69. Notule 69

Karel Appel peinture

L’issue est t’elle possible en s’engageant tout entier dans le dionysiaque?

Possible, encore faut-il saisir la profondeur de ce terme. Peindre avec sa bite n’honore pas vraiment le principe. Tout au contraire il le ridiculise, et les dieux n’ont jamais éprouvé une bien haute bienveillance pour l’inutile.

Le dionysiaque c’est certainement tout autre chose qu’une banale histoire de cul, si homérique fut-elle.

Il y a l’ivresse, la transe, avant toute chose et le sexe n’est pas un moyen plus utile que la danse ou la pratique du tambourin pour y accéder.

La peinture peut mener à la transe. Pour certains elle doit mener à celle-ci et rien d’autre. Il est très séduisant d’y croire. Sauf que la transe que savons nous réellement de ce qu’elle est ?

Peut-être que la techno ou la dance est une tentative pour la recréer dans notre monde tombé bien bas dans la matière. Pour canaliser un besoin naturel dans des lieux identifiables, pour que tout ne se transforme pas en “rêve party” incontrôlable

Mais on voit bien comment la parole politique peut tout autant donner cet espoir dionysiaque, assez brièvement avant de retomber en quenouille sitôt que les “affaires” et les “responsabilités” sont obtenues.

Dans un cas il s’agit de contrôle ou d’échapper au contrôle et dans l’autre de gaver des fois à la bouillie dans laquelle les promesses, les mensonges, l’espoir d’un âge d’or sont savamment dosées dans un but électoral.

Mais la transe ce n’est pas ça non plus. Ce n’est sûrement pas une enculade pas plus qu’un tube de Vaseline.

La transe c’est cette énergie dont Apollon veut nous priver pour rester Apollon.

Et ce n’est pas non plus une rêverie europeocentrée qui voudrait s’accaparer le primitivisme pour redonner du jus aux bourses, à rendre soudain solides les couilles molles.

On voit bien à quel point l’inspiration peut manquer aujourd’hui, ce vide inouï que rien ne semble vouloir combler en peinture notamment pour un regard acéré autant que désespéré.

Donc le dionysiaque, la transe, le cul comme une sorte de pas sage obligé. Oui mais dans quel but ? Quelle intention véritable ?

Si ce n’est trop souvent encore, hélas que pour s’arrêter sans savoir se maîtriser ni se contenir au profit ?

Et donc aussi pour s’engager dans une démarche la plus juste possible vis à vis de ce mystère intact c’est au contraire de ce que l’on peut penser en marchant sur des œufs, en expérimentant un certain degrés de discipline ou d’ascèse qu’on peut entrevoir un peu plus précisément le sentier qui s’enfonce dans la bonne grotte.

Et puis l’erreur aussi est comprise comme toutes les illusions, que ce soient par vrais et faux dégoûts, par le bavardage intempestif et les silencieuses joies, l’important est de persévérer, de percer pour voir, ou plutôt pour s’aveugler proprement.