Peindre dans la zone de la vérité.

PSD 111 Bram Van Velde

Le geste de peindre s’il ne provient pas de cette zone d’où l’on sent qu’on approche une vérité, ce geste s’annule de lui-même dans un bavardage, une succession de pensées, c’est un geste qui n’a plus de force, plus de vie. Il peut donner le change aux badauds, on peut même gagner sa vie avec de tels gestes, mais ce n’est pas le geste de peindre. C’est autre chose qui participe plus du spectacle commun.

Sans doute est-ce mieux de renoncer à ce type de geste spectaculaire quoiqu’il en coûte. Sans doute le geste juste nous en sera t’il « reconnaissant », on peut s’imaginer, mais peut-être, c’est presque certain, n’est-ce pas le bon mot, un geste comme celui là ne se soucie pas des mots.

Se tenir face à la surface de la toile et se taire complètement. Si le geste en sort tant mieux, s’il n’en sort rien, pas grave. Revenir à nouveau et refaire. C’est peut-être grâce à cette ténacité de revenir en silence devant elle que la toile soudain s’ouvre. Et en s’ouvrant quelque chose de nous s’ouvre également. Un geste en peinture c’est comme une floraison soudaine. et il n’y a pas une cause, un responsable, c’est un concours de circonstances que le peintre cherche à reproduire comme il le peut, souvent mal d’ailleurs, mal pour ce que lui le peintre en pense, mais dans cette zone de vérité il n’y a ni mal ni bien, il y a juste le moment où la fleur s’ouvre ou pas.

Il en va aussi d’un tas de gestes. Ou qui ressemble à ce type de geste. La lecture par exemple, nécessite le même type de lieu et d’espace, le même silence, si trop de choses s’agitent la lecture en est brouillée, ce qu’on en retire faussé. Autant refermer le livre. Aller marcher.

8. Notule 8

Peinture blanche sur fond noir 40x50cm

Frotter du blanc sur du noir, créer des formes plus ou moins distinctes ainsi que des valeurs, un contraste, voir déjà une profondeur.

J’explore ainsi un commencement sans avoir d’idée.

Je ne pense pas au résultat.

Agir, laisser aller les choses comme elles veulent se retirer sans s’attacher à une pensée à un jugement. Arrêter sitôt la première idée séduisante qui s’impose.

Passer à un autre tableau en laissant celui-ci suffisamment silencieux quelque part dans l’atelier, l’oublier quelques jours.

C’est un travail à la fois très rapide et très lent.

Perfection, contemplation

Aujourd’hui j’ai décidé de t’emmener dans une vision inédite des choses. Il faut être probablement un peu cinglé pour y pénétrer mais étant donné que la folie semble désormais être la norme de ce monde, tu ne risqueras sans doute pas grand chose à me suivre.

Je voudrais partir du fait que tout est parfait. Que nous n’avons jamais quitté la perfection.

C’est à dire que si les choses sont, elles sont automatiquement parfaites dans leur origine, dans le surgissement de cet instant. A l’instant de la rencontre. Celle de ton regard avec celles-ci.

Ensuite, accepte le fait que cette perfection est insupportable à regarder. Un peu comme on fixe le soleil. Elle te fait cligner des yeux. Et ce faisant tu mets en place un réflexe une stratégie inconsciente afin de pouvoir t’en éloigner et de ne pas sombrer dans la contemplation, qui comme tout le monde le sait est considérée comme une attitude stérile.

Pour quelle raison lorsqu’on voit la perfection s’en éloigne t’on ? Pourquoi ne pourrions nous rester figé dans la contemplation ? Sans doute que contemplation et perfection sont en dehors du cadre de l’utile.

La contemplation prend du temps, beaucoup. En pénétrant dans celle ci une version habituelle de l’utile et de l’inutile s’évanouit pour laisser la place à l’apparent chaos, au mélange, à la confusion des polarités.

S’engager dans la contemplation n’a pas de but autre que celui de contempler la perfection.

Disparaitre en celle ci. être tout entier absorbé par celle ci.

Cette contemplation de la perfection entraîne une dépossession progressive ou immédiate selon notre caractère.

Vue de l’extérieur elle apparait souvent comme un piège qui rend caduque toute action et tout objectif vulgaires. Elle est le reflet exact de notre vulgarité en tant que distance prise avec la perfection du monde, de l’univers.

Et cette distance ce recul cet espace que nous installons entre la perfection et notre existence séculaire sert à ce que nous appelons le « vivre ensemble ».

Par le vivre ensemble nous oublions la perfection fondamentale du monde, nous nous égarons dans la dualité en oubliant la raison majeure de cette évasion. Notre fragilité, notre vulnérabilité vis à vis de ce qui est, et que nous cherchons sans relâche à interpréter.

A interpréter afin de le partager avec les autres qui souvent s’en fichent totalement, aveuglés dans leur course vers des buts illusoires.

C’est la position de tout artiste fondamentalement de pénétrer dans la contemplation, de faire retour vers l’origine pour Voir de façon majuscule.

Toute la difficulté ensuite sera la retranscription. Quel canal, quel mode utiliser afin de transmettre ce qui n’a pas vocation à être transmis puisque tous nous le possédons déjà.

Il y a trois niveaux que tout artiste digne de ce nom se doit d’explorer

Il doit voir avec l’œil

Observer avec l’esprit

Contempler avec son âme

Et c’est une fois qu’il aura franchi ces trois étapes qu’il pourra créer, débarrasser de la question et des doutes car ces choses ne lui appartiennent plus dans le silence qu’il est devenu.

C’est sans doute pour cela que je ne suis pas un artiste. Je le dis souvent et on croit que je plaisante. Mais c’est ce que je ressens profondément. Le fait d’être encore trop bruyant me le prouve à chaque instant.

Accepter la perfection et son corollaire la contemplation entraine irrémédiablement dans un silence, dans l’innommable qui rend soudain vaines toute tentative de vouloir le partager avec autrui.

Et pourtant c’est là où j’en suis, dans l’exploration de cette vanité qui chaque jour me fait écrire un texte, peindre un tableau en me débarrassant successivement de tous les buts habituels pour lesquels toute action n’est pas vaine.

Ce faisant je transmute quelque chose je le sais bien.

Le besoin d’amour se redirige vers l’intérieur

le besoin d’approbation se métamorphose en confiance en cette certitude qui parfois fait de moi un fou.

Toutes les angoisses forment la base d’un triangle dont le sommet s’élève vers une paix étrange.

Et pourtant obstinément je reste dans le bruit, je suis bruit se nourrissant et fabriquant du bruit.

Une sorte de crucifixion obligée si l’on veut mais j’aime mieux le signe +

Ce symbole qui évoque la rencontre de deux forces horizontales et verticales en un centre

Il n’y a jamais qu’un crayon à prendre pour poursuivre cette figure

l’arranger à sa guise

en cercle

en carré

en spirale.

Ou encore un vide, un silence formé par le triangle inscrit dans le cercle invisible

Méditation sur le triangle

Position du corps

Lotus.

Mais tout cela est le bruit nécessaire à faire chaque matin

pour pénétrer plus avant dans le silence de la journée.

Rien de plus et rien de moins

La perfection encore et toujours.

Hier j’ai peint ce tableau. Un vieux tableau que j’avais recouvert de gesso.

J’ai laissé aller le pinceau en le trempant dans du brou de noix et de l’encre de chine

puis en le recouvrant de jaune indien tout entier

ensuite quelques traces de parme et de violet.

Puis je l’ai mis à distance

je n’y comprenais rien

j’ai changé l’orientation et j’ai vu un cœur qui explosait

un cœur chaud dévoré par la chaleur …

Nous nous réchauffons comme nous pouvons dans cette drôle de période

sans chaudière

sans eau chaude

Mais malgré tout je ne le dis pas assez encore à mon épouse

tout est parfait ainsi absolument.

Et c’est en cela qu’on me traite de fou généralement.

Sourire.

Peindre la musique

C’est en voyant passer un mail de mon copain Roger, qui m’informe d’un nouveau stage dont le sujet est « peindre la musique » que je me suis demandé si je n’allais pas écrire là dessus aujourd’hui.

Aujourd’hui, dernier jour de l’année 2019, où j’écarte délibérément l’idée de désastre avec laquelle je vis ces derniers jours. Je m’étais réveillé avec ce sale gout dans la bouche que tu dois certainement connaitre toi aussi et je ne sais pourquoi j’ai tout de suite songé que le monde courrait à sa perte définitive, qu’il n’y avait aucune pièce à y remettre.

Et puis à surgit d’outre tombe le bon ami La Bruyère pour qui j’ai un faible et une petite phrase m’est revenue :

« Les hommes ne se goûtent qu’à peine les uns les autres, n’ont qu’une faible pente à s’approuver réciproquement : action, conduite, pensée, expression, rien ne plait, rien ne contente

Et je me suis dit que cette phrase je n’avais nul besoin des autres pour la savourer égoïstement, elle fonctionne extrêmement bien de moi à moi en boucle, comme ces petits morceaux de musique d’une ou deux portée en tache de fond qu’on nomme « loop ».

Ce matin mon loop c’est du La Bruyère, c’est pas pour rien que c’est jour de fête.

Et puis cela convient bien, « esthétiquement » au contexte de cette matinée morose, dont pourquoi pas en profiter.

Le mot désastre provient de l’Italien « disastro » que l’on peut traduire à peu près par « mauvaise étoile ». Mais bon cela indiquerait une part de malchance en pendant à une autre qui aurait pu être la bonne fortune. C’est encore pénétrer dans la binarité rassurante qui permet à l’esprit de ronronner à nouveau.

Je préfère citer Mallarmé, quoi de mieux que les poètes quand on a perdu le gout de l’eau et que l’on n’a pas très bien les yeux en face des trous.

Jadis tu détachas les grands calices pour La terre jeune encore et vierge de désastres,…

Vierge de désastres… le dépucelage aura porté ses fruits empoisonnés depuis.

Et puis de fil en aiguille, le ras le bol de la pensée à nouveau s’est emparé de ma cervelle et je me suis réfugié alors dans cette proposition de « peindre la musique ».

Bien sur je n’irais pas à ce stage. Je n’ai absolument aucune envie de côtoyer qui que ce soit en ce moment. Et même si c’est programmé pour l’année prochaine et qu’à la date prévue je risque d’être dans de meilleures dispositions, je préfère renoncer d’emblée et rester sur l’idée seule, sur cette énigme que cela pourrait représenter de peindre la musique.

En plus je perds l’ouïe et ne cesse de faire répéter leurs phrases aux gens. La flemme associée à la détestable sensation de handicap m’ont plusieurs fois permis de renoncer à me rendre chez un spécialiste.

Il y a quelque chose de l’ordre de la fatalité qui m’attire certainement dans tous les renoncements à vivre une vie « meilleure ».

Malgré tout nul n’est besoin d’entendre pour apprécier la musique, et surtout c’est très favorable pour pénétrer pleinement le silence entre les notes car sans lui, ce ne serait que de la cacophonie bien sur.

Un peu comme si on étalait sur une toile des litres de peinture, de couleurs épaisses sans rien laisser au vide, sans rien laisser au silence.

On aurait alors une jolie manifestation de la cacophonie en peinture, avec à la clef une sensation d’étouffement, d’oppression.

Il faudrait laisser la part belle au silence de la toile, à la respiration des gris doux et seulement placer un air de flûte japonaise qui traverserait l’espace de la toile révélant une présence discrète d’un « quelque chose » au beau milieu de tout ce « rien ».

Et puis au bout du compte je crois que j’ai eu envie d’un café, je suis descendu à l’atelier et j’ai tourné en rond sans parvenir à m’abandonner.

Au delà de l’art

Tempéra détail, Patrick Blanchon

Au delà de l’art et du mensonge que nous inventons sans cesse pour approcher sa présence silencieuse, c’est tout l’être qui se tient immobile dans une attente angélique. Angélique, c’est à dire avec un sourire, les mains dans les poches, dans une sorte de désabusement inouï, entre les démons et les gentils qui s’empoignent sans relâche dans leur soif immense de reconnaissance.

Au delà de l’art, c’est sans doute ici que je me sens le mieux dans le fond, à fumer avec l’ange et à faire des ronds de fumée.

Au delà de l’art, tout ce brouhaha s’évanouit lentement mais surement et alors tinte la clochette de la rosée sur la feuille de catalpa, comme augmentée par tous les dièses et les bémols effondrés.

C’est sans doute là que la paix réside, ici et là tout en même temps.

C’est cette intuition qui remonte à loin et qui de temps en temps dans une sorte de grâce parfumée me monte au nez.

Au delà de l’art il n’y a plus d’urgence, plus de temporalité, un dessin d’enfant vaut tout autant que celui des plus grands maîtres incontestés.

Au delà de l’art n’est ce pas ici et là le paradis finalement ?

La tentation du silence

Un fois notre propre vérité établie pourquoi ne pas traverser la plaine en silence ? Quelle importance accorder à nos interventions si ce n’est celle en premier lieu de vouloir se mettre en avant ?

Ce n’est pas suffisant et c’est profondément égoïste et puis je n’ai pas d’enfant. Mon rôle est de transmettre ce que je sais pour aider. C’est déjà mieux comme intention.

Pourtant quand le brouhaha envahit ce que j’imagine et ressens être la pureté du silence la tentation revient à l’assaut. Se taire profondément pour remonter les ages jusqu’au creuset du des à coudre où tout était tassé condensé dans un mutisme au bord de l’explosion.

Juste avant le big bang ce formidable silence.

Et puis la dilatation soudaine et les cris, les murmures, les ébahissements, les premières paroles prononcées par les dieux, les lutins et les fées.

Cette tentation du silence revient perpétuellement comme une sorte de diablotin venant taquiner saint Antoine et Flaubert. Ce Flaubert qui ne savait écrire qu’en gueulant ses phrases pour les sentir justes. Comme je puis le comprendre cette nécessité de bruit pour saisir intensément ce qui le fonde.

Ce n’est pas l’utérus cette fois car aucun cœur n’y bat. C’est juste avant.

Et pendant longtemps ce silence dans lequel aucun cœur ne bat ressemble à ce que l’on croit être la mort.

Et puis vient le printemps et de terre sortent les jeunes pousses

Et puis viennent les feuilles les fleurs et les insectes qui rêvent les prochains fruits.

Tout ce que l’on peut en dire

Face à l’événement fusent les pensées et les mots boucliers, est ce une blessure que nous pansons afin de refermer la béance qui menace de nous engloutir ?

Face à l’événement notre nudité traverse la gène jusqu’à l’insupportable ou la béatitude, oscille à vive allure entre Charybde et Scylla.

Tenir le milieu non comme place forte mais ouverture demande bien des échecs et des victoires avant d’entrevoir qu’elles ne forment que cet instant profond « le bel immédiat  » du poète dans lequel la pensée sombre pour rejaillir simple et claire.

Ce n’est parfois qu’une lueur dans la nuit qui nous émeut, ce n’est parfois qu’une aube, un crépuscule. Difficile d’entretenir la flamme vacillante agitée par les vents du siècle.

C’est aussi parfois un sourire qui nous revient du fond des ages d’un lieu inconnu et familier en même temps.

Mystère intact malgré tout ce que l’on peut en dire.

Ils n’osaient plus espérer

Le cœur alourdit de tant d’actes brouillons, mes camarades œuvraient à la construction d’une jolie résignation. Toujours distant le capitaine utilisait compas et sextant gardant scellée notre véritable position, impossible de savoir si oui ou non nous étions sur la bonne route, impossible de se repérer dans cette vastitude parfaite où chaque jour ressemblait au précédent.

Et puis la nuit venait et son silence majeur, alors ceux qui ne dormaient pas se retrouvaient sur le pont agrippés aux riz, aux filins, aux cordes, séparés de silence, certains fumaient, d’autres pas. Mais tous cherchaient sur l’horizon une forme inédite, comme un idée d’eux même entraperçue, à laquelle ils renonceraient pour retrouver leur confortable ennui.

Parmi tous ceux là un jeune mousse aux yeux très clairs et aux grosses mains rouges balbutiaient des propos inaudibles en raison des grands vents qui souvent balaient le pont.

Tout à sa solitude il semblait prier une divinité inconnue, de lui donner la force de rester là sans se jeter à l’eau. Je le voyais lutter avec l’envie de plonger et riant parfois comme un idiot, il agrippait férocement le cordage de plus belle pour réassurer son assiette dans les innombrables roulis.

Je savais pourtant qu’il serait vain de lui adresser toute parole d’espoir, d’ailleurs je n’en avais pas, comme tous les autres j’avais effectué le pas décisif, comme tous ceux qui n’osaient plus espérer.

Le nouveau monde

Je m’étais embarqué au petit matin, poussé par la désespérance j’aspirais à un ailleurs consolateur. Quelle naïveté entretenais je encore ? Quelle naïveté en moi cherchais je à détruire surtout …bref quelque soit le moteur je me retrouvais désormais là sur le pont le front baigné d’embruns, avec à l’âme comme un grand vide, une béance, vaste comme la mer, infinie comme le ciel sans nuage sous lequel nous naviguions.

Affairés à l’avancée de cette lourde embarcation, mes compagnons suaient sang et eau et je me retrouvais là comme d’habitude, seul observateur songeais je de leurs efforts à maintenir en place le gréement, à hisser la voilure, à aider à la progression du navire.

Au loin sur la passerelle la silhouette d’un capitaine inconnu se dressait à contre jour.

Au dessus de nos têtes aucun oiseau aucun nuage, nous étions là au beau milieu de l’océan et j’étais bras ballants stupéfait du voyage, hébété par le roulis, nous voguions vers une destination certaine pour les uns, inconnue à d’autres et qui s’en fichaient car pour eux toutes les destinations se valent.

C’est la veille je crois que j’entendis quelqu’un parler du nouveau monde, dans la cambuse une chaleur étouffante régnait et l’homme avait sorti une pipe de terre cuite, l’avait bourrée et juste avant d’enflammer la charge de tabac avait murmuré, bientôt nous y serons, dans ce fichu nouveau monde.

Nul n’avait jugé bon de répliquer, la fatigue de la journée, le repas absorbé calait les esprits comme les estomacs aux frontières du sommeil et bien sur si la question me brûlait les lèvres, par une prescience idiote, un mimétisme de convenance, je m’étais tu moi aussi.

Car bien que j’eus à payer le prix fort ma place dans ce bateau, un sentiment de clandestinité ne me lâchait pas jour et nuit. Je n’étais que cet intrus, cet étranger qui ne participait pas aux taches de la navigation, qui ne servait à rien sauf à tenter de relater les étapes du voyage, comme le témoin d’un événement qui n’ intéresserait jamais personne.

Ce silence n’est pas le silence.

Paysage gris Patrick Blanchon huile sur toile 2018

Tant que le mot sera prononcé même à voix très basse il ne sera pas le silence. A vrai dire il ne l’est déjà plus car comme un excentrique qui tourne autour d’un axe taré je crois que j’ai fini par épuiser le filon. La fusée continue sont voyage en larguant un nouvel étage, le silence se retrouve dans l’espace intersidéral catapulté par l’élan de liberté de celui qui désire se rendre encore au plus loin.

Il faudra un jour que je parle de mes relations intimes avec la chine, avec les vieux lettrés du x eme siècle et tout ce dont j’ai pu bénéficier à les côtoyer. Il m’arrive encore parfois de sourire quand je veux donner la définition d’un mystère et c’est bien à eux que j’offre cette sensation de se retrouver à la fois devant un haut mur et d’être doué soudain d’un extraordinaire pouvoir de « passe-muraille ».

Le tao dont tous suivaient la voie est indéfinissable. Il est tout et rien en même temps car sans dualité et étant sans dualité il est, il repose paisiblement, mais ne vous y fiez pas car paisiblement ne signifie pas qu’il n’a ni bec ni ongle pour rappeler à l’ordre l’égaré perpétuel que je suis.

Aussi en ce moment j’éprouve les forces du printemps agiter toutes les molécules d’eau dont je suis constitué. De façon inespérée une nouvelle sève remonte des profondeurs et sans doute le fait que j’ai pris cette habitude salutaire d’aller faire quelques pas en dehors de l’atelier, de la maison, d’aller toucher un arbre, écouter le bruit de la rivière, n’est-il pas étranger à ces infimes bouleversements.

Le silence n’est pas le silence. C’est autre chose encore, il faudra se remettre à l’ouvrage encore, reprendre sa copie, continuer sommes toutes.