un souhait, même seul en plein désert, même au plus profond des forets, là où on croit être si seul qu’on se pense fou, ce souhait recevra tôt ou tard sa réponse.

Le vrai problème d’ailleurs n’est pas d’obtenir une réponse que de bien formuler le souhait.

Car on peut souhaiter plein de choses et obtenir pour chacun d’eux tout un tas de réponses. Encore faut il savoir les reconnaitre ces réponses et comprendre qu’elles ne sont que le reflet d’une absence de précision de départ.

Etre précis dans un souhait, être précis dans un sujet de tableau c’est un peu la même chose si tu veux.

Il y a tellement eut de souhaits, tellement eut de tableaux déjà … qu’ils sont devenus des clichés finalement c’est à dire des souhaits et des tableaux qui ne t’appartiennent pas, qui sont plutôt issus du préjugé collectif. d’une sorte de « il faut » commun.

Parvenir déjà à saisir cela représente pour beaucoup déjà un pas important, énorme.

Quel est le vrai souhait alors ? Celui qui t’appartient à toi en propre ? C’est comme le vrai tableau celui que tu n’as jamais encore réalisé qui se dissimule sous tous les autres que tu ne peux plus voir « en peinture » tellement tu les as déjà vus.

Plus tu es intelligent, plus c’est compliqué et flou car tu vas te perdre, t’égarer bien des fois pour trouver le chemin qui te convient.

Les gens simples ne se posent pas autant de question, ils suivent des modèles, des stratégies utilisés par d’autres et qui ont fait leurs preuves.

Cela fonctionne toujours bien mieux lorsque on décide d’être simple. C’est une claque pour l’esprit qui aime se compliquer la vie comme s’il s’agissait d’un jeu. Une claque qui peut remettre les idées en place ça s’appelle une leçon.

Pourtant la simplicité une fois qu’on a compris la puissance de ce mot pour certains têtus et obstinés, ne peut être acceptée qu’au bout d’une boucle d’expériences parfois difficiles douloureuses . On se dit mais non c’est trop facile, c’est ce que tout le monde fait ou souhaite, je ne veux pas de ça et on invente un autre chemin pour arriver finalement à strictement la même chose : la simplicité.

Et qu’est ce que c’est que cette simplicité si on y pense vraiment ? Ce n’est rien d’autre que de la précision. Tout le flou a disparu d’un seul coup.

Comme sur un dessin d’enfant.

C’est à dire qu’il n’y a plus besoin d’artifice pour exprimer la profondeur, plus de martingale à inventer pour attirer la chance, plus de perspective et de ligne de fuite fumeuses, plus d’illusion stérile.

Tout est alors limpide et clair sur un même plan, sans ruse ni tricherie, sans se leurrer soi-même non plus et en premier.

Quand je revisite les photographies des tableaux de mon ami Thierry Lambert, quand j’observe la précision de ses dessins sur l’espace tout entier de la feuille je sais que j’ai encore beaucoup beaucoup à apprendre, à creuser sur la notion de précision et de flou et tout ce qu’elles engagent dans une vie et dans une œuvre qu’elle qu’elle soit.

Abandonner

Ce verbe ne cesse en ce moment d’être obsédant. Toute la pensée tourne autour de cet œuf, de son mutisme. Abandonner, tout quitter, déserter, lâcher prise, un mot qui se détache de l’arbre et voltige au ralenti dans l’air d’octobre. Il me semble qu’il ne reste que peu de temps toujours pour résoudre en poudre les questions qu’il fait naître. Une urgence.

Bientôt ce sera fini. Il rejoindra le sol et se mêlera à jamais à tous les autres mots vidés de leur substance. Une décomposition inéluctable emportera tous les secrets du mouvement qu’il aura déclenché depuis l’origine de la vie toute entière.

Lorsque Patrick Robbe Grillet surgit sur mon écran entre deux diapositives ou deux phrases inscrites sur l’abandon en peinture, je fixe son visage, son regard et fais abstraction du tract qu’il peut ressentir en réalisant ses vidéos. Je me demande de quoi il est en train de parler lorsqu’il me parle d’abandon.

Est ce qu’il quitte quelque chose ou est ce qu’au contraire par l’abandon il tente de rejoindre quelque chose ?

Et d’ailleurs pourquoi ces vidéos pourquoi ce besoin de vouloir expliquer sa démarche ainsi au monde entier ? ce sont les mêmes questions que je me pose évidemment et la raison même de mon silence sur ma chaine Youtube en ce moment.

Quelque chose est en suspens en ce moment dans la peinture comme dans mon existence toute entière lié à ce terme d’abandon.

Est ce que j’abandonne pour fuir ?

Est ce que j’abandonne pour me rapprocher ?

tout le problème semble résider dans la notion de distance entre présence et absence de ce qui est abandonné et celui qui abandonne.

Ce n’est pas tant l’acte d’abandonner le plus important mais tout ce qui semble le provoquer en amont et aussi le but, l’objectif qu’on s’imagine atteindre ce faisant.

Un tableau.

Quelque chose cloche sans que je ne puisse vraiment savoir quoi exactement et sans doute que ce flou est la source même de mon obsession du moment.

A mon sens on ne peut pas abandonner pour obtenir quoi que ce soit. Ce serait une sorte de martingale, une tentative de contrôler le hasard d’expérience vouée à l’échec.

Cet échec n’empêche pas l’obtention d’un tableau digne de ce nom. Et c’est même là la perversité du mécanisme. On pourrait très bien s’arrêter ainsi. Se satisfaire du résultat premier de l’abandon comme d’une finalité.

A mon sens la présence du tableau alors devient comme l’ombre d’une absence. Cette absence qui surgit directement de l’écart produit par un abandon chargé d’une telle intention.

Et, au bout du compte l’abandon ainsi utilisé risque de n’être qu’un truc, un outil rituel n’ayant pas moins d’intérêt ni plus que de s’accrocher à un thème, à une idée pour réaliser une œuvre.

Je me demande si je ne confonds pas l’abandon avec cette sorte d’audace que possèdent les timides. Admettons qu’il ne s’agisse alors que de cette confusion de sens. Nous n’oserions pas peindre dans notre entièreté. Il faudrait que nous imaginions avoir à nous débarrasser d’une part encombrante, gênante, pour obtenir l’immédiateté.

Il faudrait nous débarrasser de tout ce qui en chacun de nous fabrique le temps dans l’espoir de retrouver l’éternité.

Quelle part de mensonge contient encore cette proposition ? Quelle part de vanité et d’orgueil ? Quelle part de folie ?

Et cependant nous en avons bel et bien une intuition.

Nous avons l’intuition que quelque chose en nous freine l’acte de peindre et qu’il s’associe à la pensée et au temps crée par celle ci dans l’écoulement incessant des jugements.

Peut-être alors que c’est seulement mon coté extrémiste qui me fait tournoyer autour de certains mots ainsi comme s’il s’agissait toujours de vie et de mort. Comme si un mot était capable en épuisant toutes ses définitions possibles de mener à la vision la plus juste de la sensation qu’il dissimule.

Et qu’une fois celle ci atteinte on ne puisse justement plus en parler du tout. Qu’une telle exploration au bout du compte ne puisse mener qu’au silence.

Ce silence, le même exactement dans lequel tout s’engouffre et qui m’indique qu’une toile touche à sa fin.

Le petit sentier #7

Visualisation

On ne va pas se mentir, l’une des raisons sinon La raison principale pour laquelle certains d’entre nous ne parviennent pas à peindre une oeuvre nouvelle, originale, qui ressemblerait vraiment à ce que nous sommes à l’intérieur, c’est que nous ne savons pas visualiser ce qu’elle pourrait être.

C’est à mon avis le premier stade de l’humilité en matière de créativité. Prendre vraiment conscience de cette incompétence.

La plupart du temps nous bottons en touche en disant, « je ne sais pas », « je n’y arrive pas », « je ne sais pas trop où je vais » où encore  » faisons confiance au hasard »,  » partons à l’aventure on verra bien » et le résultat a toujours plus ou moins quelque chose de décevant si nous sommes vraiment honnêtes avec nous mêmes, car ce n’est pas nous qui avons réalisé l’oeuvre vraiment, c’est plus un coup de chance, un hasard justement et nous nous sentons « dépossédé » de quelque chose.

En même temps dans mon expérience de peintre qui a énormément compté sur le hasard j’ai énormément appris de choses sur le hasard lui même et sur la façon de se connecter à celui ci au plus près. Mais cela je ne l’ai pas fait en quelques jours, il m’aura fallu des années de travail.

Et s’il m’a fallu tant de temps je crois que la raison principale est une forme d’ignorance, de prétention ou d’orgueil avec son pendant immédiat, sa source, le manque de confiance en moi et la sensation perpétuelle d’avoir à affronter un vide mal déterminé, illimité.

Pour m’en sortir j’ai utilisé tout un tas de trucs de stratégies plus ou moins foireuses mais cela ne changeait rien à l’essentiel, d’où venait ce manque de confiance et comment le regarder dans le blanc des yeux vraiment.

Car c’est très facile aussi de dire « je n’ai pas confiance en moi » que ce soit à voix haute ou dans un continuel monologue intérieur, ça ne permet nullement de l’accepter vraiment, profondément. Donc la première chose à faire à mon avis c’est cela c’est prendre conscience vraiment de son incompétence, non pas comme un drame, une tragédie, quelque chose de honteux, de culpabilisant, mais plutôt comme un état de fait, un point de départ.

Une fois que l’on sait vraiment d’où l’on part il faut aussi se demander où on veut aller.

Cette question aussi prend parfois un temps dingue. En ce qui me concerne j’ai eu envie d’aller partout dans le domaine de la peinture, j’ai testé tout un tas de manières, de styles, de techniques, sans jamais me poser cette question essentielle de savoir où je désirais vraiment aller dans mon art.

Il s’en est suivi des quantités incroyables de tableaux, de dessins, de travaux plus ou moins aboutis qui sont restés longtemps dans les tiroirs ou sur les étagères de la pièce dans laquelle je stock mes tableaux.

Quand on ne sait pas d’où on part et qu’on ne sait pas où aller, dans n’importe quel domaine que ce soit, il est certain que l’on courre à la catastrophe.

Cette catastrophe elle est arrivée plusieurs fois sous la forme de dépression, de colère, de rage, toutes les manifestations de l’impuissance en somme.

Et puis à un moment donné la répétition devient fatigante alors on est obligé de se calmer de se poser et de réfléchir un peu différemment.

Une des clefs que j’ai pu trouver pour commencer à devenir constructif en peinture c’est la visualisation.

C’est à dire commencer à imaginer une oeuvre dans ses grandes lignes tout d’abord, selon un format, une gamme de couleurs chaudes ou froides, et puis peu à peu comme on tourne la bague de mise au point d’un objectif d’appareil photographique accroitre la netteté, la précision, le détail.

C’est quelque chose que tout le monde peut faire, que tout le monde fait même sans s’en apercevoir la plupart du temps, mais souvent hélas pour les choses négatives.

Nous sommes tout à fait habitués à visualiser les pires choses qui pourraient nous arriver, et c’est d’ailleurs sur cette faculté d’imagination que se fondent les assurances de tout poil pour nous attirer.

Au besoin les scénarisations de tragédie hypothétique peuvent aussi être employées à des fins de prévention dans le domaine de la sécurité routière, dans la sécurité des centrales nucléaires , dans le domaine bactériologique, dans le domaine politique également quand on veut nous faire peur par exemple avec « l’invasion des migrants » et ainsi obtenir plus d’électeurs en faveur de la « fermeture des frontières » etc, etc.

La visualisation n’est donc pas un outil qui nous est étranger. Cependant que nous ne savons pas le contrôler en notre faveur, à notre avantage.

Visualiser de mieux en mieux et à notre profit cela s’apprend, il y a des techniques de visualisation bien sur et l’on peut encore perdre un bon bout de temps à tenter d’aller chercher chez les autres ce que nous ne voulons pas chercher en nous-mêmes.

A mon avis si nous arrivons à comprendre la moindre ligne d’un livre c’est que nous avons déjà la connaissance de ce dont ce livre parle. Une connaissance intuitive la plupart du temps non analysée par la pensée, par le décorticage, et lire un livre nous permet alors d’effectuer comme une vérification et une synthèse de cette intuition première, une actualisation d’une très ancienne connaissance et qui peut désormais être verbalisée, utilisée.

Donc on peut avoir besoin de livres, de vidéos, de podcasts sur la visualisation pour tenter d’actualiser toutes nos connaissances dans la matière. Cela évidemment nous apportera une foule d’informations plus ou moins contradictoires les unes les autres et nous resterons encore bloqués. Car recueillir l’information ne suffit pas, encore faut-il savoir la trier, la classer, prioriser l’important l’essentiel, de l’inutile et ce non d’un point de vue général, mais de notre propre point de vue.

Cela demande d’avoir évidemment un point de vue sur la question… et comment en obtenir un fiable sinon en passant à l’action, en expérimentant ce que l’on croit avoir compris pour décider déjà si on a bien comprit et si cela nous apporte vraiment quelque chose.

Ainsi en écrivant le mot visualisation tout en haut de cet article, je n’avais pas du tout d’idée générale, je ne visualisais pas l’ensemble des idées de cet article, je n’ai pas fait de plan, j’ai fait comme d’habitude, en écrivant au fur et à mesure ce qui me passe par la tête.

Je vous l’avoue j’adore écrire comme ça, c’est la partie la plus facile en fait.

Mais quelle serait la forme de cet article si tout à coup je tentais d’en organiser les idées par ordre d’importance personnelle ? En cherchant quelques références sur le net sur ce qu’est la visualisation, en l’illustrant de photographies, de graphiques, de chiffres … en détachant chaque sous partie avec une police grasse qui attire l’oeil et révèle ainsi l’essentiel à celui qui a un regard exercé?

Est ce que vous le voyez cet article lorsque je vous en parle de cette façon ?

Bravo alors tu viens de comprendre ce que je voulais dire par visualisation.

Oui bon d’accord, mais concrètement comme s’y prendre pour peindre ?

Ok il y a plein de portes d’entrées et je ne vais pas les citer ici pour ne pas alourdir de trop cet article.

Je vais juste proposer un exemple.

Les poètes et la poésie en général est un très bon vecteur de visualisation pour peindre des œuvres d’imagination, il suffit d’ouvrir un livre ou de chercher un peu sur internet et trouver un texte qui nous fait vibrer et le lire à haute voix plusieurs fois, nul doute qu’ainsi ne se forme dans votre esprit des images, et mêmes des sons, comme une musique, qui pourraient alors devenir le support d’un tableau à venir.

Dans cet exemple le critère de réussite personnelle que vous pourriez alors décider c’est que le tableau vous procure le même type d’émotion que le poème, ou plus simplement si vous le placer à coté de celui ci relisez à nouveau à voix haute, et sentez si ça matche …

La visualisation est comme le sport il ne faut pas espérer courir un marathon quand vous n’avez jamais courru. Il faut s’y prendre progressivement, doucement, petit pas après petit pas. Le choix des formats sur lesquels vous désirerez de vous entraîner peu s’avérer aussi important pour ne pas vous « essoufler » et ainsi obtenir des résultats en accord avec le temps dont vous disposerez.

Si vous éprouvez des difficultés vous pouvez par exemple aussi commencer par placer un objet, un fruit, un légume que vous appréciez devant vous, le dessiner une première fois et le peindre en vous appuyant sur ce que vous voyiez. Cela vous permettra de réaliser une étude.

Puis ensuite prenez une nouvelle feuille, retirez l’objet et dessinez le de mémoire. vous verrez qu’il y a des liens entre mémoire et visualisation auxquels on ne pense pas toujours.

Une autre possibilité

En prenant un tableau d’un peintre que vous appréciez comme modèle vous le regardez attentivement puis vous créer un autre tableau personnel celui ci avec le meme jeu de couleurs que celui du modèle.. Et ensuite vous mettez les deux cote à cote avec un logiciel de montage

En espérant que ce petit article à propos de la visualisation vous apporte un peu de grain à votre moulin. Belle journée !

quelques sites parlant de l’union poésie peinture https://www.lesatamanes.com/article/peinture-et-poesie-jolie-histoire-d-une-relation-amoureuse

Celui de Christine, une de mes collègues peintre https://christine-nova-larue.art/

Celui de Laurence https://wordpress.com/read/blogs/61917905/posts/14552

Celui de Francine https://wordpress.com/read/blogs/22398941/posts/4894