« Quelque chose qui illumine »

Dans la notion du zéro, de cette idée de « repartir de zéro », de cette « pauvreté essentielle » dont parle le poète Georges Chich en prenant appui sur l’idée de visage, d’envisager le monde, il y a dans un même temps et dans un même lieu cette notion de retour et de départ. Et ce point peut-être n’importe où. Là où le désir existe encore. Un point né d’un double désir d’infini. Il peut également s’appuyer sur n’importe quoi comme sur quelque chose.

L’abstraction d’un point qui telle la particule se transforme sous le regard de l’observateur.

Brouhaha et silences sur le tamis de mailles fines de cette abstraction.

Comme les chercheurs d’or ont ce geste d’orienter dans plusieurs directions leur outil, de le secouer afin que l’eau lave la boue et la poussière, que les premières particules d’or scintillent.

Cette vie de chercheur d’or, d’alchimiste vaut mieux que l’or que l’on peut y trouver. Trouver l’or n’est qu’anecdote. Quand le but se dérobe devant le chemin parcouru.

Ce quelque chose qui illumine ce chemin parcouru.

Non pas la nostalgie mais les retrouvailles.

Comme ce grain de poussière qui danse dans le raie de lumière.

Ici la mort et la vie s’étreignent comme deux compagnons.

Est ce un bonjour, un au revoir ?

L’idée du suicide flirte avec tous les désirs de recommencement.

Il y a quelques jours j’ai reçu ce coup de fil. Un de mes amis s’en est allé.

Je pense à lui en écrivant ces textes sur « repartir de zéro ». A la tentation du suicide également.

La liberté d’en finir comme l’ultime secousse de ces poissons soulevés des profondeurs dans la lumière. De ces poissons qui ne comprennent rien à l’oxygène à l’air lorsque on les extirpe de leur milieu habituel.

Cette secousse désespérée portée par l’espoir du retour.

Elan vital qui fait courir le lièvre et s’envoler la perdrix.

Je me sens si proche de cet élan ces derniers jours.

En finir pour s’engouffrer.

Pour s’enterrer le plus profond possible

Disparaitre.

quelle bravoure ou quelle lâcheté impose le simple fait de vivre

avec toujours ce point de bascule, ce point zéro depuis lequel le regard porte

vers les deux infinis.

Toute la difficulté de l’achèvement se relie ainsi à ce quelque chose par la pulsion d’urgence, de précipitation, d’oubli qui s’équilibre avec la lenteur la réflexion la mémoire que diffuse aussi ce point.

Vivre est peut-être que cela.

Trouver cette justesse cet équilibre entre urgence et lenteur, entre bravoure et lâcheté.

Courir vers l’autre, marcher vers l’autre ou le fuir et s’en détacher.

Pour résumer plus bref vivre ce n’est rien d’autre que l’autre. vivre l’autre.

Mourir est revenir à soi.

Revenir à l’océan, au ciel et peut-être qu’à cet instant on l’aperçoit enfin

ce grand serpent qui se mord la queue

L’ouroboros

celui qui se confond avec le dragon et l’aigle.

Toute la multitude de nos cauchemars et de nos rêves

projetée encore une dernière fois

Puis partir pour tout rejoindre de ce que l’on pressent depuis toujours.

La fatigue poussée à ce point ultime de l’être qui ne se résout plus au corps.

A la matière.

Qui cherche à s’en extraire en la rejetant comme un objet inerte, quelque chose d’inutile,

un véhicule bon pour la casse

C’est sans doute cela l’erreur ou le péché, la raison invoquée pour tenter de prémunir

le jusqu’au boutiste de se rendre au bout sur un coup de tête.

Même en réfléchissant profondément mourir n’a pas plus de sens que de vivre

vu par ce prisme.

Et dans ce cas autant vivre. C’est ce que je me suis toujours dit. Je l’ai ainsi échappé belle, de cette échappée belle dont on ne revient pas.

Il y a dans la vie comme dans l’art ce moment précis que l’on sent où le geste devient erreur. Retenir ce geste à temps c’est aussi cela l’art. Un art qui guérit peu à peu l’artiste qui s’y engage mais qui peut aussi le détruire d’un coup à la moindre inadvertance.

Un art qui peut à tous les instants nous échapper comme bon lui semble et qui justement le rend précieux pour cela.

Dans ce quelque chose qui illumine dans cette pauvreté qui éblouit la seule chose sans doute à faire est de s’habituer peu à peu à l’aveuglement pour parvenir à voir.

Non pas voir pour posséder pour s’emparer.

Voir comme le peintre, de petits coups d’œil pour estimer

la valeur

la proportion

la profondeur

Et toute l’illusion que cela peut produire sous le pinceau.

Ébauches

C’est dans la nuit que je peins J’ai recouvert de vieilles toiles de Gesso, j’ai collé des morceaux d’essuie-tout.

Essuyer ,essuyer tout d’hier et de demain pour être là et laisser la main aller comme un oiseau dans la nuit.

Des visages de femmes, peints à l’encre,au brou de noix.

Dévisage maladroit

Des visages maladroits.

Comment rejoindre par cette maladresse quelque chose qui illumine ?

Un premier essai une première ébauche sur un format 50x50cm

Un autre essai sur un format 80×80 cm

Pourquoi aller plus loin ?

Quel écart entre ébauche et œuvre ?

Attendre et peut être que demain ou après demain

Les écailles tomberont

Je verrai

Dans un autre immédiat

Celui qui rejoint tous les immédiats

Ou pas

Et il faudra recommencer, repartir de zéro à nouveau